SERMON PRONONCE A S. JEAN DE PARIS,. LE JOUR DE L'ASSOMPTION, l'an M. DC. II. Que eft ifta que afcendit de deferto, deliciis affluens, innixa fuper dilectum fuum? Qui eft celle-ci qui monte du defert', abondante en delices, appuiée sur fon Bien-aimé ? 'ARCHE de l'alliance avoit longuement efté fous les L tentes & pavillons, quand enfin le grand Roi Salomon la fit colloquer dans le ri che & magnifique Temple qu'il lui avoit preparé. Et lors la réjouiffance fut fi grande en Jerufalem que le fang des Sacrifices ruiffeloit par les rues, l'air étoit couvert de nuages de tant d'encenfemens & fuffumigations, & les maisons & places retentifloient de Cantiques & Pleaumes, que l'on chantoit par tout en mufique & fur les inftrumens harmonieux. Mais, mon Dieu, fi la reception de cette ancienne Arche fut fi folemnelle, quelle devons nous penser avoir efté celle de la nouvelle Arche? je dis de la tresglorieufe Vierge, Mere du Fils de Dieu, au jour de fon Affomption. O joie incomprehenfible! ô Feste pleine de merveilles ! & qui fait que les ames devotes, les vraie filles de Sion s'écrient par admiration, Qua eft ifta qua afcendit? Qui eft celle-ci laquelle monte du defert ? Et pour vrai ces points font admirables; La Mere de la vie eft morte, la Morte eft. refufcitée, & montée au lieu de la vie : ceux-ci font pleins de confolation, c'est qu'elle eft montée pour l'honneur de fon Fils, & pour exciter en nous une grande devotion. C'eft prefque le fujet que j'ai à traiter devant vous, ô Peuple, mais que je ne puis bien traiter, fi je n'obtient l'af Da Ieu mit au Ciel deux luminaires au commencement, l'un defquels fur appellé par excellence le grand luminaire, & l'autre fut nommé le moindre : le grand pour éclairer & prefider au jour, & le moindre pour éclairer & prefider à la nuit. Car encore que nôtre Createur voulût qu'il y eût viciffitude de jour & de nuit, & que les tenebres fuccedaffent à la lumiere ; fi eft-ce qu'eftant lumiere lui-même, il ne voulut pas que les tenebres & la nuit demeuraffent du tout privées de lumiere: donc ayant créé le grand luminaire pour le jour, il en crea un moindre pour la nuit, afin que l'obfcurité des tenebres fût encore mêlée & attrempé par le moien de la clarté. Ce même Dieu, avec fa fainte providence voulant créer le monde fpirituel de fon Eglife, y a mis comme en un divin firmament deux grands luminaires, mais l'un plus grand, l'autre moindre. Le plus grand c'eft fon Fils JESUS-CHRIST, nôtre Sauveur & Maiftre, abifme de lumiere, fource de fplendeur, vrai Soleil de Juftice: le moindre, c'eft la tres-fainte Mere de ce grand Fils, Mere toute gorieufe, toute réplendiffante, & vraiement plus belle que la Lune. Or ce grand luminaire venant ici-bas en terre, le Fils de Dieu prenant nôtre nature humainet comme le vrai Soleil qui vient fur nôtre: hemifphere, fit la lumiere & le jour; jour bienheureux & tant defiré, qui dura trente-trois ans environ, pendant lefquels il éclaira la terre de l'Eglife par les raions de fès miracles, exemples, predications, &faintes paroles. Mais enfin quand l'heure fut venue, en laquelle ce precieux Soleil devoit fe coucher, & porter fes raions à l'autre hemifphere de l'Eglife, qui eft le Ciel & la Troupe Angelique, que pouvoit-on attendre finon les obfcurités d'une nuit tenebreufe? La nuit auffi árriva tout auffi-tôt, & fucceda au jour. Car tant d'afflictions & perfecutions qui furvinrent aux Apôtres, qu'étoit-ce qu'une nuit? Mais cette nuit eut encore fon luminaire qui l'éclaira, afin que fes tenebres fuffent plus tolerables:car la bienheureuse Vierge demeura en terre parmi les Difciples & Fideles, de quoi nous ne pouvons aucunement douter, puifque S. Luc au 2. chapitre des Actes & au 1. temoigne |