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la potasse pendant une heure, a donné un produit qui, coulé et traité par l'eau distillée, a laissé un culot de plomb métallique, lequel battu avec un marteau, s'est aplati de manière à couvrir la surface d'une pièce de cinq sous. Le résidu charbonneux a offert aussi une foule de globules de plomb, brillants, dont on a pu apprécier les caractères chimiques après les avoir dissous dans de l'acide acétique. Les experts se sont as surés, par des analyses comparatives, en opérant avec les mêmes vases, les mêmes réactifs, sur le foie, la rate, les reins, la vessie, l'estomac, une partie des poumons, et séparément sur le gros intestin et une partie de l'intestin grêle d'un individu enterré depuis huit jours, que le plomb, trouvé dans les organes de Pouchon, ne pouvait provenir ni des réactifs employés, ni du plomb normal.

Les raclures du panneau et de la traverse du lit de Pouchon, ainsi que celles de la partie du coffre correspondante au lit et du plancher situé entre, matières qu'on soupçonrait provenir des vomissements, après avoir été calcinées avec de la polasse dans la marmite en fonte, ont donné aussi des globules plombiques visibles à la loupe, et dont on a pu constater les caractères chimiques. Ces matières ne renfermaient aucune parcelle de mica. Les raclures prises dans la portion du lit, da coffre, etc., où n'ont point eu lieu les vomissements, soumises aux mêmes expériences, n'ont pas donné du plomb,

Les terres du cimetière mises à macérer pendant une heure avec de l'acide acétique, puis délayées dans l'eau distillée, le liquide filtré n'a pas offert la réaction plombique, non plus que le résidu de l'évaporation, après avoir été repris par l'acide acétique.

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Les conclusions finales qui ont suscité le plus de discussion sont celles-ci: 1o les préparations de plomb étant, à dose plus ou moins considérable, toutes vénéneuses, il est certain que Jacques Pouchon a dû subir l'influence du poison et la mort en être la conséquence, soit que le poison en ait été la cause unique, soit que la maladie de Pouchon en ait éprouvé une aggravation sérieuse; '2• ce métal, sous quelque forme qu'il ait été

introduit, a été ingéré pendant la vie, puisque les matières des vomissements en renfermaient une quantité appréciable; 5o le plomb obtenu ne provient ni du plomb habituellement contenu dans nos organes, ni des réactifs, ni des terres du cimetière.

MM, Dupaquier, de Lyon, Rognetta, Flandin et Danger, consultés, appelés parla défense, ont critiqué, combattu ce rapport et ses conclusions. M. Orfila au contraire, appelé par la partie civile, en a pris la défense. Voici, en résumé, les opinions de ces toxicologistes. Ci-après nous citerons les faits qui ont servi à les établir.

M. Dupaquier. Les experts ont conclu d'une manière trop absolue que Pouchon était mort empoisonné par une préparation plombique, parce qu'ils n'ont pas trouvé les altérations propres à ces poisons et que toutes ne sont pas vénéneuses, tels sont les sulfures naturel et artificiel, les sulfate, oxalate, borate, tannate, phosphate; qu'ensuite ils ne se sont pas assurés si le tube intestinal ne renfermait pas une préparation insoluble. Le symptômes qu'a offerts Pouchon s'expliquent tout aussi bien par son affection chronique de l'estomac que par l'intoxication saturnine. Le plomb retire des organes peut provenir des réactifs, des aliments, des boissons, etc., et peut-être aussi de l'acétate de plomb qui lui avait été administré en lavement. Il a été prové, dans les débats, que Pouchon, quinze mois avant, avait pris, à l'hôpital du Puy, plusieurs lavements composés chacun de 4 gram. d'acétate de plomb.

M. Orfila. Il est extrêmement probable que Pouchon est mort empoisonné par le plomb. Il l'affirmerait même, s'il lui était démontré que les matières du tube intestinal ne renfernaient pas une préparation de plomb insoluble, que les réactifs employés ne contenaient pas non plus de plomb, parce que les symptômes éprouvés par Pouchon sont plutôt ceux d'un empoisonnement que de son affection estomacale.

Cette déposition donna lieu à un nouveau rapport, afin de savoir si les matières renfermaient une préparation insoluble, si les réactifs employés étaient purs. Les experts MM. Porral, Reynaud,

Barse, Orfila, Dupaquier, ne purent répondre à la première question, parce que les matières suspectes étant fortement acides, auraient pu par conséquent dissoudre les préparations insolubles. La potasse dont s'était servi M. Barse leur a fourni une petite quantité de plomb; mais ils ne peuvent affirmer si ce métal provient de cet alcali ou de l'eau distillée dont ils se sont servis, car celle-ci en contenait une quantité notable. Ils ont carbonisé le restant des matières des vonissements de Pouchon dans une capsule de porcelaine, traité le charbon par l'acide chlorhydrique; la liqueur, filtrée à travers l'amiante, a précipité abondamment du sulfure de plomb, par l'acide sulfhydrique. Ces matières étaient terreuses, boueuses, entremêlées de brins de paille, de feuilles, et répandaient, sur les charbons, une odeur plutôt végétale qu'animale. A la suite de ce rapport, la femme Pouchon et son complice ont été condamnés à la peine de mort, Cet arrêt a été cassé par la cour de cassation, et l'affaire a été portée, le 29 novembre suivant, devant la cour d'assises du Puy. Les mêmes experts ont été entendus, et en outre, pour la défense, MM. Rognetta, Flandin et Danger.

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M. Rognetta. Il est impossible qu'on puisse administrer criminellement l'acétate plombique dans du vin, dans une salade la saveur de ces aliments est trop repoussante. Les symptômes éprouvés par Pouchon sont ceux d'une gastrite ulcérative, exaspérée par la salade. Dans l'intoxication par le plomb, il y a aphonie, perte de l'intelligence, etc. Le plomb retiré des gros intestins peut provenir des aliments, des réactifs, de l'acétate de plomb administré quinze mois auparavant en lavements. Pouchon n'est pas mort empoisonné.

MM. Flandin et Danger, après avoir reproduit à peu près les mêmes objections que M. Dupaquier, Rognetta, blàment M. Barse d'avoir employé toutes les matières organiques, de ne pas s'être assuré de la pureté des réactifs, et, comme principale objection, d'avoir carbonisé ces matières dans une marmite en fonte. Voici sur quoi ils fondent cette dernière objection. Si on laisse séjourner, si on fait bouillir un soluté de plomb dans

un vase en foute, par un effet galvanoplastique le plomb est revivifié et se dépose non seulement à la surface de la fonte, mais encore en pénètre les porosités. Par le décapage au sable, à l'acide azotique, on dissout bien le plomb précipité sur les parois du vase, mais non celui qui a pénétré dans les interstices. Si ensuite on carbonise dans ce vase, ainsi décapé, des matières organiques exemptes de plomb, le charbon cependant renferme de ce métal, parce que celui-ci alors se liquéfie, surgit en petits globules à la surface du vase, et se mêle au charbon. M. Orfila, dans un Mémoire qu'il a publié après les débats judiciaires de l'affaire Pouchon, admet la plupart de ces faits, mais il conteste que le plomb infiltré dans les pores de la fonte puisse se mêler au charbon des matières organiques qu'on y carbonise à la chaleur rouge. D'après lui, ce métal se liquéfie ́en effet, sort des pores du vase; mais au lieu de se mêler au résidu charbonneux, il tapisse les parois de la fonte, et l'on peut le dissoudre par l'acide azotique. Ces résultats différents tiennent probablement à ce que M. Orfila n'aura pas remué le résidu charbonneux jusqu'à complet refroidissement. Les inculpés ont été condamnés aux travaux forcés.

par

Nous aurions voulu présenter quelques réflexions sur ce cas de médecine légale; mais nous avons déjà trop consacré aux préparations plombiques. Nous ferons remarquer cependant, combien il importe, dans tous les cas d'expertise, de s'assurer," les lavages, si le tube intestinal, les matières suspectes, etc., ne renferment pas des poisons insolubles; de s'assurer exprrimentalement de la pureté des réactifs; d'agir séparément sur le tube intestinal et sur les autres organes; d'opérer les carbonisations dans des vases en porcelaine. Les matières supposées avoir été vomies par Pouchon nous paraissent trop impures pour tirer de leurs analyses des conclusions affirmatives. Les petites paillettes qui tapissaient l'estomac et qui offraient les plus grands rapports avec la litharge auraient dû être conservées pour être soumises à une nouvelle analyse. On ne peut non plus affirmer que le plomb trouvé dans les organes ne provenait pas des terres du cimetière, parce que l'acide acétique ne

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