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d'assurer leur conservation et d'ajouter à la certitude de la propriété foncière et à la solidité du Crédit foncier agricole.

32. J'ajoute et je répète que, loin d'y perdre, le Trésor y gagnera.

La perte qu'il subirait, par suite de la déduction des dettes, sera couverte par le droit qu'il percevra dorénavant sur les créances qui lui échappent. -Les frais d'impression et de tirage des formules d'actes, le coût des registres employés à l'enregistrement intégral facultatif et signé, le traitement des préposés des contributions directes qui concourront aux opérations d'arpentage et de bornage, seront des dépenses utiles, largement compensées par l'accroissement des formalités accompagnées du payement de l'impôt, par la diminution des mutations secrètes, par la rectification progressive du plan cadastral sans allocation budgétaire spéciale.

Le produit actuel du droit proportionnel d'enregistrement sur les baux ordinaires sera certainement dépassé par le total des droits fixes perçus sur les baux que les particuliers s'empresseront de constater par écrit et de conserver au moyen d'un enregistrement peu coûteux.

Le Trésor ne perdra rien à la diminution du droit d'obligation sur les prêts du Crédit foncier agricole, ni même à l'exemption des droits sur les actes relatifs aux opérations de bornage, parce que ces prêts et actes ne se seraient pas faits sans la modification du tarif.

Mais les recettes de toutes sortes se développeront à la suite des mesures qui favoriseront l'essor de l'agriculture, du commerce, de l'industrie, et de tous les éléments de la richesse publique, beaucoup plus sûrement que par l'effet de l'augmentation des tarifs qui est souvent de tous les expédients en usage le plus pauvre et le moins heureux.

III

PROPOSITIONS PRINCIPALES ET CONCLUSION.

33. Je formulerais ainsi mes principales propositions:

Seront déduites de l'actif de la succession pour la liquidation et le payement du droit proportionnel, les dettes contractées par le défunt envers des tiers suivant titres enregistrés avant le décès, pourvu que ces dettes ne soient pas échues, et que l'héritier déclare les reconnaître. Cette déclaration vaudra titre pour le créancier désigné et pour ses ayants droit.

Seront comprises dans l'actif de la succession pour la liquidation et le payement du droit proportionnel les créances établies, par titres enregistrés, à moins que le successeur ne justifie d'un titre de libération enregistré, ou qu'il ne déclare la créance éteinte, renonçant expressément à l'exercer. Cette déclaration vaudra titre libératoire pour le débiteur. Un droit en sus du droit simple sera dû sur la valeur soustraite à l'impôt par suite de déclaration de dettes ou de créances fictives.

Le ministre des finances fera débiter, concurremment avec le papier timbré de la débite ordinaire, des formules imprimées sur feuilles du prix et du format de 50 cent. et de 1 fr., contenant les éléments substantiels des actes et contrats les plus usuels, tels que bail, vente, quittance et procuration.

Tout acte sous seings privés présenté à l'enregistrement pourra, sur la demande des parties, être copié littéralement et en entier sur le registre, et cette transcription pourra être signée par elles. Il sera perçu pour cette transcription, signée ou non, outre le droit d'enregistrement, un salaire d'un franc par page de trente lignes, dont le dixième appartiendra au Trésor.

- Le droit fixe de 2 fr. sera seul perçu sur les baux ordinaires de biens immeubles consentis pour une durée de dix-huit ans au plus, pourvu que le bail soit présenté à l'enregistrement dans les dix jours de la date de l'acte. Après ce délai, le droit proportionnel d'obligation serait dû sur le prix cumulé de toutes les années à écheoir, et le droit de quittance sur tous les loyers ou fermages échus.

-Le droit d'obligation est réduit à 50 cent. 0/0 sur le capital des prêts consentis sur immeubles ruraux pour une durée de vingt ans au moins et remboursables par annuités.

- Le droit fixe sera seul perçu pour la transcription des partages anticipés d'ascendant.

-Tout acte de nature à être transcrit pourra n'être présenté qu'au bureau de la conservation des hypothèques et y être assujetti simultatanément aux droits d'enregistrement et de transcription.

- Tout propriétaire d'immeubles dont le titre aura été transcrit pourra requérir la délivrance d'un extrait certifié du plan cadastral, et, s'il veut procéder au bornage en vertu de l'art. 646 du Code Napoléon, le concours gratuit des employés de la direction générale des contributions directes. Le tarif qui fixera la rémunération due pour la délivrance des extraits certifiés du plan cadastral sera réglé par arrêté ministériel; les actes relatifs aux opérations de bornage seront enregistrés gratis dans le cas prévu par le présent article.

34. Quel sera le sort de ces propositions? Réuniront-elles des partisans assez nombreux, assez puissants et assez dévoués, pour triompher de ces adversaires naturels qui, pour conserver leur clientèle ou leur position, par aptitude ou paresse d'esprit, par habitude ou par opposition à toute idée émanée d'autrui, répugnent à tout changement, de ceux pour qui les économistes ne sont que des fantaisistes, de ces intérêts individuels vivaces ou tenaces contre lesquels l'intérêt général ne prévaut pas toujours ? Serai-je de ces optimistes heureux dont parlait M. Glais-Bizoin et dont les convictions amènent des réformes?

Quoi qu'il en soit, si, dans cette étude incomplète, suggérée seulement par l'enquête agricole, on rencontre quelques vérités utiles, que de lumières ne trouverait-on pas en ouvrant une enquête sérieuse, com

plète, et libre, sur la législation fiscale, et particulièrement sur celle qui régit l'impôt de l'enregistrement.

Une loi septuagénaire, née dans des conditions économiques et poli tiques qui se sont modifiées, un impôt établi avant les Codes sur les effets des actes et des conventions que les Codes ont réglés depuis, une législation composée d'éléments multiples, discordants, produits à des dates et par des causes différentes, doivent évidemment être retouchés et remaniés.

Les convictions à cet égard sont faites depuis longtemps et se manifestent sous toutes les formes.

Le projet de refonte des lois sur les droits d'enregistrement, de timbre, de greffe et d'hypothèque, imprimé en 1829 par ordre d'une commission instituée en 1824 sous la présidence du garde des sceaux;

Les tendances très-prononcées de la jurisprudence qui, pour métamorphoser une loi austère (1) et un impôt socialiste (2) parvient à leur trouver un esprit dont le législateur de l'an VII ne s'était peut-être pas douté;

Les tentatives qui, depuis 1860, ont avorté devant le Conseil d'État ou devant la Chambre, et qui peuvent accuser l'insuffisance des propositions faites ou les malheurs de la discussion sans prouver l'impossibilité et l'inopportunité d'une réforme ;

Les plaintes qui chaque année trouvent des organes au Corps législatif, et qui seraient autrement fréquentes et accentuées, si l'impôt de l'enregistrement n'avait pas sur l'impôt direct l'avantage de blesser les contribuables successivement, et en détail, à chaque acte ou mutation, au lieu de les atteindre périodiquement et simultanément;

Tous ces faits prouvent jusqu'à l'évidence la nécessité et l'opportunité d'une réforme prise de haut et d'ensemble. Le Corps législatif la verrait avec faveur et lui prêterait son concours; car, ainsi que me l'a dit récemment un ancien ministre, député justement considéré, rarement une assemblée s'est livrée avec plus de conscience aux études les plus ardues. Dans ces conditions, un projet préparé mûrement, et discuté avec conviction et sans maladresse, a de grandes chances de succès.

Que manque-t-il donc pour obtenir ce résultat si désirable? La réunion de toutes les lumières, l'enquête dirigée et utilisée par un économiste doublé de financiers. La jurisprudence et la pratique ne confèrent pas le pouvoir de faire une bonne loi elles ne donnent pas l'esprit généralisateur, qualité essentielle du législateur; ni l'esprit de solution qui ne confond pas l'objection avec l'obstacle et qui tranche les hésita

(1) Expression de M. Delangle.

(2) Expression d'un autre magistrat éminent de la Cour suprême.

tions entre le pour et le contre; ni le sens pratique, qui sait établir la balance entre la somme des avantages et celle des inconvénients et trouver la résultante; ni surtout cette volonté constante d'être utile qu'une devise énergique, inscrite en tête d'un vieux livre, définit en trois mots terar, dum prosim.

ABEL LEMERCIER,

Docteur en droit, chef à la Direction générale de l'enregistrement des domaines et du timbre.

LA

PROPRIÉTÉ DES INVENTIONS

I. Causes qui ont fait méconnaître jusqu'ici le droit à la propriété des inventions. II. Les caractères essentiels ne diffèrent en rien de ceux des autres genres de propriété. III. La propriété des inventions est le fruit d'un travail de découverte, d'appropriation et de formation d'un marché. IV. Elle est légitime. - V. Elle est nécessaire. VI. Elle est utile même à ceux qui ne peuvent pas l'obtenir. L'inventeur ne peut jamais abuser de son monopole. Exemple. VII. Inconvénients et injustice des lois qui limitent, arbitrairement, la durée de la propriété des inventions. — VIII. Remède cherché à l'imperfection de la législation des brevets, dans l'expropriation des inventions, pour cause d'utilité publique. Injustice et conséquences de ce système. — IX. Autre inconvénient pratique, résultant de l'expropriation des inventions. X. Conditions auxquelles la propriété des inventions pourra jouir de la sécurité désirable. - XI. Conditions économiques les plus favorables au développement du travail des inventeurs et à sa rémunération. - XII. Objections diverses faites à l'égard de la propriété des inventions; leur réfutation.

-

Tandis que la propriété mobilière est aussi ancienne que la société elle-même, et que l'appropriation du sol est contemporaine de la transformation des industries extractives, telles que la chasse et le pâturage nomade en industries agricoles sédentaires, la propriété des inventions est née d'hier seulement, puisqu'elle n'existe, du moins à l'état de monopole naturel et légitime, que depuis la suppression du monopole artificiel des corporations, des jurandes et des maîtrises en 1789.

Le premier homme qui se fit une hutte, un meuble, une arme, un vêtement ou une provision de vivres, a dû sans doute exciter par là la convoitise de ses semblables, et plus d'une fois, ces objets lui auront été ravis par la violence ou la ruse, avant que l'on tombât unanimement d'accord sur ce point que ces objets devaient appartenir à celui qui les

avait créés, et qu'il était à la fois du devoir et de l'intérêt de la société de lui en garantir la possession contre toute atteinte. De même aussi, les premiers champs appropriés et cultivés ont dû être mainte fois l'objet de déprédations par des chasseurs et des pasteurs nomades, qui auront considéré l'enclosion de ce champ comme une atteinte portée à leur droit sur la propriété indivise du sol, malgré la compensation donnée par le propriétaire de l'enclos, soit par le payement d'une valeur égale, soit en remontant à son droit sur une part de la propriété encore indivise de tous. Il a donc fallu bien du temps pour que ce genre de propriété fût tenu pour légitime et respecté comme tel, puisqu'il est encore nié ou partiellement contesté aujourd'hui par plusieurs sectes communistes ou socialistes. Il n'y a donc rien de bien surprenant à ce que le droit tout récent à la propriété des inventions soit encore nié ou contesté, en totalité ou en partie, non-seulement par les communistes et les socialistes, mais même par les partisans éclairés de la propriété matérielle et même intellectuelle.

Il faut donc s'attendre à ce que la propriété des inventions soit méconnue et violée, pendant bien des années encore, par ceux-là mêmes qui auraient le plus grand intérêt à la reconnaître et à la respecter. Durant cette période de transition, les inventeurs seront considérés comme l'étaient autrefois les premiers propriétaires du sol naguère indivis, c'est-à-dire comme des usurpateurs d'un bien commun à tous, et tout ce qu'on pourra leur reprendre de ce bien, par ruse ou par violence, sera regardé comme étant de bonne prise et de légitime défense. Aujourd'hui, en effet, l'opinion publique, loin de flétrir l'imitation subreptice ou non autorisée d'une invention, comme un acte aussi blâmable que le vol d'une propriété matérielle, regarde un tel acte avec indifférence, ou y applaudit même comme devant lui profiter. Les lois mêmes qui devraient protéger la propriété des inventions, ne sont fondées sur aucun principe fixe, ainsi que le prouvent, et leurs fréquentes variations, et leur extrême diversité en tous pays.

En voulant être aux yeux de ceux qui les font, un compromis entre les prétendus intérêts des inventeurs, du public et de l'Etat, elles blessent la justice, toujours conforme aux intérêts réels de tous et suscitent partout un tel mécontentement que bien des gens préfèrent l'absence de toute loi à ces recueils de dispositions arbitraires et contradictoires. Les tribunaux, n'ayant aucune base positive pour interpréter la loi, l'appliquent avec hésitation, d'où résultent des lenteurs et des tergiversations très-préjudiciables aux plaideurs. Enfin, d'intrépides et éhontés flibustiers spéculent sur les imperfections de la loi pour prendre des brevets concernant des inventions imaginaires ou des procédés déjà connus, et pour ruiner par ce moyen d'honnêtes industriels, qui ne sachant distinguer l'usage licite et raisonnable de ces scandaleux abus, maudissent à

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