Images de page
PDF
ePub

forte de purgation eft toute miraculeufe & extraordinaire en la grace, comme la relurrection des morts en la nature, fi que nous ne devons pas y pretendre. La purgation & guerifon ordinaire, foit des corps, foit des efprits, ne fe fait que petit à petit, par progrés d'avancement en avancement, avec peine & loifir.

Les Anges ont des ailes fur l'échelle de Jacob: mais ils ne volent pas,ains montent & defcendent par ordre, d'échelon en échelon. L'ame qui remonte du peché à la devotion, eft comparée à l'Aube, laquelle s'élevant ne challe pas les tenebres en un inftant, mais petit à petit: La gueri fon, (dit l'Aphorifme,) quife fait tout bellement, eft toûjours plus affeurée: les ma ladies du cœur, auffi-bien que celles du corps, viennent à cheval & en pofte, mais elles s'en revont à pied & au petit pas. Il faut donc être courageufe & patiente, ô Philochée, en cette entreprise. Helas! quelle pitié eft-ce de ces ames, lefquelles fe voiant fujettes à plufieurs imperfections, aprés s'être exercées quelque temps en la devotion, commencent à s'inquieter, fe troubler & decourager, laiffant prefque emporter leur cœur à la tentation,de tom

quitter & retourner en arriere : mais auffi de l'autre côté, n'eft-ce pas un extréme danger aux ames, lefquelles par une tentation contraire fe font accroire d'être purgées de leurs imperfections, le premier jour de leur purgation, fe tenant pour parfaites prefque avant que d'être faites, en fe mettant au vol fans aîles? ô Philothée, qu'elles font en grand peril de recheoir, pour s'être trop tôt ôtées d'entre les mains du Medecin. Ha! ne vous levez pas avant que la lumiere foit arrivée, dit le Prophete; Levez-vous aprés que vous aurez êté affis: & lui-même pratiquant cette leçon, & aiant été déja lavé & nettoié, demande de l'être derechef.

L'exercice de la purgation de l'ame ne fe peut ni doit finir qu'avec nôtre vie; ne nous troublons donc point de nos imperfections; car nôtre perfection confifte à les combattre, & nous ne fçaurions les combattre fans les voir, ni les vaincre fans les rencontrer; nôtre victoire ne gît à ne les fentir point, mais à ne point pas leur confentir.

Mais ce n'eft pas leur confentir que d'en être incommodé ; il faut bien que pour l'exercice de nôtre humilité, nous

foions quelquefois bleffez en cette ba taille fpirituelle neanmoins nous ne fommes jamais vaincus, finon lors que nous avons perdu ou la vie, ou le courage. Or les imperfections & pechez veniels ne nous fçauroient ôter la vie fpirituelle; car elle ne fe perd que par le peché mortel. Il refte doncques feulement, qu'elles ne nous faffent point perdre le courage. Delivrez-moi, Seigneur, difoit David, de la coüardife & découragement, c'est une heureuse condition pour nous en cette guerre, que nous foions toûjours vainqueurs, pourveu que nous voulions

combattre.

De la premiere purgation qui eft celle des pechez mortels.

CHAPITRE VI.

A premiere purgation qu'il faut faire, c'eft celle du peché ; le moien de la faire, c'eft le S. Sacrement de Penitence: cherchez le plus digne Confeffeur que vous pourrez, prenez en main quelqu'un des petits Livres qui ont été faits pour aider les confciences à fe bien confeffer, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger !

lifez-les bien, & remarquez de point en point en quoi vous avez offenfe, à prendre depuis que vous eûtes l'ufage de raifon, jufques à l'heure presente. Et fi vous vous défiez de vôtre memoire, mettez en écrit ce que vous aurez remarqué : & aiant ainfi preparé & ramaffé les humeurs peccantes de vôtre conscience, deteftez-les, & les rejettez par une contrition & déplaifir auffi grand que vôtre cœur pourra fouffrir, confiderant ces quatre chofes : que par le peché vous avez perdu la grace de Dieu, quitté vôtre part de Paradis, accepté les peines eternelles de l'Enfer, & renoncé à l'amour eternel de Dieu. Vous voiez bien, Philothée, que je parle d'une confeflion generale de toute. la vie, laquelle certes je confeffe bien n'être pas toûjours abfolument neceffaire; mais je confidere bien auffi qu'elle vous fera extrémement utile en ce commencement, c'est pourquoi je vous la confeille extrémement. Il arrive souvent que les confeffions ordinaires de ceux qui vivent d'une vie commune & vulgaire, font pleines de grands défauts. Car fouvent on ne fe prepare point, ou fort peu, on n'a point la contrition re

pour

quile ains il advient maintefois que fon fe va confefler avec une vol nté racite de retourner au peché, d'autant qu'on ne veut pas éviter l'occafion du peché, ni prendre les expediens neceffaires à l'amendement de la vie : & en tous ces cas ici la confeflion generale eft requife affeurer l'ame. Mais outre cela, la confeffion generale nous appelle à la connoillance de nous-mêmes, nous provoque à une falutaire confufion pour nôtre vie paffée, nous fait admirer la mifericorde de Dieu, qui nous a attendu en patience; elle appaife nos cœurs, delaffe nos efprits, excite en nous des bons propos, donne fujet à nôtre Pere fpirituel de nous faire des avis plus convenables à nôtre condition, & nous ouvre le cœur, pour avec confiance nous bien declarer aux confeffions fuivantes.

Parlant doncques d'un renouvellement. general de nôtre cœur, & d'une converfion univerfelle de nôtre ame à Dieu, par l'entreprise de la vie devote, j'ai bien raifon, ce me femble, Philothée, de vous confeiller cette confeffion generale.

« PrécédentContinuer »