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peut-on faire concurrence à la caisse d'épargne de l'octroi et aux bons de la ville de Paris? C'est un ajournement de dix ans au moins pour cette sorte d'institution; il faudra les fonder en temps d'abondance, alors que le stimulant manquera. C'était pourtant une bonne chose; le gouvernement lui-même l'avait reconnu.

Le système de la compensation aura pour résultat de créer à la ville de Paris, dans un délai plus ou moins éloigné, une troisième dette flottante, celle des bons de la Caisse de boulangerie. Le moment est donc opportun pour étudier et pour résoudre, si cela est possible, la question des bons de délégation, cette autre dette flottante de la Ville qui atteint et dépasse aujourd'hui le chiffre de 400 millions de francs. Le conseil municipal est saisi, dit-on, de l'affaire. On cherche à consolider par un emprunt les 350 millions prêtés par le Crédit foncier sur les bons de délégation de la Ville. Si cet emprunt se réalise, les faits auront donné une éclatante confirmation à tout ce que nous avons écrit dans ce journal. (Débats.) LEON SAY.

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

Réunion du 5 décembre 1867.

OUVRAGES PRÉSENTÉS: Série d'ouvrages élémentaires sur l'économie politique, par MM. Majorana Catalabiano, Georges-Henry Smith, Baudrillart, Levasseur, Rondelet, Templar. Conférence sur la paix et la guerre, par M. F. Passy. Almanach de Paris, 1868.

DISCUSSION: Des Caisses syndicales de crédit et des Sociétés coopératives.

M. H. Passy, ancien ministre des finances, membre de l'Institut, a présidé cette réunion, à laquelle avaient été invités: M. Winthrop, des Etats-Unis; M. de Schwartz, directeur du consulat d'Autriche à Paris ; -M. de Vintimille de Geraci, de Sicile ;-M. Émile Yvernès, chef du bureau de la statistique judiciaire.

M. le secrétaire perpétuel a présenté les ouvrages suivants :

Une remarquable série de traités élémentaires d'économie politique; savoir la fin du Trattato del Economia politica (1), par M. Majorana Calatabiano, membre du Parlement italien, professeur à l'Université de Messine; Outlines of political economy (2), par M. George Henry

(1) Catania, Caronda, 1866, in-18 de 500 p.

(2, London, Longmans, 1866, grand in-18 de 70 p.

Smith;

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Éléments d'économie rurale, industrielle et commerciale (1), par M. H. Baudrillart, membre de l'Institut, professeur au Collège de France; Notions fondamentales de l'économie politique, par M. E. Levasseur, professeur au lycée Napoléon (2); - Petit Manuel de l'économie politique (3), par M. Antonin Rondelet, professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Clermond-Ferrand ; Simples notions d'économie sociale (4), par Benjamin Templar, traduit de l'anglais par A. de Létang.

La nouvelle publication de M. Majorana est une refonte de son premier exposé des théories fondamentales. Les Outlines de M. Smith sont destinées aux écoles et « aux jeunes étudiants. » MM. Baudrillart et Levasseur se sont attachés à suivre le programme officiel des futurs colléges secondaires spéciaux : l'ouvrage du premier est complet, celui du second ne contient que le premier quart du cours. M. Rondelet s'est proposé d'écrire pour les gens du monde qui ne veulent pas étudier dans les traités méthodiques et scolaires. Le livre de M. Templar est rédigé dans le même but pour les classes populaires (5).

-

Conférence sur la paix et la guerre, par M. Frédéric Passy. Édition spéciale, publiée aux frais d'un membre de la Ligue internationale de la paix (6). M. le secrétaire perpétuel recommande aux membres de la réunion la propagation de cette bonne œuvre, à laquelle ont contribué la plume éloquente de M. F. Passy et la libéralité de M. Jean Dollfus.

Almanach de Paris, 1868 (7), annuaire général de cour, de diplomatie, de politique, d'histoire et de statistique, pour tous les États du globe, contenant des renseignements statistiques, recueillis et groupes par un écrivain qui sait puiser aux bonnes sources.

(1) Paris, Delagrave et Guillaumin, in-18 de 516 p. (2) Paris, Hachette, 1867, in-18 de 74 p.

(3) Paris, Lecoffre, 1867, in-18 de 284 p.

(4) Paris, Société des livres utiles, 1867, in-18 de 250 pages.

(5) Au nombre des ouvrages élémentaires récemment présentés, nous rappelons les Leçons et le Traité sommaire de M. Courcelle-Seneuil. Paris, Guillaumin, 1864 et 1865; 2 vol. in-18 de 290 p.: Premières notions d'Économie politique sociale ou industrielle, par M. Joseph Garnier, suivies de la Science du bonhomme Richard, par Franklin, et de l'Économie politique en une leçon, par Bastiat, et d'un Vocabulaire de la langue économique, 3e édition. Paris, Guillaumin, 1867, in-18 de 290 p.

(6) Paris, Guillaumin, 1867, in-16 de 36 p. Prix: 15 c., 1 fr. 50 les douze, 12 fr. le cent, franco en France.

(7) 4 année. Paris, Amyot, 1868, in-16 de 760 p.

Après ces présentations, la Réunion choisit pour sujet d'entretien de la soirée la question des sociétés syndicales de crédit qui ramène celle des sociétés coopératives.

DES SOCIÉTÉS SYNDICALES DE CRÉDIT

ET DES SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES.

M. HORN, rédacteur de l'Avenir national, est invité à expliquer à la réunion la nature et la portée des caisses syndicales.

Il expose que le nouveau type d'association de crédit ou de banque sociétaire, à la réalisation duquel ses amis et lui travaillent en ce moment, repose sur la mutualité à deux degrés et l'assurance à deux degrés, et vise notamment à donner plus de facilité à l'emprunteur en accroissant la sécurité pour le prêteur. On espère ainsi pouvoir rendre le crédit plus accessible, moins capricieux et à meilleur marché pour les agents encore si nombreux de la production (cultivateurs, industriels, commerçants, artisans, etc.) qui d'habitude se le voient refuser ou n'obtiennent le crédit que par intermittences, avec bien des peines et à des conditions plus ou moins onéreuses. M. Horn se dispensera, dans une réunion d'économistes, d'insister sur les avantages du crédit, sur les bienfaits incalculables que sa diffusion procure, non-seulement aux individus à qui elle profite directement, mais à la société. Il fera seulement remarquer que les classes travailleuses proprement dites ne souffrent pas seules du manque de crédit ou de sa cherté; les couches inférieures et moyennes du commerce et de l'industrie ont tout autant à pâtir et à désirer. A Paris même, et à fortiori dans les départements, le taux officiel de l'escompte, quand il est bas, n'existe réellement que pour la « crème » du monde industriel et commercial: on pourrait dire que pour la haute banque réescompteuse. Aujourd'hui même, quoique l'argent, depuis tantôt deux ans, soit presque constamment au-dessous de 3 0/0 à la Banque de France; quoiqu'il y ait un milliard d'espèces entassé dans les caves de la rue de la Vrillière; quoique le « papier doré » s'escompte hors banque à 1 1/2 ou 2 0/0, la grande majorité du petit commerce et de la petite industrie, même du commerce et de l'industrie moyens, paye 5 à 6 0/0 en moyenne, souvent au delà, sans toujours obtenir le crédit qu'elle sollicite et mérite. C'est un fait mille fois constaté et avéré pour tous ceux qui connaissent l'état intime du commerce et de l'industrie parisiens. M. Horn ne citera qu'une seule preuve, mais des plus caractéristiques: c'est la part très-large pour laquelle les marchandises neuves, a engagées» par les commerçants qui les avaient achetées ou par les industriels mêmes qui les ont produites, figurent dans les 32 ou 33 millions d'affaires que fait annuellement le Mont-de-Piété de Paris! Quand l'on sait le prix (12 à 15 0/0) auquel prête cet établissement dit

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de charité; quand l'on pense à l'embarras et aux frais accessoires bien considérables que cause ce déplacement et replacement matériels de marchandises souvent fort encombrantes, aux artifices dont habituellement il faut user pour s'en cacher même vis-à-vis de ses ouvriers et employés, à la déconsidération qui s'attache à ce genre d'emprunt: on reconnaîtra que rien ne saurait témoigner d'une façon plus évidente du manque d'un crédit rationnel et normal que cette affluence de marchandises neuves, comme gages, dans la rue des Blancs-Manteaux! Encore. ce crédit si onéreux n'est-il pas accessible à tout le monde. Il n'est assurément pas à la portée de l'industriel qui aurait besoin d'argent pour fabriquer, du commerçant qui en aurait besoin pour s'approvisionner. La combinaison syndicale pense remédier à cet état de choses: d'abord, en augmentant la créditabilité des cultivateurs, industriels, commerçants, artisans, qui aujourd'hui en offrent peu ou point; puis encore, en accroissant la quantité de capital disponible par une aspiration plus forte de l'argent inactif et par une économie plus grande dans l'emploi de la monnaie. Cela permettra de satisfaire toutes les demandes légitimes et rationnelles de crédit, au grand avantage de l'activité économique de notre société.

Pour parvenir à ce résultat, merveilleux en apparence, nous n'invoquons, dit M. Horn, ni la munificence de l'État, ni le concours du département ou de la commune; nous faisons appel uniquement au bon vouloir éclairé, à l'initiative intelligente des intéressés eux-mêmes. Nous disons aux 200 ou 300 habitants industrieux d'une localité, d'un quartier, aux 200 ou 300 personnes engagées dans la même branche d'industrie ou de commerce : « Associez-vous pour toutes vos opérations de crédit; devenez mutuellement vos propres banquiers, tous les banquiers de chacun, et chacun le banquier de tous. A cet effet, réunissez d'abord par vos souscriptions volontaires un capital de cinquante, de cent, de deux cent mille francs; vous verserez le quart ou plus de votre souscription, suivant vos ressources et les besoins de l'Association. Cet argent, qui dort aujourd'hui au fond de votre tiroir ou avec equel vous alliez peut-être acheter des valeurs mexicaines, tunisiennes et autres qui vous font perdre intérêt et capital, cet argent vous rapportera un bon intérêt dans votre association; le capital, grâce aux combinaisons de sécurité que vous connaîtrez tout de suite, n'y court pas de risques. C'est d'ailleurs vous-mêmes qui le gardez, le surveillez et le inaniez, par les administrateurs de votre choix, et que vous renouvelez à votre gré dans vos assemblées générales: vous en aurez une tous les six mois, ou même une par trimestre. Cette association étant votre caisse, il est très-naturel que vous fassiez d'elle votre caissière; vous la chargerez tous d'opérer vos encaissements, vos payements, et de vous garder votre argent entre la rentrée et le réemploi que vous allez en faire plus

ou moins prochainement. Cela vous économise une foule de dépenses, de courses, d'embarras; votre argent est plus en sécurité à la caisse, qui a des agents et surveillants spéciaux, qu'il ne l'est chez vous, et, de plus, vous rapporte un intérêt pour chaque jour qu'il reste confié à la Caisse syndicale, tandis que votre bahut ou tiroir ne vous en bonifierait rien. Ainsi, du reste, procèdent depuis deux siècles, vis-à-vis de leurs banques, les cultivateurs de l'Écosse, les plus avancés peut-être et assurément les plus prospères de l'Europe; ainsi font depuis un siècle, vis-à-vis des banques ou banquiers, les commerçants ou les industriels de Londres et d'autres grandes cités anglaises; ainsi commencent à faire chez nous les grandes maisons de commerce et d'industrie vis-à-vis de quelques institutions récemment créées. Les clients des caisses syndicales, en ne confiant leurs comptes courants qu'à leur propre établissement, jouiront ainsi, par dessus le marché, de tous les bénéfices que cette fonction de caissière générale assure à l'établissement qui en est chargé. »

M. Horn fait remarquer que, si cette habitude du compte-courant, excellente au point de vue de l'individu et plus encore au point de vue de la circulation, n'a pu jusqu'ici prendre racine chez nous tant que des banques et des banquiers s'appliquaient à l'introduire, elle rencontrera assurément moins de difficultés, plus d'entrain même, lorsque ce rôle de caissière générale sera sollicité et rempli par un établissement sociétaire, créé, dirigé, surveillé par les intéressés. La combinaison syndicale, en assurant par là l'aspiration plus large de toutes les disponibilités momentanées et la rotation continue et fécondante des capitaux, arrive donc à réaliser d'une façon supérieure l'une des principales exigences de l'économie politique, à savoir que toute force travailleuse rencontre toujours le capital qui le féconde et que tout capital, aussitôt qu'il naît ou se dégage, trouve le travail qui l'emploie.

Ainsi, par l'intermédiaire de la Caisse syndicale, l'argent, momentanément disponible des uns, viendra satisfaire les besoins momentanés des autres, et vice versa. La caisse prêtera de même les fonds recueillis par la souscription du capital social. Elle aura encore à sa disposition, avec le temps, de nombreux dépôts venant du dehors: les parents et amis des sociétaires d'abord, puis le grand public, au lieu de porter leur argent à la caisse d'épargne, ou chez le notaire, ou de le risquer dans l'acquisition de mauvais «< titres quelconques, préféreront le confier à un établissement qui a des racines dans la localité, dans le quartier, dans leur spécialité; qui leur donne un intérêt assuré; dont ils suivent et surveillent les opérations, et où leur argent profite directement, en le fécondant, à l'agriculture, au commerce, à l'industrie de la localité, du quartier, de la spécialité. Enfin, autant que toutes ses ressources réunies ne suffiraient pas pour répondre aux demandes légitimes de crédit que les sociétaires peuvent adresser à la caisse syndicale, celle-ci a devant

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