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wége s'en vont salés, fumés ou conservés dans la glace, non-seulement dans toute l'Europe, mais jusqu'aux États-Unis, au Brésil et en Chine. Les huiles de foie de morue sont demandées par toutes les pharmacies. Les vogues servent d'appât à nos pêcheurs (pour la sardine notamment); et nous leur en achetons dans une seule année plus de 30,000 barils.

De plusieurs espèces de poissons ou de crustacés, elle tire de la farine et des pâtes; et M. Magnier atteste avoir mangé d'un délicieux potage fait avec du vermicelle de homard. Enfin les débris de ces préparations diverses, rognures, têtes, débris gâtés, etc., au lieu d'être, comme chez nous, jetés au hasard dans les rues où ils pourrissent en empoisonnant l'air, sont, par une préparation intelligente, transformés en un guano bien préférable au guano artificiel que le Pérou commence à fabriquer avec des restes d'oiseaux. La France est, après l'Allemagne, le principal acheteur de ce nouvel et puissant engrais, en attendant qu'elle veuille bien prendre la peine d'en fabriquer elle-même, ce qui lui serait facile si elle se décidait à employer l'appareil compresseur de M. Spiers, et le phosphate acide de M. Blanchard.

Voilà bien des emprunts que notre pays aurait à faire aux contrées du Nord, pour lesquelles, hâtons-nous de le dire, il a eu aussi ses enseignements à Boulogne. Ce ne sont pas les seuls, et nous n'essayerons pas d'en épuiser la liste nous aimons mieux laisser au lecteur le plaisir de la demander à M. Magnier. Notons seulement en passant la pratique des viviers, pour amener à terre le poisson vivant; celle des rouleaux, pour lâcher et retirer les filets sans les endommager et avec moins d'efforts; et l'usage de plus en plus répandu des filets de coton, et même de soie, d'une finesse inusitée parmi nos pêcheurs, et qui paraissent être en réalité, tout compte fait, non-seulement les plus avantageux, mais les moins coûteux. Signalons encore une forme très-remarquable d'association, qui est, nous dit-on, un fait journalier en Norwége. Cinq ou six bateaux, armés pour la pêche du hareng, se mettent ensemble; et ils se font suivre d'un bateau spécial de 20 à 40 tonneaux, dans lequel les pêcheurs trouvent des lits, préparent leurs repas et causent de leurs affaires. Pareillement les bateaux qui se livrent aux pêches lointaines, au lieu de revenir au port quand ils ont fait un chargement complet, ont des bateaux chasseurs fins voiliers qui, tantôt à leur propre compte et tantôt au compte des bateaux associés, vont du lieu de pêche à la côte et réciproquement, portant le poisson à mesure qu'il est pris et laissant les pêcheurs tout entiers à leur besogne.

La conclusion, c'est qu'il y a beaucoup à gagner dans le libre échange des idées, comme dans celui des procédés et des produits. Cette conclusion, M. Magnier, au nom des intérêts mêmes de la grande ville de pêche dont il est, comme secrétaire de la commission, jusqu'à un certain point l'organe en cette circonstance, n'a pas hésité à la tirer; et tous ceux qui liront son excellente étude la tireront avec lui. « La pêche ne grandira, dit-il, que si elle a toute sa liberté d'action. » C'était déjà, pour la Hollande, l'avis formel du collège des pêcheries néerlandaises, que la liberté devait tuer, disait-on, et qu'elle a régénérées.»>

Frédéric PASSY.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

SOMMAIRE. Craintes permanentes au sujet de la guerre.

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Action neutralisante de

l'Exposition universelle visitée par les souverains et les peuples; concours de toute espèce. Reproches adressés à cette solennité. Exposition spéciale des pays saxons à Chemnitz. - Vote du budget au Corps législatif. - Inconvénients de la rapidité. — Discussions annexes : les finances des villes (Lyon); la liberté de la boulangerie. Les projets de loi votés dans la session : la loi sur la contrainte par corps ; la loi sur le régime commercial de l'Algérie. Le déficit autrichien. L'emprunt La loi des biens ecclésiastiques en Italie, emprunt sui generis. — Les ÉtatsUnis justes envers les Indiens. - Projet de voyage au pôle nord par M. Gustave Lambert. L'uniformité monétaire : rapports de MM. de Hock et de Parieu. · Les Congrès de la paix à Genève, des travailleurs à Lausanne, - international coopératif. Vœu de l'Impartial du Bas-Rhin.

russe. --

La paix de l'Europe continue à préoccuper les esprits. L'opinion s'inquiète des achats de chevaux et de la mise sur le pied de guerre des forteresses de frontières. Elle a lu avec satisfaction la réponse pacifique de l'Empereur à une adresse des commissaires étrangers à l'Exposition; mais l'horizon ne cesse d'être chargé, et les affaires se ressentent de plus en plus de cette situation inquiétante.

En attendant, l'Exposition universelle continue son action neutralisante.

Le palais du Champ de Mars n'a cessé d'attirer les plus grands personnages et les plus modestes visiteurs.

Après les souverains du plus haut rang sont venus des chefs d'État moins puissants: le roi de Wurtemberg, le vice-roi d'Égypte, les deux rois de Bavière, le roi de Portugal, le roi de Suède et Norwége. A leur suite, avec ou après eux, les princes, les ministres en activité ou en disponibilité, les hommes publics et influents, en un mot les leaders de chaque pays.

D'autre part, les trains de plaisir amènent des foules de toutes les parties de la France et des pays circonvoisins. On entend toutes les langues dans les rues fréquentées, comme sur les quais d'un grand port de mer.

Les concours des produits horticoles se succèdent dans le jardin réservé; ceux d'animaux dans l'île de Billancourt. Les orphéons et les concours musicaux ont attiré des masses d'auditeurs au palais des ChampsÉlysées, et l'on a vu circuler dans nos rues les exécutants en costumes de Prussiens et d'Autrichiens, ni plus ni moins qu'en 1814 et 1815; mais, cette fois, pour faire de l'harmonie instrumentale, moyen plus sûr d'arriver à l'harmonie internationale.

L'Exposition universelle a été l'objet de la dernière discussion de la Société d'économie politique. Nos lecteurs trouveront plus haut (p. 261) le compte rendu de cette séance qui était présidée par M. Michel Chevalier, un des dignitaires du jury international chargé de diriger la publication de l'œuvre des divers rapporteurs.

- L'Exposition universelle de Paris ne doit pas nous empêcher de signaler une exposition industrielle de la Saxe.

Cette exposition, qui a eu lieu cette année, à Chemnitz, est due à l'initiative des ouvriers de cette ville. Le plan général de l'organisation de cette exposition a été maintenu tel qu'il avait été conçu il y a trois ans, c'est-à-dire qu'on a cherché à présenter dans son ensemble un spécimen complet de l'état de l'industrie des pays saxons, à l'exclusion rigoureuse des produits provenant des autres contrées de l'Allemagne. Malgré cette restriction, l'exposition de Chemnitz n'en offre pas moins un caractère général, et ne doit pas être confondue avec les expositions provinciales ou locales qui l'ont précédée dans d'autres villes de l'Allemagne. Les pays saxons, bien que formés d'États différents, n'en présentent pas moins, encore aujourd'hui, une certaine homogénéité dans la race, le caractère, le tempérament et les aptitudes de leurs habitants qui occupent le centre de l'Allemagne, la zone la plus également fertile, la mieux cultivée, la plus riche en produits naturels, et surtout en richesses minières de toutes sortes. Chemnitz est la capitale industrielle de ce centre intéressant.

- Le Corps législatif a achevé la discussion du budget avec la rapidité que nous signalions dans notre précédente chronique, rapidité constatée l'an dernier déjà, pour ne pas remonter plus haut. Ce n'est pas qu'il n'en soit surgi un assez grand nombre de discussions souvent intéressantes; mais toutes ces discussions aboutissent au même résultat pratique, au rejet des amendements présentés. Il est vraiment regrettable qu'on n'ait jamais pu, depuis tant d'années, commencer l'examen du budget au milieu ou au commencement de la session. Ce serait le seul moyen de procéder à une foule d'améliorations, les unes de premier ordre, les autres de détail, mais toutes importantes, et on aurait le temps de se livrer à des discussions calmes et approfondies; tandis qu'il n'y a moyen de rien conclure à la suite de ces discussions enlevées, pour ainsi dire, à l'impatience de la chambre, dont les heures et les minutes sont comptées et qui a hâte d'en finir. Au fond, c'est un assez triste spectacle.

Une de ces discussions a été relative à l'importante question de la liberté de la boulangerie. Nos lecteurs verront avec plaisir que M. de Forcade La Roquette y a défendu énergiquement les bons principes. Nous la reproduisons plus haut (p. 273).

Une autre constatation pénible à faire, c'est que le Corps législatif a continué à voter presque à chaque séance et au pas de coarse des lois dites « d'intérêt local, » et qui sont presque toujours des lois autorisant des communes à s'endetter pour s'embellir « à l'instar de Paris. » La ville de Lyon en est arrivée à devoir ainsi 75 millions selon M. Hénon, 63 selon M. Laurat des Rotours. Or, le quart d'heure de Rabelais étant venu, il faut contracter une nouvelle dette pour en payer une ancienne. On a donc permis aux administrateurs lyonnais d'emprunter 8 millions que les citoyens de Lyon payeront en vingt-six années moyennant un accroissement de 15 p. 100 sur les contributions. Voilà ce qu'il leur en coûtera pour vouloir faire de leur cité un « petit Paris. >>

Les projets de loi importants adoptés dans cette session sont relatifs à :

L'enseignement primaire; la contrainte par corps; la répression des fraudes dans la vente des engrais; la révision des procès criminels et correctionnels; la naturalisation; les conseils municipaux; les sociétés ; le régime commercial de l'Algérie; le chemin de fer de Victor-Emmanuel; les douanes; la garantie des inventions susceptibles d'être brevetées et des dessins de fabrique admis à l'Exposition universelle; la part contributive de l'Etat dans la dépense annuelle de la police municipale de Paris; la canalisation de la Moselle; le règlement des comptes de 1863; le supplément de crédits de 1866; le budget rectificatif de 1867; les nouveaux crédits de 1867; et les budgets ordinaire et extraordinaire de 1868.

Nous reproduisons dans ce numéro les textes et lois sur la contrainte par corps et le régime commercial de l'Algérie qui viennent d'être promulgués (voy. p. 256).

La loi abolissant la contrainte par corps, due à l'initiative de l'Empereur, a eu contre elle les rapporteurs (MM. Josseau et de Royer) et la majorité des deux chambres. Elle a passé grâce aux efforts de M. Rouher, ministre d'Etat, et de M. Baroche, ministre de la justice, et grâce aussi concours de l'opposition.

La loi nouvelle sur le régime commercial de l'Algérie est un assez grand progrès vers l'union commerciale avec la France, ou plutôt c'est l'union avec quelques avantages conquis sur le régime douanier de la France.

On lit, au sujet de cette loi, dans l'Economiste français, qui s'est fait l'organe des intérêts coloniaux:

La seule modification introduite dans la nouvelle loi, comparée au projet primitif, est dans le tableau D, qui ne déclarait exempts que les produits naturels ou fabriqnés du Sahara et du Soudan, importés par terre, tandis que la nouvelle rédaction exempte les produits naturels ou fabri

qués, originaires de la régence de Tunis, de l'empire du Maroc et du sud de l'Algérie. C'est une innovation très-importante que le libre commerce par terre avec la Tunisie et le Maroc, depuis longtemps sollicité avec instance par les chambres de commerce et par les conseils généraux, sans que le gouvernement y fit droit dans son projet : les deux délégués des colons de l'Algérie se sont appliqués à en faire ressortir la nécessité, et ils s'estiment heureux d'y avoir réussi.

Le rapport de M. Girod de l'Ain constate que la commission, d'accord avec le gouvernement, a adopté en principe « la suppression des douanes sur les frontières de terre du sud de l'Algérie et sur celles du Maroc et de la Tunisie, en conservant néanmoins, sous le régime des douanes, à partir du littoral de la mer, une zone dont la largeur sera calculée de manière à empêcher l'introduction par terre en Algérie de marchandises étrangères débarquées sur les côtes des États voisins. >>

Pourvu que le règlement soit fait avec intelligence et de manière à permettre le libre commerce entre les villes algériennes de l'intérieur et celles des États limitrophes, c'est une mesure qui ne doit pas exciter de réclamation.

Le maintien des douanes de terre n'était guère possible après le relevé que fait le rapport.

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En 1866, les cinq postes établis sur la frontière du Maroc ont coûté 75,587 fr. et produit 7,973 fr. Déficit, 67,614 fr.! Les trois postes de la frontière de Tunis ont coûté 50,937 fr. et ont rapporté 26,616 fr. Déficit, 24,321 fr. !

Au moment où tombent enfin ces barrières, il n'est que juste de rappeler, pour mesurer le progrès accompli, l'ordonnance royale du 16 décembre 1843, dont l'article 16 porte: « Toute importation par terre est prohibée sous peine : 1o de la confiscation des objets saisis et des moyens de transport; 2° d'une amende de 1,000 à 3,000 fr. et d'un emprisonnement d'un à six mois. >>

Ceci donne la mesure du génie colonisateur du maréchal Bugeaud, le promoteur de cette ordonnance sauvage! La prohibition fut levée par décret impérial du 11 août 1853, mais remplacée par des tarifs qui aboutirent à peu près au même résultat. On y a ajouté même, il y a peu d'années, les douanes de Géryville, de Laghouat et de Biskara, sur la ligne du Sahara, triple sottise de la manie douanière, dont l'effet immencable ne pouvait être que de rejeter toutes les caravanes sur la Tunisie et le Maroc. Evidemment, les arbitres du sort de l'Algérie, à Paris comme à Alger, étaient, pour la liberté commerciale comme pour les autres libertés, de la même école que la maréchal Bugeaud!

L'histoire, si elle n'est pas écrite par des courtisans, ne pourra oublier que, pendant vingt-cinq ans, le gouvernement militaire a entravé par des mesures fiscales le mouvement commercial de l'Algérie avec tous les pays africains qui l'entourent, et que cet isolement a été l'une des grandes causes de la langueur prolongée de la colonie.— J. DUVAL.

- En Autriche, comme à peu près partout, la question financière a

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