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plaudi les analyses littéraires, devient tout à coup porcépic, cormoran, buse, huître, crustacé, lorsqu'il s'aventure dans le domaine des musiciens.

Que diriez-vous d'une histoire romaine où l'on verrait que l'empereur Gothon, l'un des douze Lézards, avalait trente douzaines de Gaulois à son déjeuner avant d'être sorti du ventre de sa mère Frédégonde? Tatone et Suécite, écrivains célèbres, étant cités pour affirmer ce fait d'une étrange nouveauté. Le comte Orloff nous a dotés d'une Histoire de la Musique en Italie, écrite dans ce goût. Ces deux volumes, infiniment curieux, fabriqués par une société d'académiciens français, siégeant rue Bergère, à la table du gentilhomme russe; ces deux volumes, publiés à Paris, chez Dufart, en 1822, ont été traduits en allemand, en italien, et réimprimés, toujours aux frais du noble comte Grégoire Wladimir, qui les a signés de son nom! Quelle nécessité, quelle manie de faire ainsi publiquement ses preuves d'une imbécillité magistrale? Quelle imprudence de signer sa condamnation, d'accaparer tant de turpitudes, quand on est réellement innocent, et pas du tout académicien !

-Malherbe prétendait se connaître en musique et en gants. Voyez un peu le beau rapport qu'il y a de l'une à l'autre dit Tallemant des Réaux. »

On réimprime tous les jours les auteurs qui brillent au premier rang sur notre scène; on ne manque pas d'ajouter à ces éditions nouvelles, de longues notices, une infinité de remarques trop souvent inutiles, et quelquefois entachées d'erreurs plus ou moins grossières. Aucun annotateur encore ne nous a donné l'explication des passages, des vers, des mots qui se rapportent à la

musique. La comédie est la véritable image de la société, des mœurs, des usages, du costume d'un siècle déjà bien loin de nous. Ce que les auteurs comiques de ce temps disent sur la musique est parfaitement inintelligible pour les spectateurs comme pour les lecteurs d'aujourd'hui. Ces détails, qui passent inaperçus, que cinq ou six musiciens de notre temps pourraient comprendre, et que les autres interpréteront de travers, sont infiniment précieux pour l'histoire de l'art. Ils servent à prouver beaucoup de faits, que l'on serait réduit à présenter comme des conjectures.

Peu de temps après la mort d'Eschyle, vous le savez, les Athéniens firent peindre ce poète dans un tableau de la bataille de Marathon, et cette image fut solennellement placée dans le temple de Bacchus. Un des plus grands orateurs d'Athènes, Lycurgue, parvint dans la suite à lui faire élever une statue d'airain, ainsi qu'à ses deux illustres rivaux Euripide et Sophocle; il fit même établir un scribe public, dont l'office était de lire de temps en temps leurs ouvrages aux acteurs, soit pour conserver la pureté du texte, soit pour en expliquer le sens et l'esprit (1).

Je serai ce scribe à mon tour, le nom est heureux, il me portera bonheur. Croyez que les Notes d'un Musicien ne seront pas tout à fait dépourvues d'un certain intérêt littéraire.

(1) La république florentine fonda, pour l'interprétation du Dante, une chaire que Boccace remplit le premier. Il ouvrit son cours, le 23 octobre 1373, dans l'église de Saint-Étienne. Les chaires dantesques, multipliées ensuite par toute l'Italie pendant plus de quatre siècles, ont cessé de nos jours; l'influence autrichienne les a fait supprimer.

ADRIEN DE MONTLUC, COMTE DE CRAMAIL, 1616.

ACTE I, SCÈNE 3.

FLORINDE.

Pour la mine, il l'a telle quelle, et surtout il est délicat et blond comme un pruneau relavé, et la bourse, il ne l'a pas trop bien ferrée : de ce cotélà il est sec comme rebec, et plus plat qu'une punaise.

ALAIGRE, parlant aux violons.

Soufflez, ménétriers, l'épousée vient.

Du proverbe sec comme rebec, nous avons fait sec comme un violon.

Alaigre s'adresse à des violonistes, et pourtant il leur dit : Soufflez, ménétriers! Les musiciens de ce genre gouvernent un archet et ne soufflent pas du tout, j'en conviens; mais dans cette Comédie des Proverbes, où le dialogue n'est composé que de sentences populaires, Montluc a mieux aimé se servir d'une expression peu juste, plutôt que de recourir à d'autres mois, tels que sonnez, jouez, raclez, tout à fait convenables, mais dont l'exhibition aurait dérangé l'économie d'une phrase dès longtemps adoptée et consacrée. D'ailleurs une flûte soutenue par un tambour avait composé jusqu'alors nos orchestres dramatiques.

Lorsqu'un hableur se vantait, on s'empressait d'interrompre sa harangue, de lui clore le bec, avec ces mots significatifs: Soufflez, ménétriers, l'épousée vient ou passe. Montluc a voulu reproduire fidèlement ce proverbe.

Pour inviter les musiciens, flûtistes ou violonistes, à varier un peu leur répertoire, à jouer d'autres airs, on leur disait : Cornez d'autres, ménétriers; ces virtuoses n'étaient cependant armés d'aucune trompe ou buccine.

Ce que dit Alaigre aux ménétriers, est la plus ancienne preuve de l'établissement à poste fixe, de l'orchestre au théâtre pour y jouer des symphonies pendant les entr'actes, et lorsqu'il s'agit d'annoncer l'entrée de certains personnages importants.

Les dessus de violon, soutenus par des hautes-contre, tailles, quintes de violon, et des basses de viole, composaient seuls l'orchestre d'un théâtre.

En 1616, à l'époque où Montluc donna sa Comédie des Proverbes, les musiciens faisant sonner le violon et ses dérivés de taille différente, étaient placés, en deux bandes, sur les ailes du théâtre.

Pour bien caser, asseoir mes symphonistes, il faut que je remonte aux Mystères de la Passion.

Lorsque ces drames étaient offerts au public sur un théâtre immense, à six étages, à compartiments, on distribuait les personnages dans les étages et les compartiments où leurs fonctions les appelaient. On plaçait à droite, à gauche de l'avant-scène, des banquettes destinées aux acteurs qui s'y reposaient, en attendant de commencer ou de continuer leurs rôles. Au lieu de rester au vestiaire ou de rentrer au foyer, cinquante ou soixante des virtuoses principaux étaient rangés en bataille devant le public, et ne quittaient ce poste d'observation qu'au moment où leur réplique les invitait à figurer dans le compartiment que d'autres venaient d'abandonner. Jésus, Pierre, Jean, la Vierge sainte, voyaient, entendaient Judas ourdir et suivre ses projets criminels; Madeleine assistait aux révélations les plus drôlatiques de ses fredaines, sans en avoir le moindre souci; le public ne s'en inquiétait pas davantage.

La vérité dramatique eût exigé que tous ces acteurs, oisifs pour le moment, eussent été relégués derrière le théâtre avec les musiciens, que l'on y plaçait alors, quand leur service ne les appelait point autre part; mais le public ne l'aurait pas souffert. Ce bataillon de personnages armés de toutes pièces, harnachés de pied en cap, était à ses yeux un

spectacle dans un spectacle; nulle raison, nul prétexte ne pouvait l'engager à s'en dessaisir.

L'orgue portatif, que l'on voiturait afin de le placer aux divers endroits où l'on devait concerter, n'excluait pas un orchestre également colloqué dans le paradis pour accompagner les chœurs séraphiques. Ainsi, lorsque Dieu le père annonce à la cour céleste que le Messie va naître, cette cour en témoigne son allégresse par des cantiques. - Adonques chantent, et puis des joueurs d'instrumens derrière les anges répètent, tandis, des anges qui tiennent les instrumens font manière de jouer. » Mystère de l'Incarnation et Nativité.

Le roi David avait déjà paru dans la première scène de ce drame. Il prophétisait la venue du Christ, et l'acteur devait chanter une partie de son rôle en s'accompagnant de la harpe. Lorsqu'on ne pouvait rencontrer un virtuose qui sût chanter et jouer de cet instrument, on supprimait le chant. L'indication suivante nous l'apprend : - Adonc harpe s'il est harpeur, ou sinon laisse cette derraine clause depuis ce lieu-la. »

Lorsque les acteurs étaient amenés assez près de l'assistance pour qu'elle pût juger de la réalité de leur jeu musical, ils étaient obligés d'exécuter eux-mêmes, sur la scène, les morceaux de chant et de symphonie qui faisaient partie de leur rôle. Cette exigence de la part du public vint encore. troubler le succès de Me Lecouvreur dans les Folies amoureuses, et ne cessa qu'en 1774, à la première représentation de l'Orphée de Gluck.

Le paradis, très-souvent appelé volerie, parce que les anges y battaient de l'aile au milieu de nuages peints; ce paradis, occupant le sixième des étages superposés, céda son nom à l'amphithéâtre construit dans la partie la plus élevéc de nos salles de spectacle. Le paradis a changé de coté; le public y tient aujourd'hui la place des anges et des saints.

Le théâtre, la scène, était jadis nommée le parc, le parquet, d'où les Italiens ont conservé le mot de palco, palco scenico. -Je te jure qu'en ma barrette, j'ay aultrefoys cogneu cer

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