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désagréable, les nos 2 et 3 de couleur verte de moins en moins foncée. Le pain à 10 centigram. de sel, quoique de plus belle apparence, ne peut cependant supporter la comparaison avec le pain fabriqué avec la même farine seule. Tous avaient une saveur désagréable, et donnèrent, par incinération, des cendres plus ou moins bleues, si ce n'est celles du n° 4, qui étaient à peine colorées. Ces cendres, traitées par l'acide sulfurique étendu d'eau, le soluté par l'acide sulfhydrique et le sulfure par l'acide azotique, ont donné une quantité de nitrate de cuivre à peu près correspondante à celle du sulfate ajouté. Ces faits indiqueraient donc que le sulfate de cuivre ne peut être ajouté sciemment au pain dans le but qu'on lui attribue.

Dans plusieurs expertises légales pour reconnaître cette prétendue fraude, on a trouvé du cuivre, mais on n'a pas spécifié dans quel état de combinaison il se trouvait dans le pain. Dans la plupart de ces, cas c'est le procédé de l'incinération simple qui a été mis en usage. M. Orfila, prétextant que ce procédé est très long, puisqu'il exige plusieurs heures, même en n'opé rant que sur 100 à 130 gram. de pain, propose la carbonisation directe par l'acide azotique et le chlorate de potasse, (voyez page 601). Il dit avoir souvent carbonisé ainsi 1 ou 2 kilogram. de pain ordinaire, non additionné d'un composé cuivreux, et n'avoir découvert la moindre trace de cuivre. Il ne s'explique pas sur la présence du cuivre normal dans le pain, s'il peut y être démontré ou non par le procédé de l'incinération simple, et nous verrons ci-après, que, par ce procédé, plusieurs chimistes ont retiré ce métal du blé, de la farine, et même du pain. Nous faisons cette remarque à dessein, par ce que, consulté dans un cas de médecine légale, par les bourgmestres de Bruges, sur du pain supposé sophistiqué avec un sel de cuivre, ce chimiste répondit que si les premiers experts n'avaient pas obtenu du cuivre, c'est qu'ils n'avaient pas poussé la carbonisation jusqu'à incinération; en effet, il en obtint en opérant ainsi. Ce fait, avec les détails que nous avons donné en parlant des divers procédés, n'a pas besoin de commentaires.

Un point important, dans ce genre d'expertise, c'est d'analyser comparativement la farine qui a servi à la fabrication du pain, de s'assurer si elle n'a point séjourné, n'a point été préparée dans des vases en cuivre, si le levain n'a pas été mis à fermenter dans des vases de même nature, si l'eau qui a servi à confectionner le pain n'y a pas séjourné, etc. MM. Theulen et Servan, appelés à analyser du pain qu'on croyait avoir été préparé avec du sulfate de cuivre et qui était taché de vert, démontrèrent que ces taches étaient réellement cuivreuses, mais que ce poison provenait des cylindres en cuivre de la blaterie, qui avaient servi à moudre le blé, et dont les débris, mêlés à la farine, s'étaient probablement oxydés pendant la fabrication du pain.

Effets toxiques des préparations cuivreuses.

Le cuivre, bien décapé, et quel que soit son degré de division, n'est pas poison, ne s'oxyde pas non plus dans le tubę intestinal, quelle que soit la nature des matières alimentaires, ne produit enfin d'autres accidents que ceux qui résultent d'un corps étranger; il est expulsé plus ou moins de temps après son administration, scit par les vomissements, soit par les selles. C'est ce que démontrent les observations chez l'homme et les expériences sur les animaux. Hévin en rapporte plusieurs exemples dans les Mémoires de l'académie de chirurgie. Thomas Bartholin cite un cas où deux pièces de cuivre ne furent rejetées qu'après six mois par les vomissements. Lamothe parle d'un enfant qui, ayant avalé trois liards, les rendit le lendemain par les selles. Drouart fut appelé auprès d'un enfant, qui, en mangeant, avait avalé deux centimes; il lui fit prendre des choux, de la soupe et 1 grain d'émétique; le malade rendit les deux centimes 1 heure après avec leur brillant, mêlés aux choux. Un enfant avale une boucle en cuivre, et ne la rend par les selles que six semaines après, ternie en brun. Ses excréments étaient colorés en vert; cependant, Deyeux n'y a pas décelé du cuivre (Dubois). Drouart, M. Lefortier etc. donnèrent 8 à 52 gram. de cuivre

très-divisé, réduit même par le gaz hydrogène (Lefortier) à plusieurs chiens. Il ne survint aucune incommodité. Les excréments, colorés ou non en vert, renfermaient le cuivre en nature, mais non à l'état d'oxyde, de sel. Il en a été de même lorsque la limaille a été administrée avec de la graisse, de l'huile, du vinaigre. Dans tous ces cas le cuivre a conservé son brillant ou s'est simplement terni en noir, par sa transformation en sulfure, d'après Drouart.

Tous ces faits prouvent, manifestement, que le cuivre ne s'oxyde pas dans le tube intestinal, qu'il n'est pas poison, n'acquiert pas, dans cet organe, des propriétés toxiques; que, par conséquent, les accidents attribués à ce métal sont dus à ce qu'il a été donné en partie oxydé, comme dans le cas cité par Portal: c'est celui d'une personne qui aurait éprouvé du ténesme, des vomissements, des coliques atroces etc., pour avoir pris, progressivement, 20 centigram. (4 grains) par jour de limaille de cuivre, sous forme pilulaire. La consistance molle des pilules, leur exposition à l'air, sont deux conditions les plus favorables à l'oxydation du cuivre.

Les oxydes, les carbonates, les phosphates de cuivre, les cendres bleues et autres préparations insolubles ne seraient peut-être pas toxiques, en raison même de leur insolubilité; mais les expériences de M. Lefortier (page 597) démontrent qu'il en est tout autrement, parce qu'elles sont décomposées et transformées en sel soluble par les acides de l'estomac, des aliments, des boissons. Nous en exceptons le sulfure de cuivre, car nous ignorons s'il subit cette transformation, s'il peut devenir toxique.

L'arsénite de cuivre, quoique insoluble, est un poison très-actif; les acides de l'estomac le transforment en sel de cuivre soluble et en acide arsénieux, il en résulte donc une double cause d'empoisonnement.

Les acétates, le sulfate, le nitrate, les chlorures, les sels de cuivre ammoniacaux, enfin les préparations cuivriques solubles sont, de toutes, les plus actives. 60 centigr. (12 grains) de verdet, intoxiquent le chien en 22 heures (Drouart).

L'acétate neutre, le sulfate, et surtout le nitrate sont encore plus actifs, et peuvent tuer un chien, à la dose de 30 centigram. (6 grains), en moins de deux heures, quand on s'oppose aux vomissements, en comprimant fortement leurs mâchoires. D'après M. Toulmouche 20, 40 centigram. de sulfate cuivrique, chez l'homme, agissent comme vomitif, à effet à peu près constant. 50 centigram. (10 grains) de ce sel, appliqué sur le tissu cellulaire du cou, produisent l'intoxication d'un chat en 10 heures (Campbell), celle d'un chien en 3 jours, et en 25 à 48 heures, si c'est à la dose de 4 gram. et à l'état solide (Orfila).

Des expériences faites dans plusieurs hôpitaux de Paris, dans les cas de cancer, de scrofule, avec les pilules de Gerbier, qui ont pour base le verdet, et en contiennent 5 centigram. chacune, il résulte que, lorsqu'on arrive progressivement à la dose de 15 à 25 centigram. par jour, la plupart des malades éprouvent de la faiblesse, des douleurs d'estomac, du mal de tête, des coliques, de la diarrhée, symptômes qui s'aggravent et auxquels s'ajoutent des envies de vomir, des vomissements, des hémorragies, et surtout une faiblesse progressivement croissante, à mesure que la dose est augmentée. Quand on dépassait celle de 60 à 100 centigram. 12 à 20 grains, il survenait des accidents très-graves. La dose toxique du verdet, et, à plus forte raison, celle des sels solubles, peut donc être fixée à priori entre 20 à 40 centigram. Cette dose serait nécessairement mortelle si le poison n'était pas vomi ou rejeté par les selles, conditions qui ne se présentent presque jamais; aussi rapportons-nous des observations où le verdet n'a pas déterminé la mort, à la dose de 15 gram. (1/2 once). Ajoutons enfin que l'acétate de cuivre, injecté dans les veines jugulaires, à la dose de 10 centigram., produit des mouvements de mastication et de glutition, des vomissements, des selles, l'affaissement et la mort en une demi-heure.

Les préparations cuivreuses offrent donc entre elles la plus. grande analogie quant à leur mode d'action, ce qui s'explique par la transformation de celles qui sont insolubles en sels so

lubles par les acides de l'estomac. Il en est probablement ainsi pour les préparations antimoniales, et, nous avons vu que les préparations arsenicales insolubles étaient décomposées et raménées à l'état d'acide arsénieux ou arsénique; qu'enfin, les mercuriaux étaient transformés en bi-chlorure, d'après M. MiaThe Cette analogie dans les réactions' chimiques entre ces diverses préparations, s'observe aussi dans leur mode d'action; c'est ainsi que les préparations cuivreuses donnent lieu aux mêmes effets, agissent sur le même système d'organes que les préparations arsenicales, mercurielles, antimoniales, et en général que les autres poisons minéraux. Nous nous contenterons donc, pour cette raison, d'indiquer ce qu'elles offrent de caractéristique, de spécial. Disons, avant, que, quoique les expériences sur les chiens et les chats démontrent que les sels de cuivre sont absorbés par le tissu cellulaire, nous ne connaissons aucun exemple d'intoxication chez l'homme par une plaie, par une muqueuse externe exclusivement, non plus que par la peau non dénudée.

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19.

La saveur styptique, cuivreuse, avec crachotements, les rapports de même nature, sont les symptômes les plus constants, les plus caractéristiques de l'empoisonnement cuivrique. Ils se manifestent ordinairement avant les vomissesements, persistent pendant toute la durée de l'intoxication, ou plutôt, jusqu'à ce que le poison soit éliminé. C'est mème quelquefois le seul 'indice de cette espèce d'empoisonnement. Les malades ont une telle aversion pour celle saveur, ces rapports, que l'odeur d'une pièce en cuivre, des doigts qui en sont imprégnés, celle du verdet, leur répugne considérablement. Dronart, en sortant de déjeuner, prit, par ignorance, environ 1∙ gros d'onguent ægyptiac (coniposé avec le cuivre, le miel et de vinaigre) un quart d'heure après, rapports cuivreux, crachotement continuel, symptômes qui firent connaître l'empoisonnement. On lui donna une potion huileuse et du lait: deux ou trois heures apres, mal de tête, soif, coliques assez violentes, avec grande tuméfaction du ventre, évacuations alvines copieuses, symptômes qui furent combattus par les boissons,

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