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nent, reprefentent l'Oraifon qui impetre l'amour de Dieu, & les Sacremens, qui le conferent: les echelons ne font autre chofe que les divers degrez de charité, par lesquels l'on va de vertu en vertu, ou defcendant par l'action au fecours & fupport du prochain; ou montant par la contemplation en l'union amoureufe de Dieu. Or voiez, je vous prie, ceux qui font fur l'échelle, ce font des hommes qui ont des cœurs Angeliques, ou des Anges qui ont des corps humains. Ils ne font pas jeunes, mais ils le femblent être, parce qu'ils font pleins de vigueur & agilité fpirituelle. Ils ont des aîles pour voler, & s'élancent en Dieu par la fainte Oraifon; mais ils ont des pieds auffi pour cheminer avec les hommes par une fainte & amiable converfation; leurs vifages font beaux & gais, d'autant qu'ils reçoivent toutes chofes avec douceur & fuavité; leurs jambes, leurs bras & leurs têtes font tout à décou

vert, d'autaut que leurs penfées, leurs affections & leurs actions n'ont aucun deffein ni motif que de plaire à Dieu : le refte de leur corps eft couvert, mais d'une belle & legere robe, parce qu'ils ufent voirement de ce monde & des choses A Y

mondaines, mais d'une façon toute pure & fincere, n'en prenant que legerement ce qui eft requis pour leur condition; telles font les perfonnes devotes. Croiezmoi, chere Philothée, la devotion eft la douceur des douceurs, & la Reine des Vertus, c'est la perfection de la charité. Si la charité eft un lait, la devotion en eft la crême ; fi elle eft une plante, la devotion en eft la fleur; fi elle eft une pierre précieuse, la devotion en eft l'éclat ; fi elle eft un baume précieux, la devotion en eft l'odeur, & l'odeur de fuavité qui conforte les hommes, & réjoüit les Anges.

Que la devotion eft convenable à toutes fortes de vocations & profeffions.

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CHAPITRE III.

IEU Commanda en la Creation aux plantes de porter leurs fruits chacun felon fon genre; ainfi commande-t-il aux Chrêtiens, qui font les plantes vivantes de fon Eglife, qu'ils produifent des fruits de devotion, un chacun felon fa qualité & vocation. La devotion doit eftre differemment exercée par le Gentilhomme, par l'Artifan, par le Valet, par le

par

Prince, par la Veuve, par la Fille, par la Mariée, & non feulement cela; mais il faut accommoder la pratique de la devo tion aux forces, aux affaires,& aux devoirs de chaque particulier. Je vous prie, Philothée, feroit-il à propos que l'Evefque voulût eftre folitaire comme les Chartreux? Et fi les mariez ne vouloient rien amaffer non plus que les Capucins, l'Artifan eftoit tout le jour à l'Eglife comme le Religieux, & le Religieux toûjours expofé à toutes fortes de rencontres pour Tervice du prochain comme l'Evefque; cette devotion ne feroit-elle pas ridicule, déreglée & infupportable ? Cette faute neanmoins arrive bien fouvent ; & le monde qui ne difcerne pas, on ne veut pas difcerner entre la devotion & l'indifcretion de ceux qui penfent eftre devots, murmure & blâme la devotion, laquelle ne peut mais de ces defordres.

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Non, Philothée, la devotion ne gâte rien quand elle eft vraye, mais elle fectionne tout, & lors qu'elle fe rend con-" traire à la legitime vocation de quelqu'un,elle eft fans doute fauffe : L'abeille, dit Ariftote, tire fon miel des fleurs, fans les intereffer, les laiffant entieres & fraî

ches comme elle les a trouvées; mais la vraie devotion fait encore mieux: car nor feulement elle ne gâte nulle forte de vocations ni d'affaires, ains au contraire elle les orne & embellit. Toutes fortes de pierreries jettées dedans le miel,en deviennent plus éclatantes, chacune felon fa couleur, & chacun devient plus agreable en fa vocation la joignant à la devotion; le foin de la famille en eft rendu paifible, l'amour du mari & de la femme plus fincere, le fervice du Prince plus fidele, & toutes fortes d'occupations plus fuaves & amiables.

C'est une erreur, ains une herefie, de vouloir bannir la vie devote de la compagnie des Soldats, de la boutique des Artifans, de la Cour des Princes, du ménage des gens Mariez. Il eft vrai, Philothée, que la devotion purement contemplative, monaftique & religieufe, ne peut être exer cée en ces vacations-là : mais auffi outre ces trois fortes de devotion, il y en a y en a plufieurs autres propres à perfectionner ceux qui vivent és états feculiers. Abraham Haac, & Jacob, David, Job, Tobic, Sara Rebecca & Judith, en font foi par l'Ancien Teftament; & quant au Nouveau faint Jofeph, Lydia, & S. Crefpin, furent

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parfaitement devots en leurs boutiques Sainte Anne, Sainte Marthe, Sainte Monique, Aquila, Prifcilla, en leurs ménages: Cornelius, S. Sebaftien, S. Maurice, parmi les armes : Conftantin, Helene, S. Louis, le Bienheureux Amé, *S. Edouard, en leurs Trônes. Il est même arrivé que plufieurs ont perdu la perfection en la folitude, qui eft neanmoins fi defirable pour la perfection; & l'ont confervée parmi la multitude, qui femble fi peu favorable à la perfection. Loth, dit S. Gregoire,qui fut fi chafte en la ville, fe fouilla en la folitude: où que nous foions, nous pouvons & devons aspirer à la vie parfaite.

De la neceffité d'un conducteur, pour entrer & faire progrés en la devotion.

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CHAPITRE IV.

E jeune Tobie commande d'aller en Rages: Je ne fçai nullement le chemin, dit-il: Va donc, repliqua le pere, & cherche quelque homme qui te conduife. Je vous en dis de même, ma Philothée voulez-vous à bon cfcient vous acheminer à la devotion? cherchez quelque homme

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