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à l'Académie de Genève; A. Giraud-Teulon (de Paris); M. Quijano, membre de la Société d'économie politique de Madrid; J. Hornung, professeur de droit public à l'Académie de Genève ; Louis Jousserandot, avocat; Victor de Heselle. »>

Voici la fin d'une lettre relative à ce Congrès que M. H. Dameth, professeur d'économie politique, a adressée au Jonrnal de Genève :

.....

Genève, 11 septembre.

« Il existe, à la guerre, une cause plus profonde et plus permanente que celles, très-réelles d'ailleurs, auxquelles peuvent pourvoir les révolutions politiques et religieuses. Cette cause, c'est l'opposition présumée des intérêts nationaux entre eux. Les peuples se font la guerre, principalement parce qu'ils croient qu'il y a antagonisme inné et invincible entre leurs intérêts et que la prospérité, la puissance, l'enrichissement des uns entraînent la déchéance et la misère des autres.

« Si cette croyance est fondée, la guerre est éternelle. Monarchies et républiques, religions révélées et rationalisme ne l'empêcheront pas. Si non, au contraire, c'est-à-dire s'il peut se démontrer que les intérêts des peuples sont par essence harmoniques et solidaires, que par le libre développement de l'échange, sur le terrain du droit commun, les efforts, les ressources de chacun profitent à tous, l'humanité entière nous apparaît comme une même société où, grâce à la division naturelle du travail entre les contrées, les climats, les aptitudes industrielles, propres à chaque peuple, la réciprocité des services, la fraternité pratique devient l'objet capital des rapports internationaux, et se substitue d'ellemême, sans déchirement, au principe d'hostilité qui a dominé jusqu'ici ces rapports. Or, cette démonstration est faite.

« La science économique en a fourni tous les termes, et c'est pourquoi le mouvement contemporain vers la liberté des échanges est le principal instrument de paix générale qui ait été encore découvert et employé. C'est pourquoi la ligue des free traders, inaugurée par Richard Cobden, a plus fait pour l'avénement de l'ère de paix à laquelle nous tendons, que ne feraient dix et cent mille congrès comme celui de Genève. Cependant les congrès peuvent aider au mouvement s'ils comprennent leur mission. Il s'agit ici essentiellement d'un fait d'opinion, d'idée, c'est à transformer, à rallier, à unir dans un concert d'efforts les opininions que tout congrès doit servir, non à autre chose.

«C'est la hallebarde qui mène le monde, disait dédaigneusement un ministre de Louis XV à Quesnay. Oui, répondit celui-ci, mais qui mène la hallebarde? - L'opinion. »>

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« Donc, ce n'est pas déserter le terrain des réformes politiques ou autres, que de procéder comme je l'indique. Par le désarmement moral ou économique des peuples, nous marchons irrésistiblement à leur désarmement matériel. D'où nécessité pour les gouvernements d'obéir à l'opinion jusqu'à concurrence de leur propre transformation intégrale.

Ainsi les institutions démocratiques deviennent le couronnement inéluctable du sublime édifice de la paix universelle, dont l'harmonie des intérêts forme la seule, la véritable base.

< Agréez, etc.

H. DAMETH. >>

M. Charles Vogt, le célèbre naturaliste de Genève, a fait trève un moment aux luttes intestines du Congrès de la paix, en lisant le document suivant que lui avait communiqué une spirituelle et pacifique Allemande, Mme Fanny Lewald Stahr.

Dix articles contre la guerre. - 1. Vouloir décider ses différends avec un autre par le pugilat et le bâton est indigne d'un homme raisonnable. 2. Ce qui est indigne et ignoble pour un seul doit être indigne et ignoble pour dix, pour cent, pour mille.

3. S'il est indigne et ignoble de terminer ses propres différends par le pugilat, il est encore plus indigne et ignoble de se battre, sur l'ordre d'un autre et au profit de celui-ci, avec son prochain, et de tuer des hommes qui personnellement ne vous ont fait aucun mal.

4. Deux hommes se battant dans la rue pour leur profit sont blâmés par tout homme raisonnable et civilisé, et il ne vient à l'esprit de personne d'admirer le vainqueur.

5. Pourquoi admire-t-on le vainqueur dans un combat livré par des centaines de mille hommes pour un avantage qui presque toujours n'est pas le leur?

6. Si deux hommes se battent à coups de poing dans la rue, il ne leur vient pas à l'idée d'invoquer Dieu comme témoin ou de croire que Dieu s'intéresse spécialement à l'issue de leur lutte. De même des hommes qui se battent entre eux ne peuvent pas davantage avoir cette opinion.

7. Si deux hommes qui se battent venaient à parler du dieu du pugilat, et invoquaient le secours de Dieu pour venir les aider dans leur manière de faire déraisonnable on les appellerait à bon droit fous ou blasphémateurs.

8. On appellerait de même fous ou blasphémateurs dix ou vingt hommes qui, se battant dans la rue, invoqueraient le dieu des pugilats pour lui demander de protéger particulièrement l'un ou l'autre des partis combatants.

9. Quel est donc le nombre requis pour que cet étre que vous appelez Dieu, et que vous implorez comme le dieu d'amour, prenne parti dans les pugilats et combats d'hommes incultes et sans raison?

10. Croyez-vous réellement que le nombre et la quantité puissent faire impression sur Dieu, sur un être dont l'essence doit être infinie? Ne croyez-vous pas que parler d'un dieu des batailles soit aussi bien un blasphème que de parler d'un dieu des pugilats?

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

Réunion du 5 octobre 1867.

OUVRAGES PRÉSENTÉS: Recueil des Écrits politiques de Cobden, publié par sa veuve. Richard Cobden à Verviers, par la chambre de commerce de Verviers. Essai sur la science sociale, par M. A. Clément. Le Budget de la vicinalité, par M. Foucher de Careil. L'Italie économique en 1867, par M. Maestri. Notre Pays, par M. Jules

et les sociétés coopé

Duval. - Sociétés coopératives de production et de consommation, par le même. DISCUSSION: La liberté de la boulangerie; le prix du pain, pératives.

M. H. Passy, membre de l'Institut, ancien ministre des finances, a présidé cette réunion, à laquelle assistaient M. Gustave de Molinari, rédacteur en chef de l'Economiste belge, secrétaire général de la Société d'économie politique belge; M. André Zamoyski, ex-président de l'Association agricole de Pologne, et M. le comte Cieszkowski, député du duché de Posen à la diète de Prusse, membres associés; M. Ambroise Clément, auteur d'un Essai sur la science sociale; - MM. Philippe et Bouvet, membres de la Société d'économie politique de Lyon; et à laquelle avaient été invités M. Pollard-Urquart, ancien membre du Parlement, et M. Viganò, professeur à l'institut technique de Milan, président de la Société coopérative des ouvriers de Côme, M. Agathon Kirkor, directeur des télégraphes à Constantinople; et M. Ohannès Tchamitch, chargé d'une mission financière par le gouvernement turc.

M. le secrétaire perpétuel a présenté les ouvrages suivants :

Cobden's political writtings (1), deux très-beaux volumes publiés par les soins de la veuve de Richard Cobden, et contenant ses écrits, les uns politico-économiques, les autres tout à fait politiques: les premiers antérieurs à la Ligue et résultats de ses voyages; les autres rédigés en vue de calmer les esprits, après les événements de 1852. Cette collection, ajoute M. Joseph Garnier, n'est pas seulement un précieux souvenir de Mme Cobden pour les amis de son illustre mari; elle contient un enseignement fortifiant pour la génération contemporaine, par un des hommes dont l'humanité peut le plus s'honorer.

(1) Londres, Ridgeway, 1867; 2 forts volumes in-8. Le premier contient England, Ireland and America (1835); Russia (1836); 1793, 1853, three letters (1852). Le second volume contient diverses brochures et three panics (les trois paniques): 1847-48, 1851, 53, 54 et 1859, 60 et 61.

Après cette présentation, M. G. de Molinari fait hommage à la Société, de la part de la chambre de commerce de Verviers, d'une brochure intitulée: Richard Cobden à Verviers. Son buste dédié aux industriels de Verviers par la Société belge d'économie politique (1). Cette brochure renferme le compte rendu de l'inauguration du buste de Cobden, qui a eu lieu le 27 janvier 1866, cérémonie à laquelle assistaient plusieurs membres de la Société. L'introduction, dernière œuvre de M. L. Masson, qui avait été le promoteur infatigable du mouvement libre-échangiste à Verviers, résume l'histoire de ce mouvement dont l'inauguration du buste de l'apôtre du libre-échange dans un des principaux centres manufacturiers de la Belgique, suffirait pour attester le succès. M. de Molinari ajoute que les manufacturiers verviétains, comme s'ils avaient voulu que le monde industriel tout entier fût rendu témoin de leur conversion à la doctrine de la liberté commerciale, ont placé au sommet du compartiment qui leur est réservé à l'Exposition universelle, le buste de Richard Cobden.

M. le secrétaire perpétuel rappelle en quelques mots les services rendus à la cause libre-échangiste par M. Gustave de Molinari depuis quinze ans qu'il a quitté Paris. Par la plume et par la parole, M. de Molinari a été le promoteur en Belgique de ce mouvement, dans lequel la chambre de commerce de Verviers tient la tête. Or il y a cela de remarquable qu'il y a vingt-cinq ans, Verviers faisait des doléances publiques, par peur de l'introduction des draps d'Elbeuf en Belgique, et pendant qu'Elbeuf pétitionnait par peur de l'introduction des draps de Verviers en France.

Essai sur la science sociale (2). Sous ce titre, M. Ambroise Clément a groupé trois ouvrages: un sur l'Économie politique, un sur la Morale expérimentale et un troisième sur la Politique théorique, se complétant l'un par l'autre et présentant un ensemble qui justifie ce titre. Résultat de toute une vie d'études et de méditations, ce livre occupera bien certainement une des premières places parmi les plus notables qu'ait publiés la librairie Guillaumin.

Le Budget de la vicinalité dans le Calvados (3), par M. Foucher de Careil, qui traite d'une manière générale les questions que soulève le nouveau programme du gouvernement.

L'Italie économique en 1867 (4), résumé statistico-économique dressé

(1) Verviers, Remacle, 1867; broch. in-8 de 80 pages.

(2) Paris, Guillaumin, 1867; 2 forts volumes in-8.

(3) Caen, Goussiaume, 1867 ; in-8 de 48 pages.

(4) Florence, Barbàra, 1867; 1 vol. in-8. La seconde partie est consacrée au catalogue des produits exposés.

par les soins de M. Maestri, directeur de la statistique à Florence, et publié par les soins de la commission italienne à l'Exposition.

Après ces présentations par M. le secrétaire perpétuel, M. Jules Duval fait hommage de trois écrits qu'il vient de publier: Notre pays (1), tableau des forces productives de la France, les Sociétés coopératives de production, les Sociétés coopératives de consommation (2); conférences à l'Asile de Vincennes,

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Après ces présentations, la Réunion procède au choix d'un sujet d'entretien pour la soirée. La majorité se prononce pour une question inscrite depuis assez longtemps sur le programme et relative à la liberté de la boulangerie.

LA LIBERTÉ DE LA BOULANGERIE ET LE PRIX DU PAIN.

La question était ainsi formulée par M. Joseph Garnier: « Quels sont les résultats de la liberté de la boulangerie? » La discussion à laquelle ce sujet a donné lieu portant parallèlement, par suite des circonstances actuelles, sur le prix du pain et sur les associations coopératives.

M. JULES DUVAL, directeur de l'Economiste français, a le premier la parole. Avant d'entrer dans le développement de son opinion, il la formule ainsi 1° La liberté de la boulangerie, proclamée en droit et pratiquée en fait, a généralement abouti à la hausse plutôt qu'à la baisse du pain; 2° cet effet est parfaitement conforme avec la théorie de la concurrence fondée sur le libre jeu de l'offre et de la demande; 3o contre cet effet, la coopération est le meilleur remède.

M. J. Duval, rappelant brièvement les faits, constate que la liberté de la boulangerie a été tentée sur une vaste échelle en France, même en Algérie et dans les colonies; que, contrairement à l'attente du gouvernement et aux promesses de l'économie politique, le pain a haussé généralement, même en tenant compte de la hausse du blé, conséquence d'une récolte insuffisante. Ce résultat s'est produit simultanément en trop de lieux et dans des circonstances trop différentes pour qu'il soit possible de n'y voir qu'un accident local et temporaire, ou un caprice des autorités locales déçues dans leur calcul. Le même phénomène éclate au loin, et ces jours derniers, les feuilles de la Guadeloupe rapportaient des arrêtés des maires de la Basse-Terre et de la Pointe-àPitre, rétablissant la taxe, à la suite de l'expérience malheureuse qui

(1) Paris, Hachette, 1867; 1 vol. in-18.

(2) Paris, Hachette, 1867; 2 vol. in-32 à 35 c.

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