Images de page
PDF
ePub

de bien qui vous guide & conduife. C'est ici l'avertissement des avertissemens : Quoi que vous cherchiez, dit le devot Avila, vous ne trouverez jamais si afleurément la volonté de Dieu, que par le chemin de cette humble obeïssance, tant recommandée & pratiquée par tous les anciens devots. La bien-heureuse mere Therese, voyant que Madame Catherine de Cordoüe faisoit de grandes penitences, defira fort de l'imiter en cela, contre l'advis de son Confesseur qui le luy defendoit, auquel elle estoit tentée de ne point obeïr pour ce regard. Et Dieu luy dit: Ma fille, tu tiens un bon & affeuré chemin, vois-tu la penitence qu'elle fait ? mais moy, je fais plus de cas de ton obeïffance: auffi elle aimoit tant cette vertu, qu'outre 'obeïffance qu'elle devoit à ses Superieurs, elle en voia une toute particuliere à un excellent homme, s'obligeant de fuivre sa direction & conduite, dont elle fut infiniment consolée, comme aprés, & devant elle plusieurs bonnes ames, qui pour se mieux assujettir à Dieu, ont foûmis leur volonté à celle de ses serviteurs: ce que sainte Catherine de Sienne loie infiniment en ses dialogués. La devote

:

Princesse sainte Elifabeth se soûmit avec une extréme obeïflance au Docteur M. Conrard; Et voici l'un des avis que le grand saint Loüis fit à son fils avant que mourir: Confesse-toi souvent, élisun Confesseur idoine, qui soit preud'homme, & qui te puiffe seurement enfeigner à faire les choses qui te sont neceffaires.

L'ami fidele, dit l'Ecriture sainte, est une forte protection: celui qui l'a trouvé a trouvé un tresor. L'ami fidele est un medicament de vie & d'immortalité; ceux qui craignent Dieu, le trouvent. Ces divines paroles regardent principalement P'immortalité, comme vous voiez, pour laquelle il faut sur toutes chofes avoir cet ami fidele, qui guide nos actions par fes avis & conseils, & par ce moien nous garentir des embûches & tromperies du malin: il nous sera comme un tresor de sapience en nos afflictions, tristesses & chûtes : il nous servira de medicament pour alleger & consoler nos cœurs és maladies spirituelles: il nous gardera du mal, & rendra nôtre bien meilleur ; & quand il nous arrivera quelque infirmité, il empêchera qu'elle ne soit pas à la mort, car il nous en relevera.

Mais qui trouvera cet ami? le Sage répond, ceux qui craignent Dieu, c'està-dire, les humbles qui defirent fort leur avancement spirituel. Puis qu'il vous importe tant, Philothée, d'aller avec une bonne guide en ce saint voiage de devotion, priez Dieu avec une grande instance, qu'il vous en fournisse d'une qui soit selon fon cœur ; & ne doutez point: car quand il devroit envoier un Ange du Ciel, comme il fit au jeune Tobie, il vous en donnera une bonne & fidele.

Or ce doit toûjours être un Ange pour vous ; c'est-à-dire, quand vous l'aurez trouvée, ne la confiderez pas comme un fimple homme, & ne vous confiez point en icelle, ni en fon sçavoir humain; mais en Dieu, lequel vous favorifera, & parlera par l'entremise de cet homme, mettant dedans le cœur & dedans la bouche d'icelui ce qui sera requis pour votre bonheur : si que vous le devez écouter comme un Ange qui descend du Ciel, pour vous y mener. Traitez avec lui à cœur ouvert, en toute fincerité & fidelité, lui manifestant clairement vôtre bien & vôtre mal, sans feintise ni diffimulation: & par ce moien vôtre bien fera examiné & plus affeuré, & vôtre mal sera corrigé & remedié; vous en serez allegée & fortifiée en vos afflictions, moderée & reglée en vos confolations: aiez en lui une extréme confiance mêlée d'une sacrée reverence, en forte que la reverence ne diminuë point la confiance, & que la confiance n'empêche point la reverence; confiez-vous en lui avec le respect d'une fille envers son pere; respectez le avec la confiance d'un fils envers sa mere. Bref, cette amitié doit être forte & douce, toute sainte, toute facrée, toute divine, & toute spirituelle.

Et pour cela, choififfez-en un entre mille, dit Avila; & moi je dis entre dix mille: car il s'en trouve moins que l'on ne sçauroit dire, qui foient capables de cet office: Il le faut plein de charité, de science & de prudence; fi l'une de ces trois parties lui manque, il y a du danger: mais je vous dis derechef, demandez-le à Dieu, & l'aiant obtenu, beniffez fa divine Majesté, demeurez ferme, & n'en cherchez point d'autres; ains allez fimplement, humblement, & confidemment, car vous ferez un tres-heureux voiage.

Qu'il faut commencer par la purgation de l'ame.

CHAPITRE V.

Es fleurs,

LES dit l'Epoux sacré, appa

roiffent en nôtre terre, le temps d'emonder & tailler est venu. Qui font les fleurs de nos cœurs, ô Philothée, finon les bons defirs? Or auffi tôt qu'ils paroiffent, il faut mettre la main à la ferpe pour retrancher de notre confcience toutes les œuvres mortes & fuperfluës. La fille étrangere pour époufer l'Israélite, devoit ôter la robe de sa captivité, rogner ses ongles, & rafer ses cheveux; & l'ame qui aspire à P'honneur d'être épouse du Fils de lieu, se doit dépoüiller du vieil homme, & fe revêtir du nouveau, quittant le peché, puis rogner & rafer toutes fortes d'empêchemens qui la détournent de l'amour de Dieu: c'est le commencement de nô tre santé, que d'être purgé de nos humeurs peccantes. Saint Paul tout en un moment fut purgé d'une purgation parfaite, comme fut aussi sainte Catherine de Gennes, sainte Magdelaine, sainte Pelagie, & quelques autres: mais cette

1

« PrécédentContinuer »