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L'anasthénésie saturnine consiste dans la perte de sensibilité des organes de la vie de relation. Comme la paralysie, avec laquelle elle peut exister sur le même individu, elle peut affecter des parties distinctes. Sur vingt-trois cas, quatre fois elle occupait la profondeur des muscles, sept fois elle était bornée à la peau, et douze fois à l'œil. Elle débute tantôt sans prodromes, ou est précédée d'un léger engourdissement, tantôt au milieu d'une colique, le plus souvent au milieu d'une paralysie du mouvement, quelquefois enfin elle succède à l'antrhalgie. Toujours partielle, elle n'envahit que quelques points du ventre, du cou, de la poitrine, des membres, ou successivement ces diverses parties. Elle est complète ou incomplète. Lorsqu'elle est bornée à la peau elle acquiert son summum d'un moment à l'autre. Sa durée dépasse rarement huit à quinze jours. L'anasthénésie profonde est moins mobile. On s'assure alors de cette affection, parce que les organes affectés sont insensibles au froissement dans les positions forcées, à des aiguilles enfoncées dans ces parties. Lorsqu'elle coïncide avec la paralysie, elle peut siéger sur les mêmes parties ou sur des points différents d'un membre, occuper une région opposée; si c'est avec l'antrhalgie, elle ne siége pas nécessairement sur les mêmes parties. Enfin, sur une même région du corps, on peut observer à la fois ces trois formes saturnines. L'anasthénésie est sans réaction félurile, sans accidents cérébraux, à moins qu'elle ne se complique d'encéphalopathie. Cette affection n'est pas grave par elle-même. Son siége, d'après M. Tanquerel, est dans la partie de la moelle qui préside à la sensibilité. On n'a pas trouvé de lésions

ENCEPHALOPATHIE SATURNINE. Considérée, par quelques auteurs, comme une complication de la colique de plomb, par d'autres comme une forme distincte, elle est caractérisée par le délire, le coma, les convulsions accompagnés ou non de la perte de un ou plusieurs sens, et consiste, par conséquent, dans l'exaltation, la perversion de la sensibilité et des mouvements volontaires. D'après M. Tanquerel, c'est une névrose de l'encéphale, apyrétique, et à physionomie très-mobile, comme les

autres affections saturnines. Son début peut être brusque, mais, le plus souvent, elle s'annonce par une violente céphalalgie, des vertiges, de l'insomnie, des rêves, des hallucinations bizarres, des troubles passagers de l'ouïe, de la vue, des terreurs soudaines, et surtout par un air hébété, triste, soucieux. Ces prodromes, chez un ouvrier en plomb, ou affecté de coliques, doivent faire craindre l'invasion de l'encéphalopathie. Sur soixante-douze cas, six fois elle a débuté seule et quarante-deux fois elle a été précédée de colique. Cette maladie varie beaucoup dans son expression fonctionnelle; cependant le délire, les mouvements brusques, désordonnés ou convulsifs, l'assoupissement, l'affaissement des facultés intellectuelles sensoriales et locomotives en forment le caractère dominant. Aussi, M. Tanquerel a-t-il admis l'encéphalopathie à forme 10 délirante, 2o convulsive, 3o comateuse; formes qui, en raison de quelques modifications, ont été subdivisées en plusieurs variétés.

La forme délirante est la plus fréquente. Le délire est léger ou profond, partiel ou général, continu, rémittent ou intermittent, tranquille ou furieux. Dans le premier cas, le facies a l'aspect bizarre, étonné; les réponses sont alternativement raisonnables et incohérentes; les malades marmottent des paroles inintelligibles, sont gais ou tristes, loquaces ou silencieux, ont des hallucinations des sens. Dans le délire furieux, le facies est contracté, les yeux sont hagards, les malades crient, vociferent, insultent, menacent leurs voisins. Leur parole est brusque, saccadée, incohérente, le timbre de la voix plus énergique, le pouls irrégulier, les mouvements désordonnés, choréiques, spasmodiques, tétaniques. Les délires furieux et tranquilles ont une marche irrégulière, alternent entre eux, sont interrompus par de la somnolence, et parviennent bientôt à leur minimum d'intensité..

Forme comateuse. Soit au milieu de leur occupation, soit après la colique ou autre affection saturnine, les individus tombent subitement dans un état comateux. Ils sont immobiles, ramassés sur eux-mêmes, les yeux à demi fermés, ronflent par intervalles, poussent quelques gémissements sourds,

sont sourds aux questions. Si on les pince fortement, ils se réveillent pour retomber presque aussitôt, font, de temps en temps, quelques mouvements automatiques. Presque toujours précédée de la forme convulsive ou délirante, le plus souvent elle n'apparaît qu'après plusieurs attaques épileptiformes.

Forme convulsive. Assez fréquente, elle existe rarement seule. Les convulsions sont partielles ou générales, irrégulières, le plus souvent épileptiques, tétaniques ou cataleptiques, ce qui forme quatre variétés. Dans la première, la face, l'un des côtés du corps seulement, ou plusieurs membres, sont pris d'un tremblement général, bientôt remplacé par des secousses spasmodiques, brusques, désordonnées, suivies d'une roideur générale. La figure est égarée, pàle; les yeux fixes, immobiles, secs; la parole impossible. Au bout de quelques minutes, un état de calme, d'assoupissement survient, la raison après, et les malades racontent ce qu'ils ont éprouvé pen. dant l'attaque. Dans la variété épileptiforme, on n'a pas constaté l'aura epileptica. Elle prélude par quelques symptômes cérébraux, est constituée par de violentes secousses spasmodiques, des mouvements alternatifs d'extension et de flexion des membres, par des roideurs tétaniques du tronc, du cou, d'un seul côté ou de deux côtés à la fois. Il y a trismus, la respiration est saccadée, costale, stertoreuse; une salive écumeuse et sanguinolente est expulsée avec bruit; la langue est ordinairement déchirée, la face violette; les veines du cou sont gonflées; enfin survient l'état de résolution momentanée. Dans la variété cataleptique, les malades, immobiles dans leurs lits, les yeux fermės, ne donnent aucun signe de sensibilité, quand on tiraille ou brûle leur peau. Les membres, placés dans la position la plus gênante, la conservent pendant quelques secondes ou minutes. Cet état est interrompu par des mouvements tétaniques de la durée de quelques minutes.

La marche, la durée, la terminaison de l'encéphalopathie sont irrégulières, insidieuses. La forme délirante, comatique, convulsive, et inême leurs diverses variétés peuvent se réunir, alterner, se remplacer de diverses manières, sans ordre

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déterminé. Le plus souvent, le malade est pris de délire, puis
d'épilepsie et de coma. La durée varie depuis quelques heures
à dix-sept jours. Le retour à la santé est prompt, subit. La
terminaison par la mort est le cas le plus fréquent. Sur soixante-
douze cas, M. Tanquerel l'a observée seize fois, et les auteurs
qu'il a compulsés soixante et une fois sur quatre-vingt-neuf.
La marche particulière, la successión, la variété des accidents
cérébraux, sa cause, sa coïncidence avec d'autres formes satur-
uines, distinguent l'encéphalopathie de la méningite, de l'a-
poplexie, du ramollissement du cerveau, de la manie, du'
narcotisme par les plantes vireuses, de l'épilepsie, de la
catalepsie, des fièvres intermittentes, de l'ivresse et autres
affections cérébrales, etc.

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AFFECTION SATURNINE CHEZ LES ANIMAUX. Les animaux, placés dans les mêmes circonstances que l'homme, sont sujets à contracter l'affection saturnine, qui, dans sa marche, sa durée, sa terminaison, le pronostic, le traitement, offre la plus grande analogie. Pendant les accès, d'après M. Tanquerel, les animaux entrent en fureur, courent de tous côtés, deviennent haletants, ombrageux, bavent, et les chiens ont l'aspect enragé. Les chats qui séjournent dans les fabriques de minium y périssent, sans exception, attaqués de tournis, de páralysie. Les rats des fabriques de blanc de céruse, d'après M. Leblanc, offrent des paralysies des membres postérieurs, au point que les ouvriers les prennent facilement. Les chevaux destinés à tour-" ner les moulins qui servent à pulvériser le minium sont pris de cornage, c'est-à-dire d'une grande difficulté de respirer, produite par la paralysie des nerfs récurrents, et périraient asphyxiés, si on ne pratiquait l'opération de la trachéotomie. Tanquerel des Planches, avec le Dr Maigne, n'ont pu produire la paralysie chez les lapins par l'application du minium sur le tissu cellulaire de la cuisse, par l'injection de l'acétate de plomb dans le tissu cellulaire, les veines, les cavités séreuses. Aux faits pratiques nous rapportons les influences funestes des vapeurs plombiques sur les animaux qui paissent aux environs des mines, des usines de plomb.

Traitement de l'empoisonnement aigu et lent par les

préparations plombiques.

Dans l'empoisonnement aigu, il faut, comme pour les autres poisons minéraux, 10 faciliter l'expulsion du poison par l'administration des boissons huileuses, mucilagineuses, albumineuses ou lactées; 2° donner, dissous dans ces boissons, le sulfate de soude ou de magnésie, qui transforment les sels de plomb en sulfate de plomb insoluble, lequel, d'après M. Orfila, ne serait point toxique pour les chiens à la dose de 36 gram ces sels cathartiques, ainsi que les huileux, ont en outre l'avantage de provoquer l'expulsion du poison par les selles. S'il y avait constipation, il conviendrait même de les donner en lavement. 50 pour calmer les coliques, les douleurs abdominales, les crampes et autres symptômes nerveux, on aurait recours aux opiacés, aux antispasmodiques. On agirait, enfin, d'après les principes généraux que nous avons posés dans l'empoisonnement par les poisons inorganiques. Si l'empoisonnement aigu passait à l'état chronique, on se dirigerait d'après les règles que nous allons tracer.

Dans l'empoisonnement lent ou chronique, les auteurs ont préconisé des moyens différents de traitement selon leur manière d'envisager l'affection saturnine, Ceux qui la considèrent comme de nature inflammatoire prescrivent les antiphlogisti ques; d'autres, dans le but de saturer le poison, de le transformer en composé insoluble, recommandent les eaux sulfureuses, la limonade sulfurique, aluminée, etc. Ceux-là, afin d'évacuer le poison, prescrivent la médication éméto-cathartique, ou de l'eau en abondance, des bains, probablement aussi pour l'évacuer par les urines, la sueur. Ceux-ci enfin, pour calmer la colique, le phénomène douleur, administrent les opiacés, les antispasmodiques. Ces divers genres de traitement n'ont point été exclusifs et ont plutôt consisté dans l'association de deux ou plusieurs de ces moyens; pratique, du reste, suivie dans la majorité des maladies. Comme la colique saturnine peut guérir spontanément par la soustraction de la cause,

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