Images de page
PDF
ePub

:

fondé il suffit de savoir que l'un des motifs est que ce maréchal est accusé de haute trahison.

» Aux termes de la chartre, c'est à vous qu'il appartient de juger ces sortes de crimes. Il n'est pas nécessaire, pour exercer cette haute juridiction, que la chambre soit organisée comme un tribunal ordinaire. Les formes que vous suivez dans les propositions de lois, et pour juger en quelque sorte celles qui vous sont présentées, sont sans doute assez solennelles et assez rassurantes pour juger un homme, quelle qu'ait été sa dignité, quel que soit son grade.

>>> La chambre est donc suffisamment constituée pour juger le crime de haute trahison dont le maréchal Ney est depuis si foug-temps accusé.

» Personne ne pent vouloir que le jugement soit retardé par le motif qu'il n'existe pas auprès de la chambre des pairs un magistrat qui exerce l'office de procureur-général. La chartre n'en a pas établi; elle n'a pas voulu en établir; peut-être ne l'a-t-elle pas dû. Pour certains crimes de haute trahison, l'accusateur s'élèvera de la chambre des députés; pour d'autres, c'est le gouvernement lui-même qui doit l'être. Les ministres sont les organes naturels de l'accusation, et nous croyons bien plutôt remplir un devoir qu'exercer un droit en nous acquittant devant vous du ministère public.

» Ce n'est pas seulement, Messieurs, au nom du Ror que nous remplissons cet office; c'est au nom de la France, depuis long-temps indignée, et maintenant stupéfaite; c'est même au nom de l'Europe que nous venons vous conjurer et vous requérir à la fois de juger le maréchal Ney. Il est inutile, Messieurs, de suivre la méthode des magistrats, qui accusent en énumérant avec détail toutes les charges qui s'élèvent contre l'accusé; elles jaillissent de la procédure qui sera mise sous vos yeux. Cette procédure subsiste dans son intégrité, malgré l'incompétence, et à cause même de l'incompétence prononcée. La lecture des pièces que nous faisons déposer dans vos bureaux vous fera connoître les charges. Il n'est donc pas besoin de définir les différens crimes dont le maréchal Ney est accusé; ils se confondent tous dans les mots tracés par cette chartre, qui, après l'ébranlement de la société en France, en est devenue la base la plús sûre. Nous accusous devant vous le maréchal Ney de haute trahison et d'attentat contre la sûreté de l'Etat.

» Nous osons dire que la chambre des pairs doit au monde une éclatante réparation : elle doit être prompte, car il im porte de retenir l'indignation qui de toutes parts se soulève. Vous ne souffrirez pas qu'une plus longue impunité engen— dre de nouveaux fléaux, plus grands peut-être que ceux auxquels nous essayons d'échapper. Les ministres du Ro sont obligés de vous dire que cette décision du conseil de guerre devient un triomphe pour les factieux. Il importe que leur joie soit courte, pour qu'elle ne leur soit pas funeste. Nous vous conjurons donc, et, au nom du Roi, nous yous requérons de procéder immédiatement au jugement du maréchal Ney, en suivant pour cette procédure les formes que vous observez pour la délibération des lois, sauf les modifications portées par l'ordonnance de S. M., dont il va vous être donné lecture.

» D'après cette ordonnance, vos fonctions judiciaires commencent dès cet instant. Vous vous devez à vous-mêmes, Messieurs, de ne faire entendre aucun discours qui puisse découvrir votre sentiment pour ou contre l'accusé. Il comparoîtra devant vous aux jour et heure que la chambre fixera ».

Le procureur-général commissaire du Roi donne ensuite lecture à la chambre, 1°. du jugement par lequel le conseil de guerre permanent de la 1. division militaire s'est déclaré incompétent pour juger le maréchal Ney; 2°. de l'ordonnance du Roi dont les motifs viennent d'être exposés.

Après avoir entendu cette lecture, l'assemblée, sur la proposition d'un de ses membres, déclare qu'elle reçoit avec respect la communication qui vient de lui être faite au nom du Ror par les ministres de S. M.; qu'elle reconnoît les attributions qui lui ont été données par l'art. 33 de la chartre constitutionnelle, et qu'elle est prête à remplir ses devoirs en se conformant à l'ordonnance du Roi.

Elle s'ajourne à lundi onze heures pour prendre connoissance des pièces de la procédure instruite contre le maréchal Ney.

Le 13 novembre, à onze heures, la séance s'est ouverte ; tous les ministres du Roi s'y trouvoient.

M. le duc de Richelieu, président du conseil des ministres, donne connoissance à la chambre d'une ordonnance du Roi, en date d'hier, qui règle définitivement les formes à suivre

dans l'instruction et le jugement de l'affaire du maréchal Ney. En voici la teneur :

Louis, par la grâce de Dieu, etc.

Par notre ordonnance du 11 de ce mois, nous avons déterminé que la chambre des pairs, dans l'exercice des fonctions judiciaires qui lui sont attribuées, conserveroit son organisation habituelle, et nous avons déjà prescrit les principales formes de l'instruction et du jugement.

Voulant donner à notre dite ordonnance le développement nécessaire;

Voulant aussi donner au débat qui doit précéder le jugement la publicité prescrite par l'article 64 de la chartre constitutionnelle;

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

Art. r. La procédure sera instruite sur le réquisitoire de notre procureur près de la cour royale de Paris, l'un des commissaires délégués par notre ordonnance susdite.

12. Les témoins seront entendus et le prévenu sera interrogé par notre chancelier, président de la chambre des pairs, ou par celui des pairs qu'il aura commis. Procès-verbal sera dressé de tous les actes d'instruction dans les formes établies par le Code d'instruction criminelle.

3. Les fonctions attribuées par la loi aux greffiers des cours et tribunaux dans les affaires criminelles seront exercées par le secrétaire-archiviste de la chambre des pairs, lequel pourra s'adjoindre un commis assermenté.

4. L'instruction étant terminée sera communiquée à nos commissaires, qui dresseront l'acte d'accusation.

5. Cet acte d'accusation sera présenté à la chambre des pairs, qui décernera, s'il y a lieu, l'ordonnance de prise de corps, et fixera le jour de l'ouverture des débats.

6. L'acte d'accusation, l'ordonnance de prise de corps et la liste des témoins seront notifiées à l'accusé par un huissier de la chambre des pairs. Il lui sera également donné copie de la procédure.

7. Les débats seront publics. Au jour fixé par la chambre des pairs, l'accusé paroîtra, assisté de son conseil. L'un de nos commissaires remplira les fonctions du ministère public. 8. Il sera procédé à l'audition des témoins, à l'examen, au débat, à l'arrêt et à l'exécution dudit arrêt, suivant les formes prescrites pour les cours spéciales par le Code d'instruction criminelle; néanmoins sí la chambre des pairs le

décide, l'arrêt sera prononcé hors la présence de l'accusé, mais publiquement et en présence de ses conseils. En ce cas, il lui sera lu et notifié, à la requête du ministère public par le greffier, qui en dressera procès-verbal.

Donné au château des Tuileries, le 12 novembre 1815. Signé, LOUIS.

Par le Roi:

Le ministre secrétaire d'Etat au département des affaires étrangères, président du conseil des ministres. Signé, le duc DE RICHELIEU. La chambre arrête l'insertion de cette ordonnance au prccès-verbal, et le dépôt aux archives.

M. Bellart, procureur du Roi et commissaire de S. M. pour la poursuite de cette affaire, donne lecture de son réquisitoire, contenant addition de plainte, et le dépose sur le bureau.

La chambre faisant droit sur ce réquisitoire, donne acte au procureur-général, 1o. de son contenu comme addition à la plainte déjà portée devant la chambre, le 11 de ce mois; 2o. du dépôt qu'il a fait de 199 pièces pour servir de renseignemens au procès.

Elle ordonne pareillement que dans le jour M. le chancelier, président de la chambre, aux termes de l'ordonnance du Roi ci-dessus rapportée, se commettroit lui-même ou délégueroit un de MM. les pairs pour procéder sans délai, soit à l'audition, par écrit, des témoins, soit à l'interrogatoire du maréchal Ney.

La chambre a adopté, dans la même séance, la loi sur la formation des compagnies départementales.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Le 13, la chambre a décidé, en comité secret, qu'on renverroit dans les bureaux ; et qu'on discuteroit en même temps trois propositions analogues faites par MM. Duplessis-Grénédan, de la Bourdonnaye et de Germiny. On sait que celle de M. de la Bourdonnaye est relative à un acte d'amnistie, sauf quelques exceptions.

La chambre a renouvelé ses bureaux.

Mercredi, M. de Bonald lira, en séance publique, son rapport sur la proposition de M. Hyde de Neuville.

(Samedi 18 novembre 1815.)

(No. 133.)

[ocr errors]

AU RÉDACTeur.

MONSIEUR, j'entends souvent, et vous devez entendre aussi, former des plaintes sur tout ce qui se fait. Ne vous semble-t-il pas qu'il y a des gens qui out fait le serment de ne rien approuver, et de gémir de tout? Sans doute, tout ce que nous voyons n'est pas également rassurant. Nous avons de grandes plaies à fermer, et de grands maux à prévenir. Mais pourquoi désespérer du succès? Pourquoi ces plaintes éternelles qui suffiroient peut-être seules pour empêcher le bien? Pourquoi cette censure assidue, ces inquiétudes exagérées? Si quelque chose peut nous sauver, c'est l'union, la confiance, le concours de toutes les volontés. Le blâme, les alarmes répétées, les murmures sont ce qu'il y a de plus opposé à nos intérêts. Quelle force aura le gouvernement, si toutes ses démarches sont l'objet d'une critique minutieuse, et si ceux mênres qui ont les meilleures intentions sément les alarmes et la défiance? Rien n'entrave plus la marche de l'autorité que cet esprit de contradiction et de dénigrement. Il arrête l'effet des plus sages mesures, il déconcerte les dépositaires du pouvoir, il attiédit le zèle, il divise quand il faudroit réunir, il effraie quand il faudroit rassurer. Au lieu d'improuver si amèrement ce qui ne s'accorde pas avec nos vues particulières, au lieu de compter avec tant de soin toutes les fautes qui se commettent ou ce que nous regardons comnie tel, ne devrions-nous pas tenir compte de ce qui s'est fait de bien? Il y a des choses affliTome VI. L'Ami de la Religion et du Rot.

B

« PrécédentContinuer »