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loi d'amnistie, sur douze pétitions qui demandoient que l'on confisquât les biens de la famille Buonaparte, et que l'on fit payer aux coupables les frais de la guerre.

Depuis plusieurs mois, le Morning-Chronicle remplit presque tous les jours quelques-unes des énormes colonnes de son journal, de récits de prétendus massacres des protestans dans le midi de la France, et d'invectives contre le gouvernement si modéré de ce royaume. Des personnes instruites de l'état des choses ont méprisé ces calomnies, mais

masse du peuple, avec sa crédulité ordinaire, y a ajouté une foi entere. De toutes parts, les corporations se sont assemblées pour prendre en considération le sort des protestans de France, et pour s'occuper des moyens de les soulager. On a prêché des sermons, prononcé des discours, écrit des brochures. Une société de Londres, qui se dit établie pour la liberté religieuse, a même réclamé par une lettre l'intervention du duc de Wellington, dans les affaires du protestantisme en France. La réponse du lord vient de détromper tous ceux que le Morning-Chronicle induit en erreur depuis long-temps. La voici : «< Paris, le 28 novembre 1815. Messieurs, j'ai eu l'honneur de rcevoir votre lettre du 24, et je saisis la première occasion d'y répondre. J'ai beaucoup de raisons de croire que le public et la société dont vous êtes les secrétaires, ont été induits en erreur sur ce qui se passe dans le midi de la France. Il est naturel qu'il existe des conflits violens dans un pays où le peuple a été partagé non-seulement par la religion, mais encore par les opinions politiques; que la religion de chaque individu soit en général le signe du parti politique auquel il appartient, et qu'au moment où la révolte d'une armée affoiblit le gouvernement, le parti foible souffre de quelques individus violens du parti prépondérant. Mais autant que j'ai pu l'apprendre, durant mon séjour dans cette cour en 1814, et depuis l'entrée des alliés dans Paris, je puis assurer que le gouvernement a fait tout ce qui dépendoit de lui pour mettre fin aux troubles du midi de la France, et pour protéger tous les sujets de S. M. conformément aux promesses de la chartre constitutionnelle, dans l'exercice de leur culte, ainsi que dans la jouissance de leurs priviléges, quelles que puissent être leurs diverses opinions religieuses. Il n'y a pas longtemps que le général Lagarde fut envoyé par le gouvernement à Nîmes, pour s'enquérir de l'état des affaires de cette contrée, et, sur son premier rapport, il reçut ordre d'ouvrir les temples protestans, qui, par suite des querelles entre les partis, avoient été fermés. En voulant exécuter cés ordres, il fut grièvement blessé. Mais j'ai été informé de bonnc part, que S. A. R. le duc d'Angoulême s'est mis à la tête d'un corps de troupes contre ceux qui ont voulu empêcher le général Lagarde de se conformer aux instructions du gouvernement. Je vous adresse l'ordoanance du Roi, publiée en conséquence de cet événement; elle prouve suffisamment les vues et les intentions de S. M. J'ai à vous informer, de plus, qu'il n'est pas vrai que les salaires des ministres protestans aient, été suspendus par le Rot. Je pense que les détails dans lesquels je viens d'entrer convaincront la société dont vous êtes les secrétaires, que le

Roi de France n'a rien à se reprocher au sujet des événemens mashetreux qui se sont passés dans le midi de ce royaume.

>> J'ai l'honneur d'être, etc.

WELLINGTON ».

Il semble que cette lettre du duc auroit dû calmer un peu le zèle et les inquiétudes des protecteurs des protestays françois. Ils auroient dû la publier par esprit de justice, et pour faire cesser les plaintes et les clameurs qu'ils avoient eux-mêmes provoquées. Ils l'ont au contraire ténue secrète, et ont paru fàchés qu'elle cût été publiée sans leur partici-. pation. Ils ont écrit en France aux ministres protestans pour offrir leur intervention. On ne peut qu'être étonné d'un si tendre intérêt et d'une si singulière sollicitude. De quoi se mêlent ces bons Bretons, avec leur sensibilité affectée et leurs doléances exagérées? Pendant qu'ils braquent leurs lunettes sur nous, ils ne savent pas ce qui se passe chez eux. Ils aperçoivent une paille dans notre œil; ils ne voient pas une poutre dans le leur. Les catholiques anglois souffrent encore des restrictions et des entraves que nos protestans ignorent. Apôtres de la tolérance, guérissez-vous vous-mêmes, et vous viendrez ensuite nous donner vos remèdes. Vous convient-il d'écrire à vos co-religionnaires en France pour semer la discorde et les murmures contre le gouvernement? Nous ne savons pas quel accueil la plupart des ministres protestans ont fait & ces avances indiscrètes; mais on dit que le sieur Marron leur a répondu avec assez d'adresse. Il a refusé de réclamer l'intervention des étrangers, comme on l'en sollicitoit; il justifie la conduite du gouvernement, et prie ces messieurs de ne plus lui écrire sur le ton qu'ils avoient pris. Sa lettre du 7 décembre mettra fin, il faut l'espérer, à ces tracasseries de quelques oisifs. Le témoignage du sieur Marron ne sauroit Feur être suspect; mais la vivacité de leur zèle nous l'est un peu, et les protestans, s'ils sont bons François, les supplieront tous de leur retirer une si officieuse protection, et de cesser des plaintes qui seroient plus nuisibles que les inconvéniens auxquels ces honnêtes étrangers paroissent vouloir apporter remède.

AVIS.

Les personnes dont l'abonnement expire le 12 février prochain, sont invitées à le renouveler, pour éviter tout retard ou interruption.

L'augurentation que les journaux viennent d'éprouver dans les impôts et rétributions dont ils sont chargés, nous force à faire quelques changemens dans le prix. Les autres journaux ont porté leur abonnement à 72 francs. Nous n'augmenterons le nôtre que de 3' francs pour l'année entière; ayaut même égard à la situation de la plupart des ecclésiastiques, et voulant leur donner une preuve de notre désintéresse ment, nous n'ajouterons qu'un franc à l'abonnement de six mois, ef nous laisserons celui de trois mois tel qu'il est. Nous espérons que nos abonnés verront dans la modicité de ces prix une preuve du désir que nous avons de concilier leurs intérêts avec les nôtres.

Ainsi les abonnemens seront à l'avenir de 28 fr. pour l'annéc, de 15 fr. pour six mois, et de S fr. pour trois mois.

(Samedi 20 janvier 1818.)

(No. 151.)

DEUX discours, sur des sujets également intéressans, ont été prononcés récemment à la chambre des députés. L'un est de M. Lachèze-Murel, et renferme les développemens de la proposition qu'il avoit faite de demander un projet de loi pour rendre aux curés et desservans les fonctions d'officiers de l'état civil. Après avoir parcouru rapidement l'ancienne législa➡ tion sur cet objet, l'orateur, arrivant à la révolution, remarque que ce fut en haine de la religion qué les législateurs de ce temps-là ôtèrent aux prêtres le soin de rédiger les actes de l'état civil, et que, pour mieux constater leurs motifs, ils condamnèrent à des amendes et à l'emprisonnement tout officier de l'état civil qur auroit seulement faît mention sur son registre de l'observation de quelques cérémonies religieuses. Un but différent doit mener à une marche contraire. Aussi M. Lachèze-Murel prouvé qu'il faut rendre aux prêtres une fonction que leurs ennemis seuls leur ont ôtée.

« Ce n'est pas une chose aisée que de rendre des mœurs à une nation, et s'il est possible d'y parvenir, ce ne peut être que par l'influence de la religion.

» Pour obtenir de cette influence, će précieux résultat, il faut avoir de bons prêtres; et pour avoir de bons' prêtres, il faut les élever au-dessus du besoin, il faut leur témoigner que l'on sait apprécier leurs vertus et leurs services, il faut leur donner un rang, il faut enfin forcer d'avoir recours à eux aux grandes époques de la vie.

» Nos pères étoient bien plus habiles dans l'art de gouverner les hommes; au lieu d'avilir les prêtres, ils avoient fait du clergé le premier ordre de l'Etat, et ce n'étoit pas pour les individus qui étoient leurs enfans, leurs voisins,

Tome VI. L'Ami de la Religion et du Ror. V

leurs amis, qu'ils l'avoient fait, inais afin de rendre la religion plus recommandable par l'hommage qu'ils lui Tendoient dans la personne de ses ministres.

» Quel est le père, quelle est la mère, qui ne soient disposés à chérir celui qui appelle sur leur nouveau né toutes les bénédictions du ciel !

>> Quel est l'époux, quelle est l'épouse, qui ne chérissent aussi celui qui, recevant leur promesse mutuelle, forme des voeux si ardens pour leur bonheur et le bonheur de leurs enfans!

>> Et cet homme livré à la douleur par la perte de son père, de son fils, de son ami, ne voit-il pas avec reconnoissance que son pasteur la partage, et qu'il ne suspend la sienne que pour implorer la miséricorde de celui qui

tient dans ses mains la destinée de tous les hommes?

>> Daignez considérer, Messieurs, combien ces rapports sont touchans, combien ils sont propres à faire obtenir la confiance; et que ne peut un véritable pasteur investi de, la confiance de ses paroissiens, pour les porter au bien et les détourner du mal!

» Non, Messieurs, non, jamais je ne me persuaderai qu'une promesse faite aux pieds des autels, dans un recueillement religieux, devant Dieu dont on adore la présence, ne soit une chose bien plus sacrée, et ne soit regardée comme plus digue de respect, que si elle étoit seulement faite au milieu d'un festin de noces, ou sous le simple toit d'un maire de village, ou même quelquefois au milieu d'une orgie.

>> On se plaint, et avec raison, des progrès effrayans de l'immoralité dans nos campagnes: ces progrès peuvent avoir plusieurs causes; mais je ne balance pas à indiquer comme la principale de ces causes, la funeste division des deux pouvoirs, civil et religieux, pour les actes de naissance, mariage et décès.

>> Si vous les parcouriez, ces campagnes, vous y rencontreriez des hommes nés depuis 1792, encore hors du christianisme, mariés, déjà pères de famille, qui, s'ils aroient à l'existence de Dieu, ne lui ont jamais rendu et

ne lui rendront peut-être jamais ni adorations ni hommages: qui ne peuvent avoir d'autre frein que celui de la loi, frein le plus souvent insuffisant quand on peut se dérober aux regards, et qu'on croit pouvoir être méchant avec impunité. De là tous ces crimes dont le nombre et l'atrocité effraient l'imagination. Les enfans de ces hommes seront pires que leurs pères; ils le seront par l'effet de la corruption toujours croissante; ils le seront par l'effet de l'exemple de leurs pères, et je vous supplie de considérer si de cet état de choses, il y a un grand espace parcourir pour arriver à la barbarie.

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» D'après la législation actuelle, le mariage civil doit précéder le mariage religieux, et il faut que le mariage civil précède le mariage religieux, à peine d'amende contre le prêtre, même à peine de déportation, en cas de récidive; et si, ce qui est arrivé plusieurs fois, après avoir célébré le mariage civil, l'une des parties ne veut pas célébrer le mariage religieux, dans quelle situation terrible ne se trouve pas placée celle des parties qui croit à sa religion et veut l'observer?

>> Des avantages moraux que renferme ma proposition, je passe aux avantages politiques.

» Le premier de ces avantages est d'avoir des registres régulièrement tenus, et sur lesquels seront rapportés les naissances, mariages et décès à l'instant même que les baptêmes, mariages et sépultures auront été faits.

>> Comment sont tenus aujourd'hui les registres, au moins dans les campagnes? Un enfant naît; un homme meurt. Je veux qu'on en donne avis au maire. Mais on le trouve occupé de ses travaux champêtres; se dérangera-t-il pour aller faire l'acte? Non, Messieurs; et ce sera tout au plus le dimanche d'après, si toutefois il ne l'oublie pas, qu'il rédigera cet acte, et dans l'ordre que sa mémoire, peut-être infidèle, pourra lui fournir.

» De là combien d'actes dont la date est avancée ou reculée! de là combien d'actes de naissance et de décès qui ne se trouvent même pas rapportés! de là enfin comien d'embarras et de difficultés, de frais et de procès !

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