Images de page
PDF
ePub

ne les voyons pas partir saus de vifs regrets, et sans une juste reconnoissance.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Le 6 janvier, LL. AA. RR. MADAME, duchesse d'Angoulême, MONSIEUR, Mr. le duc de Berry, et LL. AA. SS. Mme, la duchesse d'Orléans, douairière, Mine, la duchesse de Bourbon, et M. le prince de Condé, ont diné avec S. M. On a tiré le gâteau des rois. Le sort a fait roi M. le prince de Condé, qui a choisi MADAME pour reine. Aussitôt S. M. s'est levée, et, avec cette grâce qui l'accompagne partout, elle a porté la santé du roi et de la reine.

[ocr errors]

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

La séance du 6 avoit été indiquée pour délibérer sur le projet d'amnistie. La chambre n'en avoit pas encore eu qui fussent aussi intéressantes et aussi animées. Les députés s'étoient réunis à onze heures, et M. Corbière, rapporteur de la commission, alloit prendre la parole, lorsque l'on a fait observer que beaucoup de membrés étoient absens, et que la séance n'avoit été annoncée que pour midi. En conséquence, l'assemblée s'est décidée à suspendre quelque temps. A midi et demi, M. de Corbière est monté à la tribune. Vous n'attendez pas de moi, a-t-il dit, des vues nouvelles; je vais seulement résumer les points principaux de la discussion. La commission a proposé plusieurs amendemens. Le premier est de ne pas prononcer l'exil des trente-huit, et de remettre leur sort au Roi. Nous devions nous attendre que cet article n'auroit point essuyé de contradictions; mais tout est lié dans nos amendemens, et il règne une parfaite unité de principes dans ce qu'on appelle nos scrupules et nos rigueurs. Si nous avons établi des classes, c'est que nous avons craint de juger sans pouvoirs, et de condamner sans procès. Ce ne sont pas les hommes, a-t-on dit, c'est la mesure seule qu'il faut considérer, comme s'il étoit facile de séparer les hommes de la mesure. On nous a reproché la désignation de certains genres de crimes. C'étoit, dit-on, rétracter Kamnistie royale. Mais la proclamation de Cambrai et l'ordonnance du 24 juillet réservent les poursuites légales, et c'est aussi ce que nous proposons. Le rapporteur justifie ensuite les divers amendemens,

l'article des indemnités, et celui contre les regicides. La ques→ tion la plus délicate, dit-il, est que nous serions en opposi tion avec la volonté du Roi. Mais toutes les fois que le Roi nous fait présenter un projet de loi, c'est aussi sa volonté, et cependant il nous est permis de la discuter et de la contredire. C'est bien assez d'avoir taché de justifier les motifs qui nous ont paru nous faire un devoir douloureux de suivre noire conscience, puisque nous n'avons pas été assez heureux pour persuader les ministres.

Plusieurs voix demandent l'impression de ce, discours; d'au tres la combattent. MM. Clausel, Pardessus et Marcellus parlent dans le premier sens; MM, Bellart, du Vergier et Pasquier dans le sens contraire. M. Corbière déclare que, pour faire cesser cette discussion, il fera imprimer son discours à ses frais. On alloit procéder à la délibération, lorsque les ministres ont demandé que la séance fût suspendue un instant. Alors MM. de Richelieu, de Vaublanc et de Caze sont sortis de la salle. Ils sont rentrés à deux heures, et M.. le duc de Ris chelieu a pris la parole :

Nous avons rendu compte à S. M,, dit-il, de cette discussion où tant de bonne foi s'allie à tant de dissentiment, et où tant d'amour de la justice se mêle à tant de vénération pour la clémence du Roi. Touchée des honorables scrupules qui font croire à plusieurs d'entre vous qu'ils sont appelés à juger des hommes déjà frappés par le pouvoir que la nécessité lui déféra, S. M. consent a insérer dans l'article 3 la faculté de bannir, s'ils ne sont pas traduits devant les tribunaux, les trente-huit individus compris dans la seconde liste. Le Ro approuve la nouvelle rédaction de l'article 4, relatif à la fa, mille de l'usurpateur. Ce sont les sculs amendemens auxquels le Roi nous a chargés de donner son assentiment. Ce seroit plus qu'user de la faculté d'amender que de changer l'économie d'une loi. C'est un projet de loi qui vous est présenté, mais c'est aussi un acte de souveraineté. Vous avez tous reconnu que le droit d'amnistic est un des attributs du pouvoir royal, et le Roi a voulu donner plus de solennité à cet acte en vous y associant. Des François refuseroient-ils l'hon neur de partager la clémence de leur Roi? Le ministre a successivement combattu les divers amendemens, les indemnités, la mesure contre les régicides. Qu'il me soit permis en finissant, a-t-il dit, de vous conjurer, Messieurs, de ne pas souffrir qu'une loi de grâce devienne une cause de discorde,

"

et pour emprunter vos propres expressions, faites qu'après le déluge de maux qui ont inondé notre malheureuse France cette loi apparoisse sur notre horizon politique comme un signe de réconciliation et de salut pour tous les François.

M. le président fait un court résumé des amendemens proposés, en regrettant que dans des débats sur une loi de grâce les opinions aient été si fort partagées et sur le nombre des coupables, et sur la nature des peines. Il parle entr'autres de la mesure proposée contre ces hommes contre lesquels la nature se soulève, et que le ciel semble cependant vouloir protéger par la main de deux rois, puisque nos pères appeloient les rois l'image de Dieu sur la terre.

On arrête que l'on commencera par voter sur le projet des ministres, et que l'on finira par celui de la commission. M. de Kergorlai demande la parole; on veut la lui refuser. Il parle au milieu du bruit, et se plaint qu'on rend la chambre sim plement consultative, de legislative qu'elle étoit. Il descend de la tribune. M. de Bonald veut qu'on spécifie que le Ror pourra prendre d'autres mesures si les circonstances l'exigent. M. de Barente répond que cette faculté est dans la chartre. Ces propositions sont écartées par la question préalable. On procède à la délibération sur le projet des ministres; les articles 1 et 2 sont adoptés. M. de Roncherolles reproduit son amendement sur l'art. 3. M. le duc de Richelieu annonce que c'est précisément la rédaction approuvée par S. M. Elle est adoptée. Les articles 4 et 5 passent également. M. de Trinquelague propose une nouvelle rédaction de l'article 6. Il craint qu'on n'en abuse contre les royalistes du midi. MM. Serre et Try s'opposent à ce changement. M. Hyde de Neuville demande si on veut aussi amnistier les assassins des prêtres qui ont été immolé dans le midi. M. de Caze répond que l'amnistie ne porte que sur les crimes relatifs à la rebellion et à l'usurpation de Buonaparte. L'article de M. de Trinquelague est rejeté, et le projet de loi des ministres adopté.

M. le président lit le premier des amendemens de la commission, qui établit plusieurs classes de coupables. La question préalable est invoquée, et mise aux voix. Les épreuves étant douteuses, on procède à l'appel nominal Le nombre des votans est de 359; il y a 184 voix pour la question préalable, et 175 contre. Ainsi les cathégories sont rejetées à la majorité de 9 voix seulement. On passe au second amendement relatif aux indemnités. M. Clausel de Coussergues parle

pour cet amendement, et est fréquemment interrompu par des murmures. M. Bellart s'étonne que l'on parle contre une disposition de la chartre. M. Cornet d'Incourt propose une autre rédaction. La question préalable est mise aux voix, et rejetée à une foible majorité. Plusieurs réclament l'appel nominal. Le président remarque qu'on ne doit point suspecter la bonne foi du bureau, qui a vu d'une manière unanime. M. de Kergorlai demande que la bonne foi du bureau, dont il est lui-même, soit suspectée. La discussion continue. Plusieurs membres parlent contre l'amendement, et M. de Vaublanc les appuie. L'amendement, mis de nouveau aux voix, est rejeté à une majorité qui n'est point douteuse. On passe au dernier amendement sur les régicides. M. de Bethisy est seul entendu. Il parle avec chaleur pour l'amendement, et contre les auteurs d'un crime odieux. Il s'objecte la clémence du Roi. Laissons lui, dit-il, ce beau titre de clément; mais nous, chargeons-nous de la justice. Il doit nous en coûter beaucoup d'être un instant en opposition avec lui, à nous qui avons tout sacrifié pour le servir. Mais, comme ces bons Vendéens, au milieu de la persécution et du carnage, nous nous écrierons, dans leur langage simple, mais expressif: Vive le Roi, quand même!

[ocr errors]

Ce discours a été entendu avec un vif intérêt, et le dissentiment qui avoit régné pendant la discussion précédente, cessant tout à coup, tous les députés se levant à la fois adoptent l'amendement au milieu des cris de Vive le Rot! L'enthousiasme se communique aux tribunes, et des applau dissemens retentissent dans toute la salle. On se rappeloit sans doute que cet été encore cette même enceinte avoit retenti des cris forcenés de ces mêmes hommes qui avoient condamné leur Ror, et qui en proscrivoient un autre. Les voilà bannis par la voix des députés. Le président annonce qu'il est obligé de faire la contre épreuve. Sur la négative, trois députés seulement se lèvent, en disant : C'est par res pect pour le Roi. On va au scrutin sur l'ensemble de la loi, qui est adoptée par 334 voix contre 32. La séance est levée à six heures.

Voici le texte des articles adoptés :

Art. 1er. Amnistie pleine et entière est accordée à tous ceux qui, directement ou indirectement, ont pris part à la rebellion et à l'usurpation de Napoléon Buonaparte, sauf les exceptions ci-après:

1

2. L'ordonnance du 24 juillet contínuera à être exécutée à l'égard des individus compris dans l'art. 1o. de cette ordon

nance.

3. Le Roi pourra, dans l'espace de deux mois, à dater de la promulgation de la présente loi, éloigner de la France ceux des individus compris dans l'art. 2 de ladite ordonnance qu'il y maintiendra, et qui n'auront pas été traduits devant les tribunaux. Dans ce cas, ils sortiront de France dans le délai qui leur sera fixé, et n'y rentreront pas sans l'autorisation expresse de S. M., sous peine de déportation. Le Roi pourra pareillement les priver de tous biens et pensions à eux concédés à titre gratuit.

4. Les ascendans et descendans de Napoléon Buonaparte, ses oncles et ses tantes, ses neveux et ses nièces, ses frères, leurs femmes et leurs descendans, ses sœurs et leurs maris, sont exclus du royauine à perpétuité, et sont tenus d'en sortir dans le délai d'un mois, sous la peine portée par l'art. 91 du Code pénal. Ils ne pourront y jouir d'aucuns droits civils, y posséder aucuns biens, titres, pensions à eux accordés à titre gratuit, et ils seront tenus de vendre, dans le délai de six mois, les biens de toute nature qu'ils possédoient à titres onéreux.

5. La présente amnistie n'est pas applicable aux persor.nes contre lesquelles ont été dirigées des poursuites, ou sont intervenus des jugemens avant la promulgation de la présente loi; les poursuites seront continuées, et les jugemens seront exécutés conformément aux lois.

6. Ne sont point compris dans la présente amnistie, les crimes ou délits contre les particuliers, à quelque époque qu'ils aient été commis; les personnes qui s'en seroient rendues coupables pourront être poursuivies conformément aux

lois.

7. Ceux des régicides qui, au mépris d'une clémence presque sans bornes, ont voté pour l'acte additionnel, ou accepté des fonctions ou emplois de l'usurpateur, et qui par-là se sont déclarés ennemis irréconciliables de la France et du gouvernement légitime, sont exclus à perpétuité du royaume, et sont tenus d'en sortir dans le délai d'un mois, sous la peine portée par l'art. 33 du Code pénal; ils ne pourront y jouir d'aucuns droits civils, y posséder aucuns biens, titres ni pensions à eux concédés à titre gratuit.

« PrécédentContinuer »