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l'état de chlorure par l'acide chlorhydrique ou le chlorure de sodium. Le chlorure d'argent, lavé et desséché, serait réduit, soit en le chauffant avec du flux noir dans un tube on un creuset de porcelaine, soit par le procédé de Turner ou le gaz hydrogène, comme nous l'avons indiqué par le sulfure d'antimoine, page 477, en ne faisant passer le gaz hydrogène que lorsque le chloruie commence à entrer en fusion et prend une teine rougeâtre. Il se forme de l'acide chlorhydrique qui se dégage, et l'argent reste adhérent aux parois du tube en couche blanche.

Lorsque la pierre infernale contient du cuivre, elle devient verdâtre à l'air humide. Si elle était sophistiquée avec du charbon, de la plombagine, du sesqui-oxyde de manganèse ou tout autre corps insoluble, on pourrait isoler ces corps insolubles par l'eau distillée. Si enfin elle était fabriquée avec de l'azotate de potasse, après l'avoir dissoute dans l'eau distillée, on précipiterait l'argent par l'acide chlorhydrique, et, après filtration et évaporation, on obtiendrait ce sel cristallisé.

Nitrates d'argent et matières organiques. Les solutés d'argent sont décomposés par la plupart des matières organiques, non seulement en formant avec elles un composé insoJuble, mais encore par les carbonates, les tartrates, les chlorures, les phosphates, qui précipitent l'argent à l'état de sel insoluble. Le vin de Bourgogne est troublé, et, après quelques jours de contact, donne un dépôt violacé. Le thé, les solutés albumineux, le lait, le bouillon, la bile donnent des précipités diversement colorés. Les sels solides réagissent aussi sur les matières organiques solides ou molles, les colorent en brun. La lumière accélère ces réactions auxquelles l'acide azotique n'est probablement pas étranger. Elles sont promptes, complètes, puisque M. Orfila, dans un mélange de nitrate d'argent et de matières organiques, n'a pu, un mois après, déceler ce poison dans la partie liquide.

Analyse. 1 Examiner si, dans les matières suspectes, dans les dépôts des liqueurs, à la surface du tube intestinal, il n'y a

point une poudre blanche (chlorure, carbonate, etc., d'argent) qu'on séparerait par les lavages. 20 filtrer les parties liquides, les précipiter par l'acide chlorhydrique ou le chlorure de sodium, laver, dessécher le précipité, le chauffer de même que celui obtenu ci-dessus avec de l'eau régale pour le priver de matière organique et le transformer en chlorure qu'on réduirait ensuite soit par le flux noir, soit par le gaz hydrogène. 5o dessécher les matières solides, le tube intestinal, etc., les carboniser ensuite soit par l'acide sulfurique, soit par l'acide azotique et le chlorate de potasse, soit par incinération simple. Dans le premier et dernier procédé, il serait nécessaire de chauffer les cendres avec de la potasse ou de la soude pour réduire l'argent qui pourrait se trouver à l'état de chlorure. Dans tous, les cendres, exactement lavées à l'eau distillée, donneront de l'argent en petits globules ou parcelles. On pourrait d'ailleurs l'isoler en traitant les cendres à chaud par l'acide azotique.

M. Devergie précipite les liqueurs par le chlorure de sodium, chauffe les dépôts, les matières solides avec de l'acide chlorhydrique dans une capsule de porcelaine jusqu'à ce qu'elles soient dissoutes, délaye le produit dans l'eau et laisse déposer. Le chlorure obtenu, dans les deux cas, est lavé, desséché et réduit par le gaz by lrogène.

M. Orfila précipite aussi les liqueurs par le chlorure de sodium, etc., met à digérer dans de l'ammoniaque les dépôts, les parties solides, dans le but de dissoudre les sels d'argent qui pourraient être combinés avec elles; sature le soluté ammoniacal par l'acide hydrochlorique, et réduit le ch'orure qui se dépose par le gaz hydrogène, après l'avoir préalablement dépouillé de matière organique, en le chauffant avec de l'acide azotique, Eufin, les matières épuisées par l'ammoniaque sont ensuite carbonisées par l'acide azotique et le chlorate de potasse. Les sels d'argent étant facilement réductibles, toutes ces manipulations sont inutiles, et il nous paraît préférable et plus simple de recourir immédiatement aux procédés de carbonisation ou d'incinération.

Sels d'argent absorbés. L'absorption des sels d'argent était

démontrée pathologiquement depuis bien longtemps, puisque, chez les personnes qui en usent, l'épiderme prend une couleur brune indélébile. Brandes, en 1829, chez un épileptique soumis pendant dix-huit mois à l'usage du nitrate d'argent, et dont la peau, les organes internes, le plexus choroïde, et surtout le pancréas présentaient une couleur brune très-prononcée, retira de ces organes de l'argent métallique. Ce fait, trèsimportant en toxicologie légale, démontrerait que les sels d'argent peuvent se réduire dans nos organes et devenir ainsi inoffensifs pendant longtemps. En est-il de même pour les autres poisons métalliques, moins réductibles que les sels d'argent? Cela est très-probable, si nous nous rappelons que nos tissus peuvent être imprégnés de plomb, et cependant la maladie saturnine ne se déclarer, ne récidiver que des mois, des années après que les individus se sont soustraits à l'influence de la cause. M. Landerel, qui prenait du nitrate d'argent pour combattre l'épilepsie dont il était atteint, observa que sou urine se troublait en peu de temps et donnait un dépôt abondant, volumineux, se colorant en noir à la lumière. Il le mit à digérer dans l'ammoniaque, filtra, satura la liqueur par un acide, et obtint du chlorure d'argent. M. Orfila ayant empoisonné des chiens avec 4 ou 6 gram. d'azotate d'argent, a retiré du foie, de la rate, des reins, des urines, 5 à 6 centigr. de chlorure d'argent, en les carbonisant directement par l'acide azotique et le chlorate de potasse. Il chauffe ensuite le charbon avec de l'acide azotique, précipite le nitrate étendu d'eau par l'acide hydrochlorique, et réduit le chlorure par le gaz hydrogène.

Effets toxiques, altérations pathologiques. Malgré les observations, fort incomplètes d'ailleurs, rapportées par les auteurs, et les expériences sur les animaux, nous sommes bien peu fixés sur les effets et les lésions que développent les sels d'argent. Boerhaave parle d'un jeune élève en pharmacie qui, ayant avalé de la pierre infernale, éprouva des souffrances horribles, et le sphacèle des premières voies. D'après plusieurs auteurs, le nitrate d'argent, donné à dose médicamenteuse, aurait produit des vertiges, une cécité passagère, un flux abon

dant d'urine, des coliques, des superpurgations. Cependant MM. Fouquier, Merat et autres praticiens, ont porté la dose de ce sel à 50, 80 centigr. sans accidents. Són usage prolongé, même à petite dose, communique, comme on sait, une couleur brune-violacée indélébile à la peau. Le nitrate d'argent dissous dans beaucoup d'eau et employé en Angleterre sous le nom d'eau d'Égypte, d'aqua græca, pour colorer les cheveux, aurait l'inconvénient, d'après M. Rygby, de les faire tomber. et, dans quelques cas, d'occasionner des accidents assez graves. A ces faits si tronqués et qui ne peuvent avoir une grande importance toxicologique, nous rapporterons la seule observation assez détaillée qui soit à notre connaissance.

Observation. Le 23 juin 1829, Édouard Lecompte, âgé de 21 ans, est apporté à une heure du matin à l'hôpital Saint-Louis dans l'état suivant: perte de connaissance, insensibilité générale, membres supérieurs et muscles de la façe agités de mouvements convulsifs, yeux tournés en haut, pupilles dilatées, insensibles à la lumière; mâchoires fortement contractées; pouls plein, 70 pulsations. Le comissaire de police apportait dans une fiole le restant de liqueur avec laquelle le malade avait voulu s'empoisonner. L'aspect de cette liqueur, et surtout les larges taches que le malade avait sur les doigts, ne laissèren aucun doute sur la nature de l'empoisonnement. Tous les demi-quarts, d'heure un verre de soluté de sel commun (1/2 gros par verre). A trois heures du matin, amélioration sensible; les muscles de la face n'étaient plus agités, les contractions des mâchoires avaient cessé, les pupilles étaient moins dilatées; continuation de l'eau salée. A six heures, insensibilité dans les membres inférieurs, sensibilité obtuse dans les supérieurs, face fortement injectée, douleurs épigastriques très-fortes; même traitement. A huit heures, mêmes symptômes, rien autre de particulier; sensibilité un peu moins obtuse. Le malade, interrogé sur la quantité de poison qu'il a avalée, ne pouvant parler, indique par signe le nombre 8; l'eau salée est remplacée par les boissons émollientes. A midi, la sensibilité a reparu dans toutes les parties du corps; le malade dit avoir pris 8 gros (32 gram.) de nitrate d'argent fondu dans du cassis. A trois heures de l'après-midi, coma profond, difficile à décrire; perte de l'intelligence et de la sensibilité générale, pouls à 90 pulsations. Cet état se prolonge jusqu'à cinq

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heures, et le malade passe une nuit assez bonne. Le lendemain 24, à huit heures du matin, même attaque; à midi, son état est satisfaisant; il se plaint de douleurs épigastriques, mais l'intelligence et la sensibi lité ont reparu. Sur le soir, il peut se lever sur son séant et boire sans le secours de personne. Le 25, à huit heures du matin, nouvelle crise, mais bien moins forte; le soir, il s'entretient avec ses camarades. Les jours suivants, le malade, de mieux en mieux, éprouve seulement des douleurs épigastriques un peu fortes jusqu'au 29, jour de sa sortie de l'hôpital.

Le malade, avant son entréc à l'hôpital, gorgé de magnésie, avait éprouvé quelques vomissements. Le 24, après avoir pris un verrc de tisane d'orge, vers cinq heures du soir, il eut aussi des vomissements abondants de matières blanches ressemblant à du lait caillé, lesquelles furent malheureusement jetées par l'infirmier. Les draps, les rideaux étaient salis par de larges taches blanches qui noircirent à l'air, dont deux, traitées par l'ammoniaque et le soluté ammoniacal saturé par un acide, donnèrent 0,05 de chlorure d'argent sec (Pommarède, Revue médic., 1829).

Il est fàcheux que l'état antérieur de Lecompte ne soit pas mieux connu, afin de savoir si les effets qu'il a éprouvés sont dus exclusivement au poison. Dans cette hypothèse, le nitrate d'argent agirait différemment des autres poisons inorganiques, puisque les symptômes se sont manifestés par accès, par crises, et non d'une manière continue, et que c'est surtout le système nerveux de la vie de relation qui a été affecté. Les douleurs épi gastriques indiquent aussi l'action irritante du poison sur le tube intestinal. L'effet caustique du poison, quoique superficiel, se sera op¡ osé à son absorption, ou bien il aura été expulsé en grande partie par les vomissements; car on ne peut expliquer autrement le rétablissement, après une dose aussi forte. Les expériences sur les chiens démontreraient que le nitrate d'argent est moins actif qu'on ne le pense en général, puisque 2 grammes de ce sel dissous (M. Orfila dit 32 gram.) ne sont point toxiques pour ces animaux; il y a seulement quelques vomissements, de l'abattement, et le rétablissement est prompt. Cette dose est toxique seulement en six jours quand on pratique la ligature de l'œsophage; alors, à l'autopsie, on trouve

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