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forme qu'elle se montre. Voyez ce concours qu'attire de toutes parts autour de vous, le danger d'un malheureux opprimé : voilà les défenseurs qui parlent en sa faveur, qui vous cautionnent son innocence; qu'il est beau, qu'il est honorable pour la justice, cet hommage unanime que rendent devant elle, à la vertu, des citoyens de tous les ordres et de tous les états! dans le sentiment commun de générosité et de confiance qui les anime, ils semblent célébrer à la fois l'innocence triomphante et les dieux qui la délivrent. >>

(TRONÇON DU COUDRAY.)

CHAPITRE XX.

CONSIDÉRATIONS SUR L'ADULTÈRE (1).

QUOIQU'

UOIQU'AIT pu dire une philosophie trop indulgente; quelle que soit, au milieu de la triste dépravation de nos mœurs, l'imprudente légèreté de nos maximes, ce n'est donc pas déjà une faute ordinaire que d'affoiblir indiscrètement, et même sans aucune intention mauvaise, la confiance et l'attachement sans bornes que se doivent deux époux ; ce n'est donc pas une faute ordinaire, mais un crime véritable, mais peut-être le premier de tous les attentats contre l'ordre de la société, contre le système des lois et des moeurs; que ce délit, trop excusé de nos jours, qui, violant le plus saint de tous les contrats, éteint pour jamais l'amour en des coeurs bien faits pour aimer, et brise sans retour, et comme à la fois, tous les liens qui les unissent.

Laissez-moi considérer ici toutes les conséquences de l'adultère.

Supposez l'adultère public; de combien de troubles, de dissensions, de haines fatales n'est-il pas la source féconde? Avec quelle terrible explosion je le vois diviser,

(1) Extrait d'un mémoire de M. Bergasse, dans l'affaire de M. Kornemann, contre MM. Beaumarchais, Lenoir et Daudet de Jossans.

disperser les pères, les époux, les enfans? Avec quelle rapidité funeste il anéantit, il bouleverse au moins re système entier de leurs habitudes? Loin de sa famille naissante, gage encore cher d'une union qui fut longtemps heureuse, dans quel isolement affreux va vivre désormais cette femme infidèle avec trop d'éclat, et dont l'existence est pour jamais vouée au repentir et à l'ignominie? Au sein de sa famille naissante, que va devenir cet époux outragé avec trop de scandale? Que d'amertume, que de regrets, , que de mouvemens de douleur, de vengeance il éprouvera dans la solitude profonde, à laquelle il est condamné? Comme il se trouvera malheureux, en se rappelant les jours de bonheur qui se sont écoulés pour lui sans retour, en leur comparant les jours de tristesse qui leur succèdent ! Et, parmi tant de désolation, quelle éducation est réservée à ces enfans qui n'ont plus de mère, devant lesquels on ne peut même prononcer le nom de celle qui leur donna le jour ! Employez toutes les ressources de la morale, pour leur former une âme aimante et sensible; oh, écoutez-moi ! qu'aimeront-ils ? Leur père, leur infortuné père; et alors ils partageront ses ressentimens, et ils ne verront plus que comme un objet d'aversion et de mépris, la femme qui cependant les a nourris de son lait; celle, sur le sein de laquelle ils se sont endormis tant de fois. Oh! de grace, encore, écoutez-moi! qu'aimeront-ils ? Peut-être leur mère coupable, mais expiant sa faute par des pleurs éternels! et alors ils ne tiendront plus à leur père, que par les chaînes pesantes du devoir; et il leur demandera

vainement une tendresse dont le germe est étouffé dans leur cœur. Ainsi la famille est détruite; ainsi tous les individus qui la composent, isolés les uns des autres vivront avec des intérêts ou opposés, ou différens; et la paix, avec toutes les affections douces qu'elle produit, est exilée pour toujours du premier sanctuaire que lui avoit destiné la nature.

Supposez l'adultère secret. Les conséquences qu'il entraîne, pour être différentes en apparence, en sont-elles moins funestes? Je veux que vous puissiez constamment réussir à tromper un époux crédule, qu'un événement imprévu ne déconcerte jamais les mesures que vous prenez pour endormir sa vigilance; je vous le demande, en avez-vous moins porté le désordre et le vice dans l'âme de cette femme, dont vous avez égaré la raison! Ne l'avez vous pas, pour toujours, placée dans une position fausse où sa sensibilité ne peut se développer que d'une manière contraire à ses devoirs ? Ne l'obligez-vous pas sans cesse à dissimuler, à feindre? ne l'accoutumez-vous pas, sans cesse, à mentir à son coeur, en présence de l'époux qu'elle doit aimer uniquement, et qu'elle est réduite à abuser par de fausses caresses ou des confidences perfides? L'amour heureux est la plus douce de toutes les affections de l'âme. L'amour, qui éprouve des obstacles l'amour, qui ne vit qu'au sein de la contrainte et de la gêne, est, de toutes les passions, la plus terrible, et pent aisément devenir, de toutes les passions, la plus criminelle. Oh! si celle que vous avez séduite vous aime comme il faut aimer; si elle ne vit que de votre vie, si elle va

chercher dans votre âme tous les mouvemens auxquels Fa sienne s'abandonne, combien de fois, impatiente de jouir pleinement de son bonheur, et de se l'assurer sans retour, combien de fois ne désira-t-elle pas le mal, la mort même de celui avec lequel elle a juré de vivre? Vous frémissez! Eh! qui ne veut briser ses fers, quand il peut les. remplacer par les plus doux liens ? Et, si j'osois vous révéler des mystères affreux, de combien de crimes sccrets, et bien plus communs qu'on ne l'imagine, cette fatale pensée n'est-elle pas tous les jours la cause? Mais laissons là les crimes, et ne parlons que des désordres qu'une telle situation enfante. Il faut haïr ceux qui nous empêchent d'aimer; il le faut, c'est la nature elle-même qui l'ordonne. A côté de son époux, la femme infidèle n'aura donc que des sentimens d'aversion et de haine : elle dissimulera ses sentimens, je le veux; mais continuera-t-elle à mettre dans ses manières, cette franchise cette ingénuité touchante qu'il est impossible d'imiter? et dès lors ne voyez-vous pas la froideur, l'indifférence, la nuit, séparer insensiblement les époux ; et d'un pareil ordre de choses, quel système d'éducation va résulter pour les enfans! Ne remarquez-vous pas également ici toute la chaîne des affections domestiques interrompue, les membres de la famille opposés entre eux, les habitudes qui les isole, remplaçant pour toujours celle qui devoit les unir.

Ce n'est pas tout: vous êtes surpris qu'un égoïsme dépravateur ait envahi toutes les classes de la société ; vous vous plaignez de ce qu'il n'existe plus de bonne foi, d'in

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