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quelques gouttes d'acides acétique ou chlorhydrique. Si cette assertion était vraie, ces sels, administrés dans ces conditions, pourraient, sinon produire l'empoisonnement aigu, du moins l'empoisonnement lent.

C. Une préparation plombique ayant été administrée à un individu comme médicament, depuis douze, quinze, dix-huit mois, ses organes peuvent-ils donner du plomb à l'analyse chimique? Cette question, dans l'affaire Pouchon, résolue affirmativement par les uns et négativement par les autres, est extrêmement importante. Les sels plombiques solubles et même insolubles, d'après Orfila, forment, avec nos tissus, un composé insoluble, sans qu'on sache encore d'une manière certaine dans quel état ils s'y trouvent. MM. Orfila, Dupaquier, ont retiré du plomb du tube intestinal des chiens auxquels ils avaient donné de l'acétate de plomb, soit par la bouche, soit en lavement, le premier, dix-sept jours, et le second, environ un mois après. Dans le cas d'encéphalopathie, de paralysie saturnines, le cerveau, les muscles fournissent aussi de ce métal. Si l'affection saturnine peut récidiver quoique les personnes ne soient plus exposées depuis un, deux ans et plus aux émanations plombiques, il faut bien admettre que le plomb est resté pendant ce laps de temps dissimulé dans les organes. Nous verrons enfin que, chez les individus qui ont été soumis pendant un certain temps à l'usage du nitrate d'argent, la peau, les autres organes prennent une couleur brune, et peuvent donner, douze, dix-huit mois après avoir cessé l'usage de ce médicament, de l'argent à l'analyse. Cette question, de la plus haute importance toxicologique, nous paraît donc devoir être résolue affirmativement quant au plomb, à l'argent.

D. Une personne ayant une affection chronique du tube intestinal nécessairement mortelle succombe, il y a soupçon d'empoisonnement, on trouve du poison dans les organes; la mort est-elle due au poison, ou à la maladie organique antérieure? Cette question s'est présentée déjà aux préparations cuivreuses; nous n'avons pu la traiter, parce que le fait n'était qu'énoncé. Dans l'affaire Pouchon, les experts

ont été divisés d'opinion. Le poison, d'après les uns, a été la cause déterminante ou efficiente de la mort. D'après les autres, les symptômes étaient ceux que Pouchon avait déjà éprouvés, mais seulement exagérés. Il est difficile de se prononcer, puisque les symptômes n'ont rien offert de particulier, et qu'à l'autopsie on n'a pas non plus trouvé de lésions spéciales à tel ou tel poison. Dans le doute, il vaut donc mieux rapporter les symptômes à la lésion organique. Nous ferons remarquer, cependant, que les individus atteints d'une affection cancéreuse ou ulcéreuse de l'estomac s'éteignent soit lentement et par émaciation, c'est-à-dire par défaut d'alimentation, soit promptement, et ordinairement à la suite d'une imprudence dans les aliments, etc. Mais alors l'affection organique offre des traces de lésions récentes, telles que déchirures, ruptures de vaisseaux, etc. Ces lésions n'ont pas été constatées dans l'affaire Pouchon, et les premiers experts, à cause même de l'absence de ces lésions, ont attendu le résultat des recherches ultérieures pour se prononcer.

E. Quelle est la dose toxique des préparations plombiques solubles? Cette question ne peut être résolue d'une manière absolue. D'après les expériences sur les chiens, il faudrait 15, 30 gram. d'acétate de plomb pour produire l'intoxication; cependant, nous verrons aux faits pratiques que quelques centigram. de litharge, dissoute dans le vin, ont suffi pour produire des accidents graves, l'empoisonnement lent, et même, dans quelques cas, l'empoisonnement aigu. L'activité de ces poisons, comme celle de beaucoup d'autres, serait donc variable selon les circonstances dans lesquelles ils seraient administrés, etc.

AFFAIRE MERLE (Alger). Cette affaire, dont nous ne pouvons juger que par l'extrait d'un rapport lu à la Société médicale de LaRochelle par M. Lesieure, pharmacien major et professeur de chimie à Alger (1852), est celle de la fenime Adrien Merle, qui fut prise tout à coup de coliques atroces, auxquellés succédèrent des vomissements, de déjections alvines sanguinolentes, et qui succomba. A l'autopsie, la muqueuse estomacale était d'un rougé de feu ou cérisé, corrodée en quel

ques points, plissée, ratatinée en d'autres, ecchymosée çà et là, et la duodénale de couleur brune noirâtre, comme sphacélée. Les petits et les gros intestins offraient aussi des traces d'inflammation, mais à un degré moindre. Le tube intestinal et les matières qu'il contenait, incinérés ensemble ou séparément avec de la potasse, ont donné un produit charbonneux gris foncé et de globules métalliques de la grosseur d'un grain de millet, qui, dissous dans l'acide azotique, offraient les réactions des sels plombiques. Une portion de drap tachée de jaune et de rouge, incinérée avec de la potasse, n'a fourni aux réactifs que des précipités indiquant la présence du fer. Parmi les matières suspectes, le marc du café, trouvé dans une cafetière, n'a pas donné les caractères du plomb par l'eau distillée, tandis que, incinéré avec de la potasse, comme le tube intestinal, il a offert les mêmes réactions plombiques, mais plus faibles. Deux fioles renfermaient aussi un sel de plomb. Les experts concluent que les symptômes éprouvés par la femme Merle sont ceux d'un empoisonnement et que le poison est un sel de plomb. L'extrait du rapport est trop abrégé, trop peu circonstancié pour que nous puissions le commenter, le discuter.

Faits pratiques.

Le nom de Saturne, donné au plomb, indique qu'il est anciennement connu ; cependant, les accidents que ce métal peut occasionner par suite de ses usages dans l'économie domestique, étaient ignorés des peuples anciens, puisque Caton, Pline, Columelle, etc., parlent de l'usage habituel d'évaporer le moût de raisin dans des vases en plomb pour le convertir en sirop, d'introduire des plats de ce métal dans le vin pour en saturer l'acide, l'empêcher de passer à l'aigre. C'est peut-être ce dernier usage, encore suivi dans le dernier siècle, dans plusieurs contrées de l'Europe, pour la bière, le cidre et autres boissons acides, qui a conduit à frelater le vin par la litharge.

Nicandre, et après lui les autres auteurs grecs, romains et arabes, décrivent les accidents occasionnés par l'ingestion du minium, de la litharge, du carbonate, accidents qui, comme

nous l'avons déjà dit, offrent la plus grande analogie avec la colique de plomb. Mais, quoique Dioscoride et Avicenne paraissent avoir soupçonné l'intoxication saturnine par émanation, ce n'est guère que vers le douzième et surtout le seizième siècle que la colique de plomb a été bien connue quant à son mode de production, sa cause, et, dans ces derniers temps, quant à son diagnostic différentiel, à ses divers modes de manifestation. La connaissance des autres préparations plombiques est bien moins ancienne.

Le plomb est d'un usage fréquent; il sert à faire des balles, de la grenaille, des vases, des conduits d'eau, des lames, des fils incorruptibles, à tapisser les réservoirs, à couvrir les toits, à fabriquer des chambres pour la préparation de l'acide sulfurique, à doubler les établis des marchands de vin, les cercueils, à envelopper une foule de corps afin de les maintenir dans leur fraîcheur, le chocolat, la vanilie, le tabac, etc.; les oxydes, le carbonate, le chromate, le jaune de Naples, le sulfure, etc., servent, dans la peinture, à rendre les huiles siccatives, à fabriquer les vernis sur poterie, les flint-glass, les emplâtres, à la coupellation, quelquefois et malheureusement à colorer les bonbons, les joujoux, les papiers, etc. Les acctates sont employés en médecine, dans les analyses végétales, dans les arts, etc. L'intoxication plombique peut s'opérer par presque toutes les voies..

A. Peau non dénudée. Plusieurs auteurs disent avoir observé la colique de plomb soit par des frictions lithargirées sur les reins, les articulations, dans les cas de gale (Widekind); soit par l'application d'un emplâtre, d'un cosmétique plombique sur la peau non dénudée (Von-Brambilla, Maglin); soit par des bains de jambes avec l'acétate de plomb, répétés deux fois par jour et pendant dix jours (Backer). Le directeur de la fabrique de Clichy a assuré à MM. Flandin et Danger que les ouvriers qui avaient soin de se laver n'étaient pas atteints de colique. M. Tanquerel des Planches s'est cependant assuré que les fomentations répétées d'eau de goulard sur la peau ne produisaient pas cette affection (fait qui lui a été confirmé par

plusieurs médecins des hôpitaux), de même que par les onguents, les emplâtres, les pommades cosmétiques plombiques, d'après les acteurs, les médecins des théâtres. Il n'a pu développer la colique de plomb sur les chiens, les lapins, en leur frictionnant la partie interne des cuisses, le ventre, la poitrine préalablement rasés, pendant huit à douze jours et plusieurs fois par jour, avec une pommade contenant un grande quantité de carbonate de plomb ou de litharge. De ces faits M. Tanquerel conclut que l'absorption cutanée, si elle a lieu, est insuffisante pour produire cette maladie chez les personnes qui la contractent en travaillant, que les émanations plombiques qui se fixent et adhèrent à la peau, même malgré les bains, les lotions, n'y concourent nullement ou n'y ont qu'une bien faible part. Il serait important, sous le point de vue d'hygiène publique, que cette question fût jugée.

B. Peau dénudée, plaies, etc. Percival, Duchesne, Backer ont observé des coliques saturnines par l'application de l'eau, du cérat de goulard et autres préparations plombiques sur des brûlures, des exutoires. Un cas remarquable est celui cité par M. Taufflied du Barr, par l'usage des bandes de diachylon gommé sur un vaste ulcère de la jambe.

Observation I. Un homme, à la suite d'une blessure, avait un vaste ulcère qui datait de quinze ans et occupait toute la circonférence de la jambe depuis l'articulation tibio-tarsienne jusqu'à 3 pouces environ au-dessous de la rotule, et que Tauffield fit couvrir de bandelettes de diachylon gommé; il y eut amélioration locale et générale; mais deux mois et demi après, cet homme éprouva tout à coup des coliques très-vives, des nausées, des vomissements, des crampes dans toute l'étendue des membres abdominaux ; il se roulait dans son lit, en proie aux doubleurs les plus vives: ventre rétracté, insensible à la pression; constipation depuis plusieurs jours; pas de fièvre; soif modérée. Les antispasmodiques et les laxatifs sont employés avec succès, mais les douleurs des membres ne se dissipent qu'au bout de cinq semaines environ. A partir de cette époque amélioration et retour à une santé parfaite. Quelque temps après, l'ulcère s'étant agrandi, le malade appliqua de nouveau des bandelettes de diachylon ; quinze jours après, il fut pris subitement de perte de connaissance; le facies était pâle, les traits reti

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