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de ce qu'ils ont mangé. L'Elephant n'eft qu'une groffe bête, mais la plus digne qui foit fur la terre, & qui a le plus de fens je vous veux dire un trait de fon honnêteté Il ne change jamais de femelle, & aime tendrement celle qu'il a choifie, avec la quelle neanmoins il ne parie que de trois ans en trois ans, & cela pour cinq jours feulement, & fi fecretement, que jamais il n'eft veu en cet acte: mais il est bien veu pourtant le fixiéme jour, auquel avant toute chose il va droit à quelque riviere, en laquelle il fe lave entierement tout le corps, fans vouloir aucunement retourner au troupeau,

qu'il ne fe foit auparavant purifié. Ne fontce pas de belles & honnêtes humeurs d'un tel animal, par lesquelles il invite les mariez à ne point demeurer engagez d'affection aux fenfualitez & voluptez que felon leur vocation ils auront exercées 2 mais icelles paffees, de s'en laver le cœur & l'affection, & de s'en purifier au plûtôt, pour par aprés avec toute liberté d'efprit pratiquer les autres actions plus pures & relevées. En cet avis confifte la parfaite pratique de l'excellente doctrine que S. Paul donne aux Corinthiens →

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Le temps eft court, dit-il, refte que ceux qui ont des femmes, foient comme n'en ayans point. Car felon faint Gregoire, celui a une femme comme n'en aiant point qui prend tellement les confolations corporelles avec elles, que pour cela il n'est point dêtourné des pretentions fpirituelles. Or ce qui fe dit du mari, s'entend reciproquement de la femme: Que ceux qui ufent du monde, dit le même Apôtre, foient comme n'en ufans point. Que tous donc ufent du monde, un chacun felon fa vocation: mais en telle forte que n'y engageant point l'affection, on foit auffi libre & prompt à fervir Dieu, comme fi l'on n'en ufoit point. C'est le grand mal de l'homme, dit faint Auguf tin, de vouloir jouir des chofes, defquelles il doit feulement ufer ; & de vouloir ufer de celles defquelles il doit feulement jouir ; nous devons jouir des chofes fpirituelles, & feulement ufer des corporelles, defquelles quand l'ufage eft converti en joüiffance, nôtre ame raifonnable eft auffi convertie en ame brutale & beftiale. Je penfe avoir tout dit ce que je voulois di re, & fait entendre fans le dire, ce que je ne voulois pas dire.

SA

Avis pour les Veuves.

CHAPITRE. XL.

AINT Paul inftruit tous les Prelats ers la perfonne de fon Thimothée, difant: Honore les veuves qui font vraiement venves. Or pour être vraiement veuve, ces chofes font requifes.

1. Que non feulement la veuve soit veuve de corps, mais auffi de cœur, c'est à dire qu'elle foit refoluë d'une refolution inviolable de fe conferver en l'état d'une chafte viduité. Car les veuves qui ne le font qu'en attendant l'occafion de fe remarier, ne font feparées des hommes que felon la volupté du corps, mais elles font déja conjointes avec eux felon la volonté du cœur. Que fi la vraie veuve, pour fe confirmer en l'état de viduité, veut offrir à Dieu en vœu fon corps & fa chafteté, elle ajoûtera un grand ornement à fa viduité, & mettra en grande affeurance fa refolution; car voiant qu'apres le vœu il n'eft plus en fon pouvoir de quitter fa chaf teté fans quitter le Paradis, elle fera fi jaloufe de fon deffein, qu'elle ne permettra pas feulement aux plus fimples pensées

de mariage d'arréter en fon cœur un feul moment, fi que ce vœu facré mettra une forte barriere entre fon ame & toute fortes de projets contraires à fa refolution. Certes, faint Auguftin confeille extrêmement ce vœu à la veuve Chrêtienne: & l'ancien & docte Origene paffe bien plus avant:car il confeille aux femmes mariées de fe voüer & destiner à la chafteté viduale, en cas que leurs maris viennent à trépaffer devant elles, afin qu'entre les plaifirs fenfuels qu'elles pourront avoir en leur mariage, elles puiffent neanmoins jouir du merite d'une chafte viduité, par le moyen de cette promeffe anticipée. Le

vœu rend les œuvres faites en fuite d'icelui plus agreables à Dieu, fortifie le courage pour les faire, & ne donne pas feulement à Dieu les œuvres, qui font comme les fruits de nôtre bonne volonté, mais lui dédie encore la volonté mefme, qui eft comme l'arbre de nos actions. Par la fimple chafteté nous prestons noftre corps à Dieu, retenans pourtant la liberté de le foûmettre d'autrefois aux plaifirs fenfuels: mais par le vœu de chafteté nous lui en faifons un don abfolu & irrevocable, fans nous referver aucun pouvoir de nous em

dédire, nous rendans ainfi heureusement efclaves de celui, la fervitude duquel eft meilleure que toute Roiauté. Or comme j'approuve infiniment les avis de ces deux grands perfonnages, auffi defirerois je que les ames, qui feront fi heureufes que de les vouloir emploier, le faffent prudemment, faintement, & folidement aiant bien examiné leurs courages, invoqué l'inspiration celefte, & pris le confeil de quelque fage & devot directeur car ainfi tout fe fera plus fructueufement.

2. Outre cela, il faut que ce renoncement de fecondes nopces fe faffe purement & fimplement, pour avec plus de pureté contourner toutes les affections en Dieu, & joindre de toutes parts fon cœur avec celui de fa divine Majefté: Car fi le defir de laiffer les enfans riches, ou quelqu'autre forte de prétention mondaine, arrête la veuve en viduité, elle en aura peut- être de la loüange, mais non pas certes devant Dieu, puifque devant Dieu rien ne peut avoir une veritable loüange, que ce qui eft fait pour Dieu.

3. Il faut de plus que la veuve, pour être vraiement veuve, foit feparée & volontairement deftituée des contentemens pro

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