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Ainsi la trahison et la lâcheté ne seroient plus des crimes, la fidélité cesseroit d'être un devoir, au moment même où l'occasion de le remplir se présenteroit. Ce devoir ne seroit qu'une chimère, la stabilité des empires n'auroit plus d'appui. Nous venons vous proposer de comprendre dans la loi d'amnistie ce qui a suivi le 23 mars, et non pas le justifier.

Troisièmement enfin, nous avons dû prévoir que différens motifs, qu'il seroit quelquefois indiscret de pénétrer, pourroient empêcher de poursuivre quelques-uns de ceux qui se trouvent compris dans les classes d'exception que nous vous proposons.

Ainsi, dans notre plan, les poursuites à faire seront presque toujours subordonnées à la souveraine sagesse de S. M. Nous ne remettrons pas le Roi dans la nécessité de punir plus qu'il ne veut.

En un mot, les listes ont paru susceptibles d'être révisées sous deux rapports..

Il y a des noms qu'il n'étoit peut-être pas nécessaire d'y placer; on en a omís que la justice réclame. Il peut être nécessaire de laisser ces points au Roi seul, parce que lui seul peut connoître tout ce qui appartient à cette grande mesure de sûreté publique.

Nous avons déterminé des crimes clairement caractérisés, et nous avons fixé la prescription à un délai très-court, afin que le danger de nouvelles recherches n'inquiete pas trop de personnes, et pendant trop long-temps.

est

Une demande, qui vous est parvenue de toutes parts, celle de soumettre à une indemnité pécuniaire ceux qui se ront reconnus pour les principaux auteurs de la rebellion qui a causé tant de maux à la France. C'est pour satisfaire à ce vœu général que, nous vous proposons l'article 5 du nouveau projet.

L'article qui concerne la famille Buonaparte présente une de ces mesures dont tout le monde doit reconnoître la nécessité. Nous proposons seulement une rédaction qui a paru plus précise, et une transposition de l'article.

Votre commission a cru indispensable d'étendre cette mesure à une autre classe d'hommes que leur conduite, dans les derniers troubles, doit séparer éternellement du peuple françois.

Vous prévoyez que nous vous parlons de ces hommes qui, après s'être rendus coupables du plus grand des crimes, ont

proclamé eux-mêmes leur furieuse persévérance, qui ont osé proscrire celui qui leur avoit pardonné, et dont l'ingratitude est proportionnée à l'immense bienfait de l'oubli dont ils avoient été couverts.

Ici vous êtes placés entre la nation qui demande justice, et le prince qui ne veut se rappeler que son premier pardon, quoiqu'il ait été méconnu avec tant d'indignité.

La commission est bien loin de vouloir s'écarter du prbfond respect dû au Roi, en vous proposant de rétracter l'oubli du passé qu'il prononça une fois.

Si le premier crime pouvoit être puni, ce ne seroit pas simple éloignement du sol françois dont nous viendrions vous parler.

Quelque énorme que puisse être le second crime, nous ne proposons pas de lui infliger la peine qui lui seroit due; mais les hommes qui se sont souillés de l'un et de l'autre, se sont mis désormais en état d'hostilité constante contre le gouvernement légitime. Ils ont prononcé eux-mêmes que leur existence en France étoit incompatible avec l'autorité du Roi.

C'est comme dangereux, et personne ne peut l'être plus qu'eux, qu'ils doivent être obligés de quitter la France, où ils ne peuvent rester sans se lier personnellement à tous les projets sinistres. En un mot, nous demandons qu'ils soient traités comme la famille de l'usurpateur.

Que ceux qui n'approuveroient pas cette mesure nous disent s'ils trouvent des motifs moins paissans pour les uns que pour les autres.

Nous nous sommes acquittés de la tâche dont vous nous aviez chargés, et vous êtes en état de juger toutes les difficultés qui se sont présentées. Nous avons eu à remplir à la fois et à concilier toutes les obligations que nos fonctions nous imposent, et il n'en fut jamais de plus difficile. Le sentiment de notre devoir pouvoit seul nous soutenir. Si notre zèle nous avoit égarés, nous sérions doublement à plaindre.

Nous vous proposons d'adopter le projet de loi avec les amendemens que la majorité de la commission a accueillis..

Projet de loi.

"Art. rer. Amnistie pleine et entière est accordée à tous ceux qui, directement ou indirectement, ont pris part à la rebellion et à l'usurpation de Napoléon Buonaparte, sauf les exceptions ci-après:

2. L'ordonnance du 24 juillet continuera d'être exécutée à l'égard des individus compris dans l'article 1er, de cette ordonnance.

3. Le Roi pourra, dans l'espace de deux mois, à dater de la promulgation de la présente loi, éloigner de la France tous les individus compris sur la deuxième liste de l'ordonnance sus-mentionnée, qui n'auront pas été traduits devant les tribunaux, et les priver de tous biens, titres et pensions à eux concédés à titre gratuit.

Ils ne pourront rentrer en France sans l'autorisation expresse du Ror; le tout sous peine de déportation (1).

4. Sont exceptés de l'amnistie, comme principaux auteurs et instigateurs de la révolte:

10. Ceux qui ont été complices du retour de l'usurpateur en France, en correspondant avec lui et ses agens à l'île d'Elbe pour lui en faciliter les moyens;

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2o. Les individus qui, avant le 23 mars, ont accepté de l'usurpateur les fonctions de ministres ou de conseillers d'Etat;

3o. Les préfets, nommés par le Roi, qui ont reconnu l'usurpateur avant le 23 mars;

40. Les maréchaux et généraux commandant une division, ou sousdivision militaire, qui se sont déclarés pour l'usurpateur avant son entrée à Paris ;

5°. Les généraux en chef qui ont dirigé leurs forces contre les armées royales.

Conformément à l'article 4 de l'ordonnance du 24 juillet, ces individus ne pourront être poursuivis que par-devant les tribunaux, et suivant les formes constitutionnelles.

Néanmoins la prescription de dix années, déterminée par l'article 631 du Code d'instruction criminelle, est réduite à trois mois à leur égard.

5. Dans les poursuites qui pourront avoir lieu en vertu des articles précédens, le trésor public se portera, par ses agens, partie civile pour requérir contre les accusés, s'ils sont jugés coupables, l'indemnité des préjudices causés à l'Etat.

Le produit de ces condamnations prononcées sera appliqué au paiement des contributions extraordinaires de guerre.

6. Ne sont point compris dans la présente amnistie les crimes ou délits contre les particuliers, à quelque époque qu'ils aient été commis: les personnes qui s'en seroient rendues coupables pourront être poursuivies conformément aux lois.

7. 10. Les ascendans, enfans et descendans de Napoléon Buonaparte, ses oncles et ses tantes, ses neveux et ses nièces, ses frères, leurs femmes et leurs descendans, ses sœurs et leurs maris, sont exclus du royaume à perpétuité; ils sont tenus d'en sortir dans le délai · d'un mois, sous la peine portée par l'article 91 du Code pénal (2).

Ils ne pourront y jouir d'aucun droit civil, y posséder aucuns biens, titres, rentes, pensions à eux concédés à titre gratuit; et ils seront

(1) Cet article et les deux suivans sont proposés par la commission comme addition au projet primitif. Elle a également changé la rédac-, tion du commencement de l'article 7, et a ajouté le second paragraphe qui le termine.

(2) Cet article prononce la peine de mort.

tenus de vendre, dans le délai de six mois, les biens de toute nature qu'ils posséderoient à titre onéreux.

2o. Ceux des régicides (au moment où M. le rapporteur a lu cet article, un grand silence s'est fait dans la salle) qui, au mépris d'une clémence presque sans bornes, ont voté pour l'acte additionnel, ou accepté des fonctions ou emplois de l'usurpateur, et qui, par-là, se sont déclarés ennemis irréconciliables de la France et du gouvernement légitime, sont exclus, à perpétuité, du royaume, et sont tenus d'en sortir dans le délai d'un mois, sous la peine portée par l'art. 33 du Code pénál (1). Ils ne pourront y jouir d'aucuns droits civils, ni posséder aucuns biens, titres ni pensions à eux concédés à titre gratuit.

L'ouverture de la discussion, pour laquelle une centaine d'orateurs s'est fait inscrire, est fixée au mardi 2 janvier. La séance a été terminée par un rapport de la commission des pétitions sur des objets très-insignifians, et par un scrutin pour procéder au remplacement de M. Despalières, secrétaire-rédacteur, M. Couchery a obtenu 244 suffrages sur 280, et a été proclamé.

Dans le comité secret du 28, on a entendu plusieurs orateurs sur la proposition de M. de la Rochefoucauld. L'assemblée a adopté le projet de la commission à une unanimité entière. Il y aura, le 21 janvier, deuil général et service solennel dans toutes les églises, et il sera élevé sur une place de la capitale une statue à Louis XVI.

Proposition faite à la chambre des députés, dans la séance du 22 décembre 1815, par M. le comte de Blangy, député du département de l'Eure, imprimée par ordre de la chambre.

Messieurs, appelé à cette tribune par la voix de ma couscience, at, j'ose le dire, de mon devoir, je viens vous, rappeler la proposition que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. Ne doutant nullement des intentions pieuses et paternelles de S. M., connoissant les sentimens qui vous animent, je suis plus enhardi à solliciter votre justice en faveur de ces hommes souffrans, revêtus du caractère auguste et sacré de ministres des autels. C'est pour eux, c'est pour ces vénérables desservans de nos églises de campagne, que j'eleve ma voix; depuis long-temps dépouillés, tristes et silencieux, la Providence sembloit leur faire pren dre patience, jusqu'au moment heureux où le Roi très-chrétien, légitime héritier de saint Louis, reviendroit offrir à nos yeux l'image de toutes les vertus; jusqu'au moment où les destinées de la France se roient confices, conjointement avec le Roi, à des hommes animés du désir du bien, et jaloux de la gloire de leur pairie. C'est vous, Messieurs, qui êtes appelés à réparer les torts des premières assemblées françoises; c'est à vous qu'appartient la gloire d'agir et pour Dieu et pour le Ro1... Mais jetons un voile épais sur ce que le passé nous offre, ne nous en

(1) Cet article prononce la déportationgo Jana

ressouvenons que pour éviter de tomber dans les mêmes fautes, dans lesquelles nous entraîneroit l'oubli des vrais principes. En effet, plus les temps malheureux s'éloignent, plus nous pouvons juger avec calme, et avouer qu'il n'y a que la vérité seule qui peut contribuer à notre bonheur ici bas.

Lorsque le clergé fut dépouillé de ce qui lui appartenoit, lorsque l'envie de tout détruire, et surtout de saper l'édifice de notre monar¬ chie dans ses véritables fondemens, fut résolue, les premières assemblées ne purent s'empêcher de reconnoître que la religion catholique, apostolique et romaine étoit et devoit être la religion de l'Etat, alors elles fixèrent aux ministres de cette religion un traitement, sinon proportionné à ce qu'elles venoient de leur enlever, au moins nécessaire pour les mettre au-dessus du besoin, et surtout de la pitié de leurs paroissiens. Si ce traitement, pour beaucoup d'entr'eux, ne pouvoit suffire à leur existence et au soulagement des pauvres, au moins pouvoit-il encore leur permettre quelque sacrifice; mais actuellement, Messieurs, j'ose vous interroger; que peuvent les curés de nos campagnes? combien leur sort n'est-il pas à plaindre de voir le malheureux sans être en état de le secourir! Ceux auxquels est confiée l'enfance de nos villages, qui consacrent leur vie à consoler le pauvre, à le rendre vertueux, ne méritent-ils pas votre principale attention? Par respect pour la religion, dont ils sont les ministres, vous êtes forcés d'adoucir leur sort; par reconnoissance pour le bien qu'ils font ;› vous leur de

vez une main secourable!

La proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre, Messieurs, vous indique assez que ce n'est pas pour le moment présent, que je sol, licite de l'assemblée, l'amélioration du sort des ecclésiastiques; les finances de l'Etat, notre situation, nous réduisent malheureusement à n'émettre qu'un you, d'accord, vous le savez, avec cèlui si parfaitement exprimé dans les adresses déposées aux pieds du trône, et partagé, sans nul doute, par S. M.

Mais il est digne de cette assemblée, Messieurs, d'élever sa voix, pour demander au plus vertueux des monarques, d'entendre celle d'une partie de ses enfans. Ils ont gardé le silence, il n'en est que plus éloquent: mais nous, nous ne pouvons nous taire, et le devoir de réparer des torts parle à nos cœurs et à nos consciences. Unis par les mêmes sentimens, unis par le même désir, portons aux pieds du fils de saint Louis ce que sa royale bonté a sûrement déjà regretté de n'avoir pu exécuter; rendons-le dépositaire de notre vœu le plus cher, qui est de rendre à la religion sainte, que nous professons, l'hommage que nous lui devons dans la personne de ses ministres.

Cherchons à effacer les torts de tout ce qui nous a précédé; parlons franchement de nos devoirs, et ne craignons pas d'avouer ce que nous voulons chercher à inculquer à nos enfans, aussitôt qu'ils peuvent nous entendre.

Je ne me permets ici, Messieurs, qué de former ce vœu qui, j'en suis certain, est vivement partagé par vous; je n'entre dans aucuns dé tails, abandonnons-les au vertueux monarque que la Providence nous a si heureusement rendu. Mais il me semble que le clergé, dépouillé en entier au commencement de notre révolution, par une assemblée fran

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