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Et je trouve plus de merveille
Au doux fredon de la bouteille.

Je quitte procès et chicane :
A demain, si j'ai le loisir;
C'est vivre plus bête qu'un âne,
De ne point prendre de plaisir :

Privant sa gorge et son oreille
Du doux fredon de la bouteille.

Verse-moi donc de ce breuvage
Fuisque l'ami le trouve bon,
Et qu'il m'en donne le courage
Par le ragoût de ce jambon.

Jusques à tant que je sommeille,
Au doux fredou d'une bouteille.

Et si pour avoir fait la fête
A ces bouteilles et ces pots,
Je baisse les yeux et la tète,
Laissez-moi dormir en repos;

Et gardez que l'on ne m'éveille
Qu'au fredon d'une autre bouteille.

Je ne pense point à la guerre
N'à mes dettes quand j'ai bien bu,
Je suis un monarque sur terre,
Et pense que tout me soit dû;

Car je trouve plus de merveille

Au doux fredon d'une bouteille.

Le Parnasse des Muses, auquel est ajouté le Concert des Buveurs, in-18, Paris, Hulpeau, 1627.

Mis en opéra comique par Désaugiers fils, et musiqué par Marc-Antoine Désaugiers père, le Médecin malgré lui fut représenté, sur le théâtre Feydeau, le 26 janvier 1792.

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Fais-les approcher, je veux jusques au jour les faire ici chanter, et voir si leur musique n'obligera point cette belle à paraître à quelque fenêtre.

Les voici. Que chanteront-ils?

HALI.

ADRASTE.

Ce qu'ils jugeront de meilleur.

HALI.

Il faut qu'ils chantent un trio qu'ils me chantèrent l'autre jour.

ADRASTE.

Non. Ce n'est pas ce qu'il me faut.

HALI.

Ah! monsieur, c'est du beau bécarre.

ADRASTE.

Que diantre veux-tu dire avec ton beau bécarre?

HALI.

Monsieur, je tiens pour le bécarre. Vous savez que je m'y connais. Le bécarre me charme; hors du bécarre, point de salut en harmonie. Écoutez un peu ce trio.

ADRASTE.

Non, je veux quelque chose de tendre et de passionné, quelque chose qui m'entretienne dans une douce rêverie.

HALI.

Je vois bien que vous êtes pour le bémol. Mais il y a moyen de nous contenter l'un et l'autre : il faut qu'ils vous chantent une certaine scène d'une petite comédie que je leur ai vu essayer. Ce sont deux bergers amoureux, tout remplis de langueur, qui, sur bémol, viennent séparément faire leurs plaintes dans un bois, puis se découvrent l'un à l'autre

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la cruauté de leurs maîtresses; et là-dessus vient un berger joyeux avec un bécarre admirable, qui se moque de leur faiblesse. »

Il s'agit tout simplement ici de la transition du mode mineur, portant un bémol à sa tierce (1), au mode majeur, dont la tierce est remise au ton naturel à l'aide précieuse du bécarre. Ce moyen, devenu vulgaire par l'abus qu'une infinité de musiciens sans talent en ont fait, les fabricateurs de romances surtout, ce moyen n'en est pas moins d'un effet ravissant, prodigieux lorsqu'un homme de génie a su le préparer. L'andante de la symphonie de Haydn, ayant pour titre Roxelane, en est un exemple dans le genre suave et gracieux. L'explosion victorieuse de la symphonie en ut mineur de Beethoven se fait en bécarre pour parler le langage d'Hali. Une longue suite de cadences en bémol, une indécision concertée sur la route que l'orchestre va prendre, amènent enfin cette marche triomphale où tous les archets, toutes les embouchures, repoussant les douceurs du bémol, font sonner le bécarre avec un brillant éclat, une harmonie stridente, énergique au dernier point. Dans la prière de Moïse, les trois couplets sont en bémol; mais lorsque les Hébreux voient les eaux de la mer s'élever pour leur ouvrir un passage, l'humble déprécation se change en hymne de reconnaissance; plus de crainte, le ciel exauce leurs vœux ; ils attaquent en chœur, en bécarre, avec le déploiement de toutes les forces de l'orchestre, cette mélodie présentée d'abord d'une manière timide, et qu'un seul récitant osait proférer. Le bécarre de cette péroraison est d'un effet saisissant.

J'attends avec un frémissement de plaisir le si bécarre du solo de cor anglais de l'ouverture de Guillaume Tell, et je pince toujours mon voisin pour lui faire sentir l'adorable la

(1) Quelques jeunes musiciens me diront peut-être que, dans les tons où figurent plusieurs dièses, la tierce mineure est indiquée au moyen du bécarre. Oui sans doute, si je parlais de la musique de notre époque; mais en 1667, et même septante ans plus tard, on baissait encore la note diésée au moyen d'un bémol.

bémol d'Arsace qui décide la rentrée en mi bémol dans le quintette sans orchestre du finale de Semiramide. J'aurais dû parler d'abord du bémol monumental amenant le bécarre dans l'air d'Alceste, de Gluck, sur ces mots: me déchire et m'arra---che le cœur.

Après avoir cité Gluck, Haydn, Beethoven, Rossini, je vais vous rappeler un air de Doche. La transition est brusque sans doute, mais ce dernier exemple sera le plus clairement démonstratif pour mes lecteurs non musiciens. Vous sou vient-il d'une comédie en vaudevilles que j'ai vu jouer en 1810, ayant pour titre les Deux Edmond, fort divertissante et surtout admirablement exécutée ? Parmi les nombreux couplets de la chanson finale de cette pièce, je remarquai, je retins, à peu près du moins, celui-ci :

Vins de Surène, vins de Brie,
D'Argenteuil et de Normandie,
Vins faibles toujours aigre-doux,
Déguisez-vous (bis).

Joly chantait ces quatre vers d'un ton piteux; ses lazzi de bouderie et de mépris s'accordaient parfaitement avec les bémols qui foisonnent en ce prélude mineur. Mais sa figure s'épanouissait, la joie brillait en ses yeux, quand il laissait le bémol pour le bécarre afin de montrer l'affection particulière que des liqueurs plus dignes de son hommage inspiraient à son cœur. Les quatre vers suivants, chantés en majeur, ramenaient la gaieté dans la salle comme sur le théâtre.

Vins de Bourgogne, de Champagne,
De Tokay, de Bordeaux, d'Espagne,
Vins forts, vins fins, vins délicats,
Ne vous déguisez pas (bis).

Hali devait avoir quelque pressentiment de cette chanson, lorsqu'il s'écriait: - Hors du bécarre point de salut. »

Gentil oiseau, ma petite linotte,

N'apprit jamais ni musique ni note;

Mais dès que je la siffle, elle est à l'unisson.
Il n'en est pas ainsi de ma femme Alisor.

la cruauté de leurs maîtresses; et là-dessus vient un bécarre admirable, qui se moque de leur fail

Il s'agit tout simplement ici de mineur, portant un bémol à sa t dont la tierce est remise au ton bécarre. Ce moyen, devenu nité de musiciens sans tal romances surtout, ce m ravissant, prodigieux parer. L'andante de Roxelane, en est ur' L'explosion vic Beethoven se Une longu certée si cette

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scène 7; 1697.

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a moindre tierce mineure, t barbare. Ils étêtent le galop pour se déployer dans leur étroit a phrase de la Favorite, qu'ils tamisent mi remplace gauchement l'ut dièse que l'o

cite en vain.

harpes

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sans pédales des troubadours, harpeurs ambu ́horreur du dièse, comme jadis la nature avait

morreur du vide.

A Boston, ville de haute sagesse, il est défendu sous peine de la hart, de faire sonner un orgue de Barbarie dans les

rues.

Cette harmonie discordante et flasque pourrait affadir,

molester, révolter même l'oreille des chevaux. Nos gouvernants devraient emprunter ce paragraphe au Code municipal infiniment paternel de Boston; et faire pour nous ce que font les Américains pour leurs intelligents quadrupèdes. Voyez GUSTAVE DE BEAUMONT, Tableau des Mœurs américaines.

Une ordonnance du directeur de la police, publiée, affichée à Cologne le 8 décembre 1851, interdit aux musiciens ambulants, aux joueurs d'orgue de Barbarie, aux personnes qui montrent des animaux exotiques avec accompagnement de musique, et en général à tous les individus qui font de la musique dans les rues ou sur les places publiques, de faire usage d'instruments discordants ou désaccordés. Les contrevenants, s'ils sont étrangers, seront immédiatement expulsés de la ville; s'ils sont nationaux, ils seront privés de l'autorisation par eux obtenue de la police, et cette autorisation ne pourra leur être accordée de nouveau qu'après qu'ils auront

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