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vient souvent, dit saint Augustin, écrivant à sa devote Florentine, que l'office de diftribuer fert de merite pour recevoir, & l'office d'enseigner de fondement pour apprendre.

Alexandre fit peindre la belle Compaspé, qui lui étoit si chere, par la main de l'unique Apelles. Apelles forcé de con fiderer longuement Compaspé, à mesure qu'il en exprimoit les traits fur le Tableau, en imprima l'amour en fon cœur, & en devint tellement passionné, qu' Alexandre l'aiant reconnu, & en aiant pitié, la lui donna en mariage, se privant pour l'amour de lui, de la plus chere amie qu'il eût au monde. En quoi, dit Pline, il montra la grandeur de son cœur, autant qu'il eût fait par une bien grande victoire. Or il m'est avis, mon Lecteur mon ami, qué tant Evêque, Dieu vent que je peigne sur les cœurs des personnes, non seulement les vertus communes, mais encore fa treschere & bien-aimée devotion. Et moi, je L'entreprens volontiers, tant pour obéir & faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ai qu'en la gravant dans l'esprit des autres, le mien à l'aventure en deviendra Saintement amoureux. Or fi jamais fa divine Majesté wi'en voit vivement epris elle me 'a donnera en mariage éternel. La belle & chuste Rebecca abbreuvant les chameaux d'Ifaac, ut dest née pour être Son épouse, recevant de sa part des pendans d'oreilles & des braffelets d'or. Amfi je me promets de l'immense bonté de mon Dieu, que conduisant ses cheres Brebis aux eaux falutaires de la Devotion, il rendra mon ame son Epouse, mettant en mes oreilles les paroles dorées de son saint amour, & en mes bras la force de les bien exercer en quoi gît l'eßence de la vraie devotion, que je fupplic fa Majesté me vouloir octroier, & à tous les enfans de fon Eglise, à laquelle je veux à jamais Soûmettre mes écrits, mes actions, mes paroles, mes volontez & mes pensées. A Annenßy, ce jour fainte Magdelaine 1609.

SPREMIERE PARTIE

DE

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L'INTRODUCTION

A LA VIE DEVOTE; CONTENANT LES AVIS & exercices requis pour conduire l'ame dès fon premier defir de la vie devote, jusques à une entiere refolution de l'embraffer.

Description de la vraie devotion,
CHAPITRE PREMIER,

OUS afpirez à la devotion,
tres - chere Philotée
qu'étant Chrêtienne vous sça-

parce

vez que c'est une vertu extrêmement agreable à la divine Majesté. Mais dautant que les petites fautes que Pon commet au commencement de quelque affaire, s'agrandiffent infiniment au progrez, & font presque irreparables à la

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fin; il faut avant toutes choses que vous scachioz que c'est que la vertu de devo tion : car d'autant qu'il n'y en a qu'une vraie, & qu'il y en a une grande quantité de faufles & vaines, fi vous ne connoiflez quelle est la vraie, vous pourriez vous tromper, & vous amuser à suivre quelque devotion impertinente & fuperftitieuse. Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faifort, à l'air & reflemblance des femmes qu'il aimoit: & chacun peint la devotion selon sa passion & fantaisie. Celui qui est adonné au jeûne, <se tiendra pour bien devot, pourveu qu'il jeûne, quoi-que son cœur soit plein de rancune; & n'ofant point tremper fa langue dedans le vin, ni même dans l'eau par fobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain, par la médisance & calomnie. Un autre s'eftimera devot, parce qu'il dit une grande multitude d'oraisons tous les jours, quoiqu'aprés cela sa langue se fonde toute en paroles fâcheuses, arrogantes & injurieuses parmi ses domestiques & voisins. L'autre tire fort volontiers l'aumône de sa bourse, pour la donner aux pauvres; mais il ne peut tirer la douceur de fon cœur,

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pour pardonner à ses ennemis : L'autre pardonnera à ses ennemis; mais tenir raison à ses creanciers, jamais qu'à vive force de Juftice. Tous ces gens-là font vulgairement tenus pour devots, & ne le sont pourtant nullement. Les gens de Saül cherchoient David en sa maifon: Michol aiant mis une statuë dans un lit, & l'aiant couverte des habillemens de David, leur fit accroire que c'étoit David même qui dormoit malade. Ainsi beaucoup de personnes se couvrent de certaines actions exterieures appartenantes à la sainte devotion : & le monde croit que ce foient gens vraiment devots & fpirituels; mais en verité ce ne sont que des statuës & des fantômes de devotion.)

La vraie & vivante devotion, ô Philothée, présuppose l'amour de Dieu; ains elle n'est autre chose qu'un vrai amour de Dieu, mais non pas toutefois un amour tel quel: car entant que l'amour divin embellit nôtre ame, il s'appelle grace, nous rendant agreables à sa divine Majesté; entant qu'il nous donne la force de bien faire, il s'appelle charité; mais quand il est parvenu jusques au degré de perfetion, auquel il ne nous fait pas seulement

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