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dustriels de créer une gare spéciale de marchandises à Corbehem non loin de Douai; ailleurs, ce sont les établissements de Cette, déjà insuffisants, que la Compagnie du Midi s'occupe d'étendre en vue du trafic considérable que doit amener la suppression du droit de tonnage récemment opérée, et dont les divers ports de la Méditerranée se ressentiront infailliblement. Plus loin, la Compagnie du chemin de fer d'Orléans ne fait pas difficulté de déclarer que, malgré les inondations de la Loire qui, pendant vingt jours, ont affecté son trafic, l'ensemble des deux réseaux donne, dans ce même dernier exercice, une augmentation totale de près de 8 millions de francs, soit 7,864,000 fr.; il faut noter que les désastres de l'inondation mirent à la charge de la Compagnie, dans le même temps, une dépense d'environ 800,000 fr. - De la perte au gain, cela constitue un sensible écart. Sur la ligne de Lyon le produit net mesure, durant le même exercice, un accroissement de plus de 10 millions de francs. Malgré les entraves qu'a mises au mouvement du trafic, sur le chemin du Nord, l'émotion causée par la guerre d'Allemagne, la recette s'est encore accrue, en dernier lieu, de plus de 3 millions de francs sur cette ligne. Cela est dû particulièrement à l'extension de la petite vitesse. Pendant que le chiffre des transports à grande vitesse fléchit notablement, celui donné par la petite vitesse ne cesse de croître. Enfin, l'on serait gravement dans l'erreur si l'on pensait que le progrès se borne ici à l'accroissement du trafic de quelques grandes lignes. Le niveau tend partout à se faire, et les chemins de l'Est ou de l'Ouest obéissent dans le même temps au mouvement ascendant qui s'accentue de plus en plus sur l'Orléans et sur Paris-Méditerranée. Dans ce général essor des emplois mobiliers d'un certain genre, tout progresse, tout s'affermit. C'est ainsi que dans des mains habiles, les chemins des Charentes, un moment en fâcheuse passe, sont en train, grâce au crédit reconquis, de se compléter et par là de s'étendre. Le placement de 34,000 obligations, effectué en dernier lieu dans de bonnes conditions, est un de ces faits qui mesurent jusqu'à un certain point la consistance d'une affaire. Aussi, l'administration des Charentes nourrit-elle l'espoir plus que fondé d'obtenir prochainement la concession de la ligne d'Angoulême à Limoges. Au prix où sont les actions en partie seulement libérées, il est facile de voir par le cours actuel, 365 fr. pour 325 fr. versés, que ces actions ne sont pas en écart sensible avec celles de l'Ouest ou du Midi. Il est dès lors question, attendu l'extension projetée, d'appeler un nouveau versement de 75 fr., lequel servirait de base, d'hypothèque à tout nouvel emprunt ou subvention. En voyant ce qui se passe là, et comment une entreprise, dont les débuts furent marqués par les plus graves embarras, a été remise complétement à flot, on peut se convaincre une fois de plus quelle est en affaires la toute-puissance de l'honnêteté, de l'ordre. Non-seulement rien n'a été négligé 15 juillet 1867. 23

30 SÉRIE. T. VII.

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pour cicatriser les plaies du passé, mais les mesures les plus intelligentes sont journellement prises de façon à mettre en rapport ces lignes secondaires. On en pourra juger par un détail qui, comme toutes les petites choses, mesure les grandes. Ici, de même que sur la ligne de Mulhouse, l'on a adopté, en guise de clôture, le système de ces haies fruitières qui sont d'un bon rapport en même temps qu'elles constituent un travail défensif. Les petits profits sont le ciment des affaires; cela consolide le bâtiment et permet de lui donner l'élévation voulue.

Si l'épargne française, et l'on pourrait dire cosmopolite, tant l'étranger a plus de part qu'on ne pense à l'établissement, soit de nos railways, soit de certaines grandes compagnies; si l'épargne chez nous se porte si libéralement vers la grande industrie des chemins de fer, cela tient à deux causes. En premier lieu, soit qu'il s'agisse de l'emprunt, des obligations proprement dites, soit qu'il faille faire à l'actionnaire une part équitable, on peut dire que le capital a tout lieu d'être satisfait en même temps qu'il est rassuré. Avec l'obligation, chacun s'assure un revenu d'environ 5 0/0, qui a toute la solidité de la Rente, sans avoir à redouter les écarts de la cote. Aussi, ce genre de placement jouit-il dans le sous-sol des petites industries, des cultivateurs, des gens de métier, où il pénètre chaque jour plus avant, d'une faveur constante. On en peut juger par le détail ci-dessus que fournit journellement l'heureuse pratique de l'émission en gare. Pour ce qui est de l'action, la sécurité, avec plus de marge dans les bénéfices, tend à devenir chaque jour plus grande. C'est ainsi que ces titres vont se capitalisant de plus en plus à des taux invariables qui donnent au revenu toute la fixité d'un fonds public. Par exemple, le chemin du Midi donne, pour l'exercice 1866, de même que l'an dernier, 40 fr.; l'Ouest donnera, peu s'en faut, le même revenu que pour 1865, c'est-à-dire 35 fr. au lieu de 37 50; -Paris-Lyon donnait dans l'exercice précédent exactement ce qu'il produit en dernier lieu, soit 60 fr. par action;le Nord donne 70 fr. au lieu de 71 50 en 1865; l'Est reste immobile à 33 fr.; enfin, l'Orléans distribue, de même que précédemment, 56 fr. pour le dernier exercice. Ce résultat, cette fixité à peu près constante dans les produits du placement à revenu variable, sont dignes de remarque. Cela prouve invinciblement qu'à travers l'onéreuse extension qu'impose à chaque ligne l'établissement de ce qu'on est convenu d'appeler le nouveau réseau, les railways ont pris chez nous, en ce qui touche le revenu, leur assiette. Quels qu'aient pu être originairement le cours et le nombre des actions, qu'elles se soient follement élancées vers 7 ou 900 fr. pour retomber définitivement beaucoup plus bas, les voilà aujourd'hui ramenées à un taux de capitalisation qui varie de 6 à 7 0/0, mais qui a toute la fixité, je le répète, d'un fonds public. En somme, cela est de beaucoup préférable à l'ancien état de choses;

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on peut même voir, à l'empressement que montre le public pour les obligations de chemins de fer, qu'il s'accommode infiniment mieux de cette fixité que des constants écarts de la cote officielle. C'est même cet aspect général des choses qui peut pousser de plus en plus l'épargne dans une voie destinée à s'élargir sans cesse; cela permettra de mener à fin les 21,000 kilomètres décrétés et en grande partie exécutés.

Pour montrer à quel point cette grande industrie des chemins de fer a suscité en France de travail, de production splendide dans tous les genres et en tous sens, il suffit de considérer de près quelques-uns des éléments du trafic de certaines lignes. Sur le chemin de l'Ouest, par exemple, voici ce qu'on remarque, et ce détail, tout minime qu'il puisse paraître, rapproché des immenses transports de houille, de coton qui font la richesse de certaines lignes, mérite quelque attention. Il montre ce que peut être à ses heures, favorisée par un bon système de circulation et de crédit, la France agricole. Il s'agit particulièrement des réseaux bretons. Là, ce ne sont pas seulement des matériaux de construction, tels que pierres à macadam, pavés et granits qui fournissent 53,000 tonnes de plus qu'en 1865; non, il s'est dirigé sur Paris une masse de fruits, de denrées alimentaires, de légumes, qui se traduit par un excédant de 15,000 tonnes. L'un des plus curieux articles de ce large approvisionnement consiste en grosses fraises dites ananas. Il paraît que dans les environs de Brest l'excitation produite par des transports aussi prompts que peu coûteux a donné à cette culture des développements tels que la ligne de l'Ouest a transporté à elle seule, 652,000 kilogrammes de ces fruits dans la saison de 1866. Cela a nécessité l'emploi de 150 wagons, qui ont procuré à la compagnie un fret de 83,000 fr.

Sur la même ligne, les choux-fleurs et les artichauts de Roscoff, à quelques kilomètres de Morlaix, constitueront dans le même temps un tonnage de 2,000 tonnes, toujours à destination de Paris., Cela a donné un autre fret de 150,000 fr.

Lorsque ces détails presque infimes, et que la science parfois placée trop haut peut ne pas estimer à leur juste valeur, sont relevés par un concours de circonstances qui font voir partout chez nous l'industrie des chemins de fer occupée d'élargir la passe, d'agrandir les gares, de doubler le matériel toujours insuffisant, donnant enfin des marques de prospérité telles qu'on maintient sans peine un revenu de 6 à 7 0/0, sans que l'État puisse, d'autre part, se plaindre qu'on le grève d'un fardeau trop lourd, sous couleur de garantie; qu'il arrive par exemple ceci, que l'emprunt des chemins de fer, chaque jour plus en faveur, a une tendance à se capitaliser incessamment plus bas, alors que l'action monte impérieusement et se capitalise toujours haut, il semble que

l'heure soit de tout point propice pour pousser plus loin encore ces travaux qui rendent en somme beaucoup plus qu'ils ne coûtent. A ce point de vue, on peut dire qu'il existe un parfait constraste entre la France et l'étranger à l'endroit de la productivité des grandes voies ferrées qui se sont créées dans une période d'environ quinze ans. Autant les chemins de fer français donnent de satisfaction et tiennent fort au delà des espérances qu'on avait pu concevoir, autant, ailleurs, on éprouve d'amères déceptions. C'est qu'en France le travail constant, exubérant, faut-il dire, est ce qui soutient et alimente, ici, par des produits, là-bas par l'épargne, cette magnifique industrie. Ailleurs, on fut aisément à bout parce qu'on y manque du fonds nécessaire : l'activité, l'ordre, l'économie. Le peuple qui travaille le plus, remarque un jour le grand esprit auquel on doit l'Essai sur les mœurs, est toujours le plus riche. La France en fait aujourd'hui la brillante expérience, tandis que les peuples pauvres d'épargne, vu que le temps s'est passé chez eux à ne rien faire ou à jouer le triste jeu des batailles, sont embarrassés de cet outillage qu'on nomme le railway, et qui fait la fortune des grands États modernes. PAUL COQ.

DE

LA CRIMINALITÉ EN FRANCE

DEPUIS 1826

ET DE LA RÉPRESSION PÉNALE

AU POINT DE VUE DE L'AMENDEMENT DES PRISONNIERS

Dans plusieurs numéros du Journal des Économistes, il a été publié sur la justice criminelle en France des statistiques qu'il est utile de résumer et de compléter, afin d'éviter des recherches pour établir des comparaisons entre les faits analogues qui se sont produits à diverses époques. C'est ce qui motive le présent travail qui embrasse toutes les publications officielles sur la matière et qui s'arrête à 1865, dernière année pour laquelle elles ont paru.

Ce n'est que depuis 1826 que les comptes-rendus de la justice criminelle sont publiés annuellement et d'une manière uniforme, encore bien que leur utilité s'était fait sentir dès le commencement du siècle, car, en même temps qu'un bureau de statistique générale s'organisait au ministère de l'Intérieur, il était ordonné à toutes les administrations

centrales de recueillir les faits sociaux dont la connaissance pouvait servir à éclairer le gouvernement; de plus, une circulaire du 3 pluviose an IX, émanée du ministre de la Justice Abrial, prescrivait aux commissaires près des tribunaux criminels, d'adresser, chaque mois, à son ministère, des états sommaires qui devaient fournir les éléments de rapports généraux sur l'ensemble de l'administration de la justice. Dans les Archives de la Chancellerie, il existe des tableaux résumant ces états pour 1807, 1811 à 1824, mais ils sont tellement incomplets, que leurs résultats ne pourraient être comparés à ceux qui ont été recueillis depuis 1825 (1) et, en outre, ils n'ont pas été établis sur les mêmes bases.

Mais, avant de faire connaître les résultats chiffrés, nous indiquerons les circonstances qui ont exercé une influence quelconque sur la moraité générale du pays, et certaines dispositions législatives qui ont modifié la pénalité ou qui lui ont donné un autre caractère sous le rapport de la criminalité.

De 1825 à 1831, c'est-à-dire sous l'empire du Code pénal de 1810, un double fait se reproduisait constamment accroissement dans le nombre proportionnel des acquittements, diminution dans le nombre des condamnés à des peines afflictives et infamantes. La loi du 28 avril 1832, en transportant de la Cour d'assises au jury la faculté d'adoucir les peines édictées par le Code pénal, par l'admission des circonstances. atténuantes, a fait cesser l'accroissement des acquittements, mais beaucoup moins cependant qu'on aurait pu le supposer, parce que cette loi exigeait 8 voix au lieu de 7 pour les condamnations. Son résultat le plus frappant a été l'élévation proportionnelle des condamnations correctionnelles, et, naturellement, la diminution des peines afflictives et infamantes et des acquittements.

La loi du 9 septembre 1835 avait réduit de 8 à 7 le nombre de voix nécessaires pour la condamnation, ce qui avait rendu la répression plus efficace; effectivement, sous l'empire de cette disposition, les acquittements diminuèrent de 7 sur 100. A la vérité, cette loi fut abrogée par le décret du 6 mars 1848, qui élevait de 7 à 9 le nombre de voix pour la condamnation; mais, dès le 18 octobre suivant, un décret portait

(1) Bien que les documents commencent en 1825, notre travail ne résume que les faits qui se sont produits depuis 1826, car le compte général de 1825 est beaucoup moins complet que ceux qui ont suivi; de plus, les accusations jugées par contumace y ont été confondues avec les contradictoires, d'où résulte l'impossibilité de faire des rapprochements avec cette année. En outre, les cours d'assises ne jugeaient pas alors tous les crimes, dont plusieurs étaient attribués à des cours prévotales ou pénales, en dehors de la justice ordinaire.

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