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adressée, il faudra que ce lecteur revienne sur ses pas, et feuillette les deux tiers du volume, pour connaître enfin quel est ce même, quelle est cette même, qui s'obstine à garder l'anonyme. Ne vaudrait-il pas mieux que chaque lettre portât son adresse en tête, et que l'on apprtt sur-le-champ que ce même est M. de Peiresc ou tout autre?

Dans le sac ridicule où la mode enveloppe

aujourd'hui presque toutes les lettres missives, ces autographes perdent leur adresse et les timbres de la poste, qui feraient connaître leur destination, leur date, souvent omise, témoignages quelquefois d'une haute importance pour les colligeurs d'écrits historiques et les tribunaux. Garder l'enveloppe afin de la joindre à la lettre est un embarras; ces deux pièces figurent mal dans les portefeuilles, encore plus mal sous verre. D'ailleurs, la suscription peut avoir été mise par une main étrangère, et dans ce cas le témoin chante faux; tandis que l'adresse figurant au dos de la lettre est toujours authentique. Un écrivain qui se respecte ne doit jamais fourrer ses épîtres dans un sac.

Parlerai-je des noms si grotesquement alongés de plusieurs de nos théâtres? L'Opéra comique est un opéra comique du théâtre national de l'Opéra-Comique: la jolie phrase que voilà, bien mélodieuse surtout! L'Odéon, la Gaieté, l'Ambigu même peuvent figurer gracieusement dans le discours; mais le théâtre de la Porte-Saint-Martin! où placera-t-on cette périphrase hideuse, interminable? Que signifient ces mots théâtre de la République, théâtre de la Nation? tous les théâtres de la France ne sontils pas des théâtres de la république et de la nation? Vous qui savez si bien réduire les mots à leur plus simple figure, en disant réac, démo, démo-soc, pourquoi n'abrégez-vous pas aussi toutes ces appellations lourdement ridicules, en disant théâtre Mique, Tin, Blique, Tion? Ou, ce qui serait mieux, que n'imitez-vous les brasseurs de bière, en donnant à vos salles des noms de fleurs ou de fruits? vous auriez les théâtres de la Rose, du Camélia, de l'Orange ou du Melon. Florence

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n'a-t-elle pas le théâtre du Concombre? Cela ne serait-il pas plus élégant et surtout plus bref? Signor, la vita è corta, dit Arlequin; pourquoi perdre son temps à tracer, à bégayer, mastiquer d'incommodes syllabes parfaitement inutiles? Nos littérateurs craignent-ils que leur fiacre ne s'embourbe pas? Paris est-il bati dans l'ile des Lanternes, pays où l'on ne se presse guère et même point du tout?

Un théâtre portant un nom de fleur ou de fruit peut changer de genre, et conserver toujours la même dénomination. Que l'on y joue la comédie ou le mélodrame, que l'on y bégaie le vaudeville, que l'on y chante l'opéra, la salle de la Rose ou de la Tulipe n'aura point à changer son enseigne. Elle désignera le lieu, non le genre du spectacle.

Cette nouvelle affaire se rattache à l'ancienne. Pour s'y rattacher, il faudrait que, d'abord unie à l'ancienne, elle en eût été séparée plus tard; ce qui ne saurait être, puisque la nouvelle affaire n'existait point encore. Rattacher signifie attacher de nouveau, faire rattacher synonyme d'attacher est absurde; c'est ruiner de fond en comble tout l'édifice du langage. Si l'on adoptait cette substitution ridicule, il faudrait annuler d'abord le mot attacher, devenu parfaitement inutile. Il faudrait subir le barbare système qui doit être la conséquence inévitable de cette substitution, et dire aussi : Que l'on a rouvert la porte Saint-Denis, qui jamais ne fut close; que l'on a refait, réédifié, reconstruit, relevé, rebati l'arc de triomphe de l'Étoile, quoiqu'on ne l'ait fait, édifié, construit, élevé, bati qu'une seule fois. S'il était nécessaire de prouver que refondre n'exprime pas du tout la même chose que fondre, je vous dirais que, sans la précieuse différence qui distingue ces deux mots, il serait impossible de faire comprendre aux plus intelligents, que la colonne de la grande armée et sa statue de Napoléon, ayant été fondues en 1808, la statue seule fut refondue en 1833.

J'espérais que l'auteur des Remarques sur la langue française signalerait cette expression vicieuse pour la condamner; point du tout. M. Francis Wey rattache comme tous ses con

frères; il rattache comme l'académicien Villemain, et comme les brosseurs de prose quotidienne; il rattache sans avoir attaché, puis détaché, ce qu'il ne saurait rattacher qu'après ces deux opérations préliminaires.

La même observation s'applique au verbe redemander, dont on use presque toujours sans raison, sans discernement, sans égard pour ce qu'il signifie. Si les acteurs ont été demandés une première fois pendant le cours de la pièce, on peut dire qu'ils ont été redemandés après la chute du rideau. Mais si le public ne les a demandés qu'à la fin du spectacle, et par conséquent qu'une seule fois, dire qu'ils ont été redemandés est au moins une impertinence. Ne souriez-vous pas lorsqu'un épicier se sert du mot rentrer au lieu d'entrer? Oseriezvous dire qu'une demoiselle, agée de quinze ans et quinze minutes, s'est remariée la semaine dernière?

ACTE II, SCÈNE 1.

LA FLÈCHE.

Plus, un luth de Bologne, garni de toutes ses cordes, ou peu s'en faut.

Bologne était renommée pour la fabrication des luths, Crémone pour ses violons, l'Angleterre fournissait des violes à toutes les nations, avant que François Ier n'eût appelé Duiffoprugcar à Paris.

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se disait alors pour justifier en quelque sorte un mariage disproportionné, sur le regard de l'âge des époux. Ce proverbe s'accorde parfaitement avec ce que Frosine dit au galant suranné.

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Je voudrais que vous l'eussiez entendue parler làdessus. Elle ne peut souffrir du tout la vue d'un jeune homme; mais elle n'est point plus ravie, dit-elle, que lors

qu'elle peut voir un beau vieillard avec une barbe majestueuse, Les plus vieux sont pour elle les plus charmants; et je vous avertis de n'aller point vous faire plus jeune que vous n'êtes. Elle veut tout au moins qu'on soit sexagénaire; et il n'y a pas quatre mois encore qu'étant prête d'être mariée, elle rompit tout net le mariage, sur ce que son amant fit voir qu'il n'avait que cinquante-six ans, et qu'il ne prit point de lunettes pour signer le contrat. »

FIN DU TOME PREMIER.

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Paris. Typographie de Mme V Dondey-Dupré, rue Saint-Louis, 46, au Marais.

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