Eh quoi! cette vie au jour le jour, où l'on ne sait jamais si, le lendemain, une guerre européenne ne va pas éclater, à propos souvent du moindre incident, est appelée sécurité à l'intérieur! Cette méfiance des nations les unes vis-à-vis des autres, cette absence de principes de moralité dans les cabinets des souverains est jugée une sauvegarde suffisante! A l'intérieur, les populations semblent disposées à n'arriver à la liberté que par la légalité et on doit les féliciter de comprendre que c'est le seul moyen d'avancer sûrement et sans crainte de réaction. Mais cette sage longanimité autorise-t-elle à supposer qu'elles sont satisfaites de la situation actuclle; l'opinion publique ne demande-t-elle pas de tous côtés des réformes, réformes économiques, réformes financières, réformes politiques surtout, parce qu'elles doivent amener les autres? Plus librement composé, plus exempt de hautes influences dans sa formation, le Corps législatif le comprendrait et solliciterait du chef de l'Etat des modifications dans ce sens, loin de l'abandonner dans les rares occasions où la liberté lui apparaît comme un utile allégement aux souffrances actuelles.

Quant à la prétendue abondance des capitaux, il serait bon de l'envisager de plus près et de savoir à quoi tient cette pléthore qui, par son exagération, devrait inquiéter même ceux qui ne peuvent faire des problèmes financiers le sujet habituel de leurs méditations. Nous l'avons dit, l'extérieur inspire une confiance des plus limitées, l'intérieur manifeste des vœux dont la non-satisfaction est une souffrance réelle; en faut-il plus pour annihiler la confiance, cette matière première indispensable de toute transaction? Aussi, vit-on, commercialement parlant, sans avenir; toute affaire à long terme est repoussée et les opérations à courte échéance s'en ressentent naturellement. De là de nombreux capitaux de roulement en disponibilité qui viennent, pour ne pas perdre de minimes intérêts, s'engager dans des achats de valeurs à revenu fixe, ou dans des dépôts à court terme et productifs d'une rémunération encore plus restreinte.

Toute cette situation se résume dans ces termes : les prix de valeurs de Bourse sont avilis, excepté pour les valeurs à revenu fixe qui, relativement, sont en voie de hausse; la spéculation découragée quand elle consent à s'engager, ne tente quelque opération qu'à la baisse; le bas prix des reports le témoigne la plupart du temps les aléa par trop grands résultant des évènements politiques la poussent à s'abtenir. Que l'on ne dise pas le mal n'est pas grand; on joue moins, voilà tout. II est grand, car outre que tout contribuable a un droit identique à la sécurité pour toute opération avouable, on perd ainsi un indice utile, dont il ne faut pas méconnaître la portée.

Le semestre écoulé depuis le commencement de l'année reflète tout entier les considérations générales dans lesquelles nous avons dû en

trer. Les trois premiers mois témoignent des vagues inquiétudes qui assiégent les esprits en France : les affaires sont restreintes, les prix sans essor. Puis la question du Luxembourg vient réveiller les populations et faire passer d'un état de malaise aux perplexités des calamités que la guerre amène avec elle. L'incident redoutable n'a bientôt plus de raison d'être; le magnifique spectacle de l'Exposition universelle, qui tente jusqu'aux potentats, ne suffit pas pour distraire l'esprit public du sentiment de ses besoins, et de nouveau l'apathie reprend, l'atonie regagne le terrain des affaires qu'un mouvement fiévreux lui avait fait quitter, et après comme avant, le malaise général se manifeste, l'absence de confiance se répand, et le bien-être, même matériel, se trouve diminué par le haut prix des objets nécessaires à la vie.

Curieux rapprochement plein d'instruction, si on était disposé à en profiter Pendant qu'en Angleterre chaque budget se solde par un excédant de recettes employé à amortir la dette publique, chaque budget en France se solde par un déficit venant aggraver les difficultés de l'avenir, sans cesser, par l'augmentation des dépenses, d'épuiser le présent. Ainsi, en Angleterre, le budget présenté pour 1867 se solde par un boni de 206,000 liv. sterl.; depuis dix ans, la dette publique a diminué, dans ce pays, par ce fait, de 30 millions sterling (750 millions de francs). En France, le budget présenté se solde, il est vrai, par un excédant de 183,129 fr.; mais le budget définitif de 1868, qui vient d'être voté, se soldait aussi à son origine par 8 millions d'excédant, et, nonobstant 195 millions d'augmentations imprévues de recettes, il a été réglé en fin de compte avec un déficit de 22 millions. Comment reprocher après cela à l'Italie d'hésiter, comme elle le fait, à appliquer à ses finances les simples règles du sens commun. Les ministres des finances succèdent aux ministres des finances, les traités aux traités, rien ne se fait, le temps se perd, le provisoire continue, le désordre s'ensuit, et on se demande où va ce beau pays, qu'habitent cependant des intelligences si remarquables, où battent des cœurs si patriotes. Voici, pour les principales valeurs cotées à la Bourse de Paris, les oscillations mensuelles du premier semestre de 1867:

Voici les taux actuels d'escompte aux banques de circulation des principales villes de l'Europe: Paris; Londres, Francfort-sur-le-Mein et Amsterdam, 21/20/0; Bruxelles, Genève et Brème, 3 0/0; Bâle, Zurich et SaintGall, 3 1/2 0,0; Vienne et Berlin, 4 0/0; Lisbonne, Turin et Madrid, 500; Saint-Pétersbourg, 7 0/0. A Hambourg, où il n'y a pas de banque de circulation, le taux sur la place est de 2 1/4 à 2 3/4 0/0.

Le 1er juillet, a eu lieu au Palais de l'Industrie (Champs-Élysées), la distribution des récompenses de l'Exposition universelle de 1867. La nef centrale du Palais avait été transformée pour cette cérémonie en un vaste amphithéatre où plus de 20,000 personnes ont pu facilement trouver place dans des stalles numérotées. L'axe de la nef était occupé par des trophées représentant les principaux attributs des dix groupes de l'Exposition (1).

(1) Nous abrégeons ce qui est relatif au cérémonial,

Le trône s'élevait au milieu du transept, du côté de la façade nord du Palais, sur une estrade surmontée d'un dais de velours cramoisi. Sur l'estrade, à droite et à gauche du trône, étaient réservés des siéges pour les princes et princesses invités à la cérémonie. En avant de l'estrade du trône étaient placés les ministres, etc., etc.

Un orchestre de 1,200 musiciens et choristes occupait l'extrémité orientale de l'amphithéâtre. A l'extrémité opposée, un escalier mettait le terre-plein de la nef en communication avec un salon où s'étaient réunis les exposants qui avaient obtenu les grands prix et les médailles d'or. A une heure et demie, les exposants récompensés, réunis par groupes, sont venus, bannière en tête, prendre place auprès des trophées. de leurs groupes. Les personnes qui avaient obtenu des récompenses du nouvel ordre se sont placées en face du trône.

A une heure trois quarts, le cortége de l'Empereur est sorti du palais des Tuileries.....

Le cortége du Sultan est parti du palais de l'Élysée.

Leurs Majestés, arrivées à deux heures précises au Palais de l'Industrie, ont été reçues par la Commission impériale, ayant à sa tête les ministres vice-présidents. Les princes et princesses invités s'étaient déjà rendus dans les salons attenant à l'estrade du trône.

L'entrée de l'Empereur a été saluée par de chaleureuses acclamations. L'orchestre, composé de 1,200 musiciens, a exécuté l'Hymne à l'Empereur, œuvre inédite de Rossini.

Leurs Majestés ont pris place à deux heures un quart.

L'Empereur avait à sa droite le sultan Abdul-Aziz-Khan, le prince de Galles, le prince d'Orange, le prince de Saxe, le prince Impérial, madame la grande-duchesse Marie, le duc d'Aoste, le duc de Cambridge, la princesse Mathilde, le prince de Teck; à gauche de S. M. l'Impératrice se trouvaient le prince de Prusse, la princesse de Saxe, le prince Humbert, Mehemmed-Mourad-Effendi, héritier, la princesse Clotilde, la duchesse d'Aoste, le duc de Leuchtemberg, le prince Hermann de Saxe, Abdul-Hamid, etc.

Son Exc. M. Rouher, vice-président de la Commission impériale, a lu le rapport suivant :

SIRE, Au début de cette solennité, le devoir de la Commission instituée sous la présidence d'honneur de S. A. le prince Impérial, que nous voyons avec tant de joie auprès de l'Empereur, est de retracer, en traits rapides, les efforts qu'elle a faits pour accomplir la mission qui lui a été confiée par Votre Majesté, de signaler les concours empressés et utiles qui ont facilité la réalisation de son œuvre; enfin, d'indiquer les caractères et les résultats principaux de cette grande exhibition internationale.

Les obstacles que la Commission impériale avait à surmonter étaient considérables. Il fallait transformer le Champ de Mars, y élever toutes ces constructions qui sont l'ornement du Parc, édifier le Palais, vaste monument qui s'étend sur une surface de 15 hectares, puis y installer et