Images de page
PDF
ePub

Voici comment un journal d'Allemagne distribuait les premières charges et dignités d'un grand empire.

ROYAUME DE LA MUSIQUE.

Mozart, roi.

Gluck, premier ministre.

Méhul, son premier secrétaire.

Hændel, ministre des cultes.

Haydn, chancelier.

Beethoven, généralissime.

Cherubini, ministre de l'instruction publique.
Bach (Sébastien), ministre de la justice.
Weber (Charles-Marie), intendant de l'Opéra.
Spohr, maître de la chapelle royale.

Mendelssohn, directeur général des concerts.
Paër, conservateur de la collection d'antiquités.
Spontini, artilleur.

Meyerbeer, banquier de la cour.

Rossini, fournisseur des diamants de la couronne.

[blocks in formation]

Aurais-tu envie d'apprendre quelque chose? et veux-tu que je te donne un maître pour te montrer à jouer du clavecin ?

On dit, on imprime encore de nos jours, au grand scandale des musiciens, toucher du piano, toucher de l'orgue, pincer de la guitare, pincer de la harpe. On ne touche pas, on ne pince pas de quelque chose. Le plus singulier, c'est que la même personne, qui vient d'employer ces locutions vicieuses, vous répondra correctement si vous la heurtez ou si vous la pressez avec les doigts: Vous m'avez touché le coude, vous

m'avez pincé le bras. >>

Vous verrez que Bruéis et Palaprat ont fait dire à M. Grichard, dans le Grondeur: Je t'ai défendu cent fois de racler ton maudit violon. » Ils se sont gardés avec soin d'écrire racler de ton violon, car on ne racle pas plus du violon, qu'on ne touche du clavecin.

Jouer des instruments, c'est exécuter sur ces instruments des airs de musique, surtout ceux qui leur sont propres, ou les chants, les accompagnements notés pour eux. Le mot jouer étant devenu générique, (et c'est en cette qualité que Molière l'emploie,) s'applique maintenant à tous les instru

ments.

En 1581, le mot air n'étant pas encore adopté par les musiciens, on disait son pour indiquer une pièce de musique sonnée sur quelque instrument, d'où sonate, sonnerie, sonnet même, nous sont venus. Voyez la partition du Bullet comique

de la Royne, très bien imprimée par Adrian Le Roy, Paris, 1582, in-8. Vous y verrez son du premier ballet, son de la clochette, auquel Circé sortit de son jardin.

On disait autrefois sonner du violon, de la flûte, du hautbois, de la trompette, toucher l'orgue, le clavecin, donner du cor, jouer des castagnettes, blouser les timbales, battre le tambour, pincer la harpe, la guitare, et même guitariser.

Je pense quand la nuit il a guitarisé,

Que j'en ai tout le jour le cœur martyrisé.

SCARRON, Jodelet duelliste.

Le mot jouer a remplacé tous ces termes propres; il en résulte le double avantage :

1° De simplifier le langage et de prévenir toute fausse application, telle que toucher le hautbois, donner de la harpe.

2o De pouvoir consacrer ces mêmes termes propres à des actions tout à fait étrangères à l'art musical, quoiqu'elles s'opèrent par les moyens qu'il fournit. Ainsi nous dirons sonner de la trompette, blouser les timbales, donner du cor, battre le tambour, lorsqu'il s'agira d'une marche de cavalerie, d'une chasse à courre, ou de l'appel d'un corps de fantassins.

L'Académie pourtant... mais faut-il se fier à l'Académie ? On sait que son Dictionnaire présente les contradictions les plus singulières; cette demoiselle est vieille et se permet trop souvent de radoter, en musique surtout.

L'Académie nous dit en sa dernière édition, 1835, que le verbe pincer est ordinairement neutre quand il s'agit d'instruments dont on ne joue que de cette manière; et l'on peut dire à la rigueur pincer de la harpe, sans être trop ridicule aux yeux des personnes qui ne sont pas musiciennes. Mais si le verbe actif pincer a la faculté de devenir neutre quand il passe à travers les cordes d'une harpe, pourquoi le verbe toucher, dont l'activité n'est point contestée, n'a-t-il pas la même licence quand on en fait l'application au clavier d'un piano? Souffle-t-on, pince-t-on, racle-t-on du piano? Point du tout. On en tire des sons en le touchant, on ne saurait en

jouer d'aucune autre manière. L'Académie défend expressément de toucher du piano, l'Académie permet de pincer de la harpe; l'Académie a-t-elle songé sérieusement à toute lå bouffonnerie de son antithèse grammaticale?

Quand on se constitue en cour suprême, on ne doit pas juger sur des ouï-dire. Il faut rendre de bons arrêts, dicter des lois fermes et précises, les motiver par d'excellentes raisons. Lorsqu'un théoricien souffle le froid et le chaud, il souffle toujours une bétise.

Puisque l'Académie n'ose pas condamner pincer de la harpe, elle devrait approuver partir à la campagne, voyons voir, un habit mangé aux vers, le jour de la Noël, il fallait que je vienne, l'ormoire, la castonnade, les nantilles, le caneçon de lanquin, l'arbre sèche, la terre sec, un bel oie, de bons noix, nous deux ma sœur, c'est-à-dire ma sœur et moi, cacaphonie, un aigledon, il est enthousiasme, fixer au lieu de regarder fixement, peu fortuné pour peu riche, sous ce rapport au lieu de à cet égard, de suite pour tout de suite, il a dû beaucoup souffert, se rappeler de au lieu de se souvenir, éviter cette peine au lieu de épargner cette peine, et cent autres solécismes ou barbarismes si familiers aux Parisiens, que l'usage semble les autoriser.

-Me Jacquet, dès sa plus tendre jeunesse, fit connaître des talents et des dispositions extraordinaires pour la musique et pour l'art de toucher le clavecin. A peine avait-elle quinze ans, qu'elle parut à la cour. Le roi eut beaucoup de plaisir à l'entendre jouer du clavecin, ce qui engagea Mme de Montespan à la garder trois ou quatre ans auprès d'elle pour s'amuser agréablement, de même que pour le plaisir des personnes de la cour qui lui rendaient visite, en quoi la jeune demoiselle réussissait très bien. » TITON DU TILLET, le Parnasse français, page 635.

Vous voyez que nos anciens écrivaient et parlaient correctement.

Mile Jacquet épousa Marin de La Guerre, organiste de Saint-Séverin, et fit représenter, en 1694, Céphale et Procris, opéra en cinq actes, dont elle avait composé la musique.

[ocr errors]

Mmes Penon et de La Plante, Miles Guyot et Certain brillaient au premier rang des clavecinistes féminins, à la même époque. La Fontaine donne de grands éloges à Mile Certain, dans l'épître adressée à M. de Niel, et non pas de Niert, encore moins de Nyert, comme on l'a presque toujours imprimé.

Je suis la fille du génie,

Qui sous le beau nom d'harmonie,

Réunis dans mes sons tous les charmes du chant;
Et respectant les lois du dieu qui m'a formée,
Je reste dans Ruckers (1) captive et renfermée,
Et j'attends pour sortir la Certain ou Marchand.

LAINEZ.

- On joue présentement à l'Hotel de Bourgogne l'Amour malade, tout Paris y va en foule, pour voir représenter les médecins de la cour, et principalement Esprit et Guénaut, avec des masques faits tout exprès. On y a ajouté Desfougerais, etc. Ainsi l'on se moque de ceux qui tuent le monde impunément. » GUY PATIN, lettre du 25 septembre 1665.

En acceptant le jugement porté sur ces médecins par leur confrère Guy Patin, plusieurs écrivains ont démenti la circonstance des masques. Ils auraient dû combattre et réfuter l'opinion si clairement exprimée par un docteur, que son état et sa causticité naturelle tenaient à l'affût de tout ce qui se faisait et se disait à l'égard des médecins. Vous voyez que Molière avait soin de donner à ses acteurs des masques ressemblants aux originaux mis en scène. Le masque était encore en usage pour certains rôles, et n'a cessé de l'être à la Comédie-Française que cent ans plus tard. Molière avait pris le masque pour représenter Mascarille dans l'Étourdi comme dans les Précieuses ridicules; il se plut à le donner, quatorze ans après, à ses acteurs Hubert et Du Croisy, quand ils

(1) Hans Ruckers, d'Anvers, le plus habile et le plus célèbre des facteurs de clavecins. On disait un Ruckers pour désigner un excellent clavecin.

« PrécédentContinuer »