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copes, etc. Toutes guérirent promptement par l'emploi des adoucissants, des narcotiques, des révulsifs. La chèvre tomba malade dès le lendemain du jour où elle avait pris le bouillon, et mourut le troisième jour; avant, elle était bien portante. A l'autopsie, muqueuse des intestins grêles enflammée; séreuse injectée; mésentère, épiploon, glandes mésentériques gorgés de sang. La même femme nourrissait une autre chèvre plus jeune qui, n'ayant pas pris du bouillon, fournit du lait qui n'occasionna pas d'accidents.

M. Sequiriol, qui a observé ce fait à Aurillac, attribue ces accidents au lait de chèvre, empoisonnée elle-même par le bouillon contenant un sel cuivreux. Ollivier d'Angers et Marc révoquent cette assertion, s'appuyant sur ce que les poisons cuivreux ne sont pas absorbés, et tuent par suite de l'inflammation locale; que les accidents ne se sont manifestés, chez la chèvre, que 24 heures après; qu'ensuite, le lait éprouve fréquemment des altérations. En l'absence de l'analyse du lait et du bouillon, ce qui aurait résolu la question, nous sommes cependant de l'avis du Dr Sequiriol avec MM. Delens et Andral fils, parce que, l'absorption des préparations cuivreuses ne peut être mise en doute; qu'elles ne tuent point exclusivement par leur effet local; que le lait ayant été pris après la traite, il est à supposer qu'il n'avait encore subi aucune altération; que la chèvre, avant, était bien portante; qu'enfin les effets du cuivre, pris en petite quantité, surtout avec les aliments, ne se manifestent qu'au bout d'un certain temps. Le fait suivant, à peu près du même genre, et très-curieux par la simultanéité des personnes affectées, vient corroborer le précédent.

Observation VI. Le sieur Regnaud, cultivateur, avait laissé dans son champ un double décalitre de blé vitriolé, destiné aux semailles. La fille S. N. donna ce blé à un cochon, qui devint si malade, que la propriétaire, le voyant près de périr, le vendit à un boucher de la Chapelle d'Huin-s.-J. Dix-sept personnes qui mangèrent de la viande de cet animal furent atteintes de coliques violentes. Leur état fut tel que cinq d'entre elles reçurent les sacrements. Celles qui mangèrent du boudin, préparé avec le sang, éprouvèrent les accidents les plus graves.

Il est fâcheux, sous le point de vue toxicologique et de police légale, que ces deux observations ne soient pas corroborées par l'analyse du bouillon, du blé dont on a nourri la chèvre et le cochon, ainsi que de celle du lait, du sang de ces animaux, et des matières des vomissements, des déjections alvines des personnes intoxiquées. On aurait ainsi résolu la question que nous avons agitée aux préparations arsenicales, à savoir: si la viande des animaux tués pendant qu'ils sont sous l'influence d'un poison est toxique pour l'homme. Pour nous, cette question nous paraît résolue affirmativement et nous ne pensons pas que, dans ces deux cas, on puisse admettre que le lait de la chèvre, le sang et la viande du cochon, aient subi une altération particulière. Cependant nous désirerions de nouveaux faits et plus complets.

Observation VII. Le 23 juin 1812, à minuit, M. N..., ouvrier bijoutier, âgé de quarante-quatre ans, plongé dans la misère la plus profonde, prit, dans le but de s'empoisonner, environ 16 grammes de vert-de-gris délayé dans un peu d'eau. Dans la journée du 22, il n'avait pris qu'une soupe à l'oseille. Un quart d'heure après, coliques atroces, vomissements abondants, déjections alvines copieuses, symptômes qui persistaient encore à cinq heures du matin, lorsqu'il fut porté à l'Hôtel-Dieu. Eau de gomme, lait, lavements émollients. Trois heures après, visage triste, abattu; yeux profondément cernés; langue humide; bouche pâteuse; anorexie; crachotements; renvois de verdet; soif intense; pouls petit, régulier; quatre-vingts pulsations. Même traitement. A deux heures et demie, nouveaux vomissements de matières verdâtres,, foncées. A quatre heures, il se manifesta unb ictère. Pendant la nuit, coliques légères; continuation des vomissements; trois selles, suivies d'un peu de soulagement et de sommeil. Le lendemain, jaunisse très-intense; expression de calme; langue grisâtre; bouche pâteuse; cessation de vomissements et de rapports cuivreux; abdomen rétracté, très-peu sensible à la pression; pouls régulier, déve loppé ; chaleur de la peau naturelle; tête lourde; légère surdité. Eau de Vichy avec du petit-lait; deux lavements émollients. Le malade eut, dans la journée, quatre selles de matières grisâtres. Le 26, mêmes symptômes; malaise général; soif vive; urine trouble, d'un rouge foncé, avec sédiment jaunâtre. Même traitement. Le 27, diminution marquée de tous les symptômes; retour de l'appétit; faiblesse générale.

Mêmes moyens; bouillons; vermicelle. Le 16 juillet l'ictère était dissipé et le malade en pleine convalescence. (Dr Picquet.)

Malgré la quantité énorme de poison, les effets ont offert peu de gravité et le rétablissement a été assez prompt, ce qui dépend probablement de ce que les déjections, les vomissements se sont manifestés spontanément, presque immédiatement, et qu'ils ont été abondants, prolongés. La jaunisse est rarement aussi prompte et aussi intense dans les empoisonnements par le cuivre. Elle dépendait sans doute d'une perturbation de la sécrétion biliaire, plutôt que d'une modification particulière du sang, de l'assimilation générale, comme cela paraît être dans la période des effets consécutifs, dans l'empoisonnement lent.

Nous pourrions rapprocher ce fait d'un autre, où les symptômes ont été bien plus graves et plus prolongés; c'est celui d'une femme qui, à la suite d'une discussion avec son mari, s'était empoisonnée volontairement avec une forte dose de verdet du commerce; voici les principaux symptômes: angoisses, vomissements blancs, puis verdâtres; vives tranchées; abdomen ballonné, puis contracté et très-douloureux; sentiment de chaleur âcre au gosier; froid des extrémités; crampes douloureuses; pouls déprimé; face vultueuse; yeux animés; cou dur, gonflé; déglutition et paroles très-pénibles; muqueuse buccale ou gengivaire gonflées, ulcérées; salivation abondante, visqueuse; grande sensibilité du rectum; taches pétéchiales au cou et au bras; le 3me jour selles copieuses, renfermant du poison. Ces symptômes, malgré un traitement très-actif ont augmenté d'intensité jusqu'au 4me jour, époque à laquelle s'est manifestée une détente générale et un sommeil de 3 heures, après lequel les urines ont coulé abondamment. Mais à la suite d'une contestation nouvelle avec son mari, survint une réac tion générale vomissements verdâtres et sanguinolents; coloration de la figure; yeux rouges et saillants; pouls fort, accéléré; as oupissement; forte céphalalgie sourcilière; menace de convulsions. L'emploi d'une nouvelle saignée, des gargarismes, de fomentations, de lavements émollients, et ensuite d'une potion musquée, amena de l'amélioration et une

abondante évacuation de matières fécales verdâtres et d'urines sédimenteuses. Enfin l'état s'améliore, le pouls devient régulier, l'expression de la figure est assez bonne, les ulcères de la bouche sont en voie de cicatrisation, la déglutition est plus facile ainsi que la parole, et, malgré un paroxysme qui survint le 7me jour, avec horripilation, gêne à la région précordiale, suivi de vomissements abondants d'une matière verdâtre, mêlée à des caillots sanguins, la malade entra en convalescence Je 9me jour, et, un mois après, elle était complétement rétablie. On a décelé le cuivre dans la partie liquide des vomissements et du verdet dans la partie solide. Il est à remarquer que les matières de vomissement n'ont pas toujours offert la couleur verte, ne contenaient pas toujours du poison; que même celuici n'a été complétement expulsé de l'estomac que vers la fin du 7me jour, ce qui dépend peut-être de ce que le verdet est peu soluble et qu'il avait été pris à l'état solide; c'est ce qu'indiqueraient les ulcérations de la muqueuse buccale. (Guillo aîné, médecin à Prades.)

Observation VIII. Le 4 février 1843, à neuf heures du matin, Philibert déclare, à la mairie, qu'il vient de s'empoisonner avec du vert-de-gris mêlé à du vin. Il est pris, au bout de quelques minutes, de vomissements dans les matières desquels un pharmacien présent reconnaît, ainsi que dans un reste de liquide que le malade portait dans une bouteille, une énorme quantité d'acétate de cuivre. Transporté à l'hôpital, on lui fait boire une grande quantité d'eau albumineuse, jusqu'à onze heures du matin, époque à laquelle on peat administrer le proto-sulfure de fer hydraté. Avant l'administration de cette préparation ferrugineuse, le malade offrait l'état suivant : vomissements fréquents; diarrhée; coliques violentes; ventre météorisé ; pouls petit; sueurs froides; céphalalgie; altération des facultés intellectuelles. Deux cuillerées de proto-sulfure de fer toutes les demi-heures; eau albumineuse pour boisson; lavements émollients; sinapismes aux jambes. Le soir, à neuf heures, commencement de réaction; vomissements; diarrhée; ventre moins douloureux. Bain; proto-sulfure de fer toutes les heures. Le 5, nuit assez calme. Le malade n'a pas vomi depuis plusieurs heures; diarrhée; pouls à 90, plein; douleurs vives à l'épigastre; ventre tendu. Vingt sangsues sur l'abdomen; bain;

boisson albumineuse; lavements émollients, Le 6, amélioration marquée, plus de vomissements; deux selles pendant la nuit; ventre sensible à la pression; pouls à 75. Bain: eau gommée; lavement; bouil lon léger. Le 7, le malade ne souffre presque plus. Il quitte l'hôpital, bien portant, après y avoir été retenu quelques jours par mesure de police. (Gazette méd. 1844. Dr Roussilhe).

M. Lartigue, en discutant ce fait d'empoisonnement, accorde beaucoup de confiance aux neutralisants chimiques; et, d'après lui, l'eau albumineuse, l'eau sucrée annulleraient, avec toute la certitude possible, l'action toxique des préparations cuivreuses. Dans le journal de médecine de Bordeaux, il rapporte que deux malheureux ont été arrachés à une mort certaine par le seul emploi de sucre. Aussi, d'après lui, on aurait tort de remplacer ces neutralisants par d'autres moins communs et moins usuels. Il pense que les vomitifs, aidés de boissons, ne peuvent pas expulser, dans tous les cas, l'agent toxique de l'estomac. Dans combien de cas, ajoute-t-il, ces moyens vulgaires sont restés impuissants, tandis que les contrepoisons ont produit un calme général, et, par suite, une réaction salutaire, pendant laquelle, un mouvement péristastique s'établissant, a amené le rejet de matières nuisibles, annihilé ainsi l'effet local du poison. Ces considérations générales ont quelque chose de vrai; mais prises au point de vue pratique, elles perdent de leur valeur. Car le premier soin du médecin, c'est de faire expulser par les vomissements ou par les selles la substance toxique, et ce serait perdre un temps bien précieux que d'attendre le neutralisant chimique avant de remplir ces deux indications: Combien de fois même la nature ne s'est-elle pas suffi à elle seule. Si le poison est soluble, son expulsion par les vomissements sera bien plus complète avant qu'après l'emploi du contre-poison, le nouveau composé étant insoluble; et ensuite, comme nous l'avons déjà indiqué, il n'est pas toujours inerte. Nous ne prétendons pas par là rejeter les contre-poi

sons.

Observation IX. Le fils d'un peintre, âgé de trois ans, lèche complétement une capsule pleine de vert de schéele. Une demi-heure après,

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