de fa mort. Et certes fi le bon vieillard Simeon avoit long-tems auparavant prédit cette forte de mort à Nôtre-Dame quand tenant fon enfant en fes bras il lui dit, Tuam ipfius animam per tranf. glad. Ton ame fera tranfpercée par le glaive, le glaive tranfpercera ton ame. Car, confiderons ces paroles: Il ne dit pas, leglaive tranfpercera ton corps; mais il dit, ton ame. Quelle ame? la tienne même, dit le Prophete. L'ame donc de Nôtre-Dame devoit être tranfpercée; mais par quelle épée par quel coûteau ? le Prophete ne le dit pas; neanmoins puifqu'il s'agit de l'ame, & non pas du corps; de l'efprit, & non pas de la chair; il ne faut pas l'entendre d'un glaive materiel & corporel, ains d'un glaive fpirituel, & qui puiffe atteindre l'ame & l'efprit. Or je trouve trois glaives qui peuvent porter leurs coups en Pame.Premierement, le glaive de la parole de Dieu, lequel, comme parle l'Apoftre eft plus penetrant qu'une épée à deux tail lans. Secondement, le glaive de douleur, duquel l'Eglife entend les paroles de faint Simeon,Tuam(dit-elle) ipfius animam do+ boris gladius pertranfivit,cujus anim.marentem,contriftantem & delentem pertranf gladius.Troifiémement, le glaive d'amour, duquel Nôtre Seigneur parle, Non veni mittere pacem, fed gladium, Je ne fuis pas venu mettre la paix, mais le glaive, qui eft le même que quand il dit, Ignem veni mittere, Je fuis venu mettre le feu ; & au Cantique des Cantiques, l'Epoux eftime que l'amour foit une épée par laquelle il a efté bleffé, difant: Tu as bleffe mon cœur, ma fœur, mon époufe. De ces trois glaives fut percée l'ame de Nôtre-Dame en la mort de fon Fils, & principalement du dernier qui comprend les deux autres. Quand on donne quelque grand & puif fant coup fur une chofe, tout ce qui la touche de plus prés en eft participant, & en reçoit le contre-coup. Le corps de Nôtre-Dame n'êtoit pas joint & ne tou choit pas à celui de fon Fils en fa Paffion; mais quant à fon ame, elle êtoit infeparablement unie à l'ame, au cœur, au corps de fon Fils: fi que les coups que le beni corps du Sauveur recût en fa croix ne firent aucune bleffure au corps de NôtreDame, mais ils firent de grands contrecoups en fon ame, dont il fut verifié ce que Simeon avoit prédit. L'amour a accoûtumé de faire recevoir ་ les contre coups des afflictions de ceux que Fon cherit: Quis infirmatur,& ego non infirmor qui eft malade, que je ne le fois?qui reçoit un coup de douleur, que je n'en reçoive le contre-coup, dit le faint Apôtre ? & neanmoins l'ame de faint Paul ne touchoit de fi prés au refte des fideles, comme l'ame de Notre-Dame touchoit & attouchoit de fort prés & de fi prés, que rien plus, à Nôtre Seigneur, à fon ame & à fon corps, duquel elle êtoit la fource, la racine,la mere. Ce n'eft donc pas merveille fi je dis que les douleurs du Fils furent les épées qui tranfpercerent l'ame de la Mere. Difons un peu plus clairement : une fléche dardée rudement contre une perfonne, aiant outrepercé fon corps, percera encore celui qui fe trouvera tout touchant & joint à lui. L'ame de Nôtre-Dame étoit jointe en parfaite union à la perfoune de fon Fils, elle étoit collée fur elle; Anima Jonata conglutinata eft ad animam David dit l'Ecriture, 1. Reg. 18. l'ame de Jonatas fut liée ou collée à celle de David, tant leur amitié étoit étroite. Partant les épines, lés cloux, la lance, qui percerent la tête, les mains, les pieds, le côté de Nôtre Seigneur, pafferent encore outre, & tranf percerent l'ame de la Mere. Lors je puis bien dire avec verité, ô Sainte Vierge, que vôtre ame fut tranfpercée de l'amour de douleur & de l'amour de vôtre Fils. Car quant à fon amour, ô comme il vous bleffa lorfque vous voyiez mourir un Fils qui vous aimoit tant, & que vous adoriez tant: quant à fa douleur, comme elle vous toucha vivement, toucha fi mortellement tout vôtre plaifir, vôtre joie, vôtre confolation. Et quant à fes paroles fi douces & fr aigres tout enfemble, helas!ce vous furent autant de vents & d'orages pour enflammer vôtre amour & vos douleurs, & pour agiter le navire de vôtre cœur, prefque brifé en la tempête d'une mer tant amere. L'amour fut l'archer; car fans lui la douleur n'eut pas affez de mouvement pour atteindre votre ame? la douleur fut l'arc qui lançoit les paroles in terieures & exterieures comme autant de dards qui n'avoient autre but que vôtre cœur. Helas !comme fut-il poffible que des fagettes tant amoureufes fuffent douleureuses? Ainfi les aiguillons emmiellez des abeilles font extrême douleur à ceux qui en font piquez; & femble que la douceur du miel anime la douleur de la pointe. C'eft la verité ( ô Peuple ) plus les paroles de Nôtre Seigneur furent douces, plus furent-elles cuifantes à la Vierge fa mere, & le feroient à nous fi nous ai mions fon Fils. Quelles plus douces paroles que celles qu'il dit à fa Mere & à Saint Jean: paroles témoins affeurez de la conftance de fon amour, de fon foin, de fon affection à cette fainte Dame; & neanmoins ce furent des paroles,qui fans doute lui furent extremement douloureuses. Rien ne nous fait tant reffentir la douleur d'un ami, que les affurances de fon amour. Mais revenons à nous, je vous prie, ce fut donc lorfque l'ame de Noftre-Dame fut tranfpercée du glaive. Et quoi, me dites-vous, mourut-elle alors? J'ai déja dit que quelques uns qui l'ont ainfi voulu dire ont fort erré, & que l'Ecriture témoigne qu'elle êtoit encore vivante au jour de la Pentecôte, & qu'elle perfevera avec les Apôtres aux exercices de l'Oraifon & Communion; & de plus, que la tradition eft, qu'elle a vécu plufieurs années depuis. Mais oïez, je vous fupplic: n'arrive-t-il pas fouvent qu'une biche est bleffée par le Veneur •& neanmoi ns; que elle s'échappe avec fon coup & fa plaie, |