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Samedi 13 janvier 1816.)

(No. 149.)

CONSIDERATIONS sur l'état actuel de la religion catholique en France, et sur la nécessité et les moyens de la rétablir; par M. l'abbé Cottret, professeur de la faculté de théologie, chanoine de Paris, vicaire général de Coutances, etc. (1).

SECOND ARTICLE.

APRÈS avoir peint la situation actuelle de la religion ét du clergé de France, ou plutôt après avoir présenté seulement quelques parties d'un tableau que M. Cottret n'a pas voulu montrer dans son ensemble, sans doute pour ne pas trop nous affliger par un sỉ triste spectacle, il arrive au moyen de rétablir la religion; et ce devoit être là, ce semble, la partie la plus intéressante de sa brochure. C'étoit du moins celle que nous nous sommes empressés de lire avec le plus de curiosité, dans l'espérance d'y trouver des vues profondément méditées et sagement combinées pour la restauration de l'église de France. Nous nous y attendions d'autant plus que l'auteur nous annonce qu'il a souvent médité sur ce sujet. Nous n'osons dire que nous avons été trompés dans notre attente. Il y a certainement dans cette partie, comme dans la précédente, des vues droites et des voeux louables; mais en même temps, il faut l'avouer, peu de suite et d'en

(1) í vol. in-8°.; prix, 2 fr. 50 cent. et 3 fr. franc de port. A Paris, de l'imprimerie de Belin, rue des Mathurins SaintJacques.

Tome VI. L'Ami de la Religion et du Roi.

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senible, quelque chose de haché et d'incomplet. Rien n'est approfondi et développé. Nous n'énonçons ce jugement qu'avec une extrême timidité, comme il convient quand on est obligé de contredire un docteur, et nous sommes portés à croire que ses nombreuses, occupations seules ne lui ont pas permis de digérer et de mûrir davantage ses plans pour le bien, et de rendre sa brochure plus digne du public et de lui.

M. Cottret parle peu du clergé du second ordre. Il ne dit rien sur la théologie, quoiqu'on eùt pu espérer d'un professeur de cette science quelques vues sur un sujet qui rentroit dans son domaine. Il ne dit rien des écoles ecclésiastiques, de la manière de les diriger, des études et de la discipline qu'il convient d'y suivre, quoiqu'il se retrouvât encore là sur son terrain. Il pose, à la fin de son ouvrage, une série de questions, et il ne les résout pas. Si c'est modestie, nous oserons nous en plaindre à l'auteur, et il nous paroît qu'après nous avoir annoncé les moyens de rétablir la religion, c'est tromper cruellement notre attente que de nous laisser à moitié chemin, et de ne pas nous conduire jusqu'au but où nous espérions arriver avec un si bon guide.

Mais si M. Cottret parle peu du second ordre, il ne tarit point sur le premier. Il a extrêmement à cœur que les évêques soient ce qu'ils doivent être, et en cela il a parfaitement raison; car ce sont eux qui contribueront le plus efficacement à la restauration de la religion, et leur zèle et leurs exemples sont le moyen le plus puissant que Dieu tient en réserve pour former un clergé pieux et instruit, pour édifier le troupeau, rétablir la discipline, et rendre à l'Eglise première jeunesse, et à la parole évangélique sa

première vertu. M. Cottret dit ici de fort belles choses sur la modestie et la frugalité des évêques. Il redoute extrêmement pour eux la tentation des richesses et les dangers d'une trop grande opulence, et il ne veut point qu'ils brillent d'un autre éclat que de celui de leurs vertus. Cependant puisqu'il souhaiteroit voir revivre le clergé pieux du temps de Louis XIII, et le clergé savant et honoré du temps de Louis XIV, il devroit se rappeler que ce clergé joignoit à l'éclat de ses vertus d'autres avantages; ce qui prouve qu'il n'est pas absolument nécessaire de réduire les évêques à la besace pour qu'ils aient une conduite et des qualités dignes de leur caractère.

On parloit beaucoup, au commencement de la révolution, des richesses du clergé, et de la nécessité de revenir à la primitive Eglise. On répétoit qu'il falloit faire revivre les évêques du 3e. siècle, ou, ce qui eût été plus parfait encore, ceux du er. Et en effet, à force de nous reporter aux temps anciens, on est parvebu assez bien à faire des confesseurs et des martyrs. Ces maximes si rebattues sur le danger des richesses ne sont plus guère de saison aujour d'hui que le clergé n'a plus rien; elles le sont d'autant moins qu'il n'y a pas d'apparence qu'on rende les évêques trop riches. L'état du trésor, et peut-être les dispositions des esprits s'opposeroient également à ce qu'on fit des concessions trop généreuses au clergé; on saura bien, sans qu'il ait besoin de le prêcher, fui prouver qu'il faut user à son égard de la plus stricte économie, et que la gloire de Dieu et l'édification de F'Eglise demandent qu'il reste pauvre, et qu'il ne soit riche que de ses seules vertus.

Les terreurs de M. Cottret sont donc un peu exa

gérées, et ses conseils se rapportent à des temps dont nous sommes déjà bien loin. Il trouve qu'un évêque avec 2 ou 3 mille écus seroit dans un état d'opulence relative; ce qui n'est pas trop généreux, surtout de la part d'un homme qui par ses places réunit à peu près le même traitement. Craindroit-il donc que les évêques ne fussent plus riches que lui? Il est même ici en contradiction avec lui-même. Car il remarque fort bien que le dénuement où on a laissé le clergé est une des causes du peu de considération dont il jouit; donc pour lui rendre de la considération, il faudroit le faire sortir de cet état de médiocrité. Que fera uir évêque avec 2 mille écus dans la plus petite ville de France? Il trouvera, dit M. Cottret, des ressources dans la charité des fidèles. Mais ne vaut-il pas mieux qu'il les puise dans son propre fonds, et n'est-ce pas lui ôter la faculté de faire beaucoup de bien que de l'obliger à recourir, à tout instant à d'autres?

A ce moyen singulier de rétablir le crédit et l'influence des évêques, M. Cottret en joint d'autres sur lesquels il nous permettra de voir autrement que lui. On avoit jugé assez généralement que des deux circonscriptions des diocèses, l'ancienne et la nouvelle, l'une étoit trop nombreuse et trop inégale, et l'autre beaucoup trop resserrée, et que le bien de l'Eglise demanderoit qu'on prit un moyen terme. L'auteur n'est pas de cet avis. Loin de trouver qu'il y eut autrefois trop d'évêchés, il pense qu'il n'y en avoit point assez, et il voudroit qu'on s'occupât plus de les augmenter que de les réduire. Ainsi, dans ce systême, on rétabliroit des évêchés du midi qui n'avoient que vingt ou trente paroisses. A combien d'inconvéniens une pareille mesure ne seroit-elle pas sujette? Hy a

telle petite ville qui avoit autrefois un évêché, et où peut-être il reste à peine une église et un curé. Où prendroit-on là de quoi former un chapitre? où logeroit-on l'évêque et les chanoines? comment créeroit-on un séminaire? Je suis persuadé qu'il y a quelques-uns de ces anciens diocèses qui ne fourniroient pas dix prêtres, et c'est avec de tels élémens qu'on voudroit rétablir un nouveau siége. Des évêchés si petits, non-sculement ne sont pas nécessaires, mais seroient presque ridicules. Ils seroient nécessairement dépourvus des établissemens qui maintiennent la discipline. Il en seroit de ces diocèses comme des monastères trop peu nombreux, où la règle n'étoit jamais bien observée. Encore faut-il qu'un évêque ait un clergé. J'ajouterai que dans ces petites villes l'évêque ne trouveroit aucune ressource dans la charité des fidèles, les fortunes y étant ordinairement assez restreintes. Enfin, ce seroit charger le trésor royal d'une assez forte dépense dans le moment précisément où on a le plus besoin d'économie. Il ne faut point comparer les temps présens à des temps d'abondance et de prospérité. Les années de famine sont venues. Un évêque bien doté vivifioit autrefois un pays; aujourd'hui il aura plus besoin de recevoir qu'il ne pourra donner. Il faudra entretenir la cathédrale, le chapitre, le séminaire, l'administration diocésaine. En un mot, on aura un état-major auquel il ne manquera que des soldats.

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En général, M. l'abbé Cottret, nous nous plaisons à le dire, paroît animé des meilleures intentions. Il montre, non pas seulement du respect pour la religion, ce ne seroit pas un titre d'éloge pour un ecclésiastique, mais du zèle pour la voir refleurir. Si nous

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