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mant à la hâte pour un coup de main, dit à deux domestiques qui l'habilloient, de mettre mieux fon cafque, parce qu'il lui caufoit une grande douleur à l'oreille. On lui foutint obstinément que cela ne pouvoit pas être; & fans infifter davantage, il partit pour le lieu où le danger & la gloire l'appelloient. A fon retour, il jette fon cafque & fon oreille, & dit à fes ferviteurs avec douceur : Ne vous difois-je pas que mon casque étoit mal mis? Un Gentilhomme Espagnol, devant qui on contoit ce trait fingulier, avoua que s'il eût été Dom Lopez, il eût coupé les oreilles à ces deux coquins : C'eût été, lui répondit quelqu'un, vendre la fienne à vil prix, au-lieu d'acheter, comme Dom Lopez, toutes les langues de la renommée qui célébreront à jamais fa modéra

tion.

MODES, HABILLEMENTS.

UN étranger qui s'arrête en France, dit un Auteur étranger lui-même, eft furpris des changements continuels que la mode introduit dans les habillements. Il croit voir des gens qui effaient toute forte d'habits, fans pouvoir en trouver un qui leur convienne, & enfin, fans qu'il y en ait un qui ne leur convienne pas. Toutes les fois qu'ils paffent à une mode nouvelle, ils affurent fort férieufement, & prouvent par bonnes raisons, qu'elle fied mieux, ou qu'elle est plus commode que celle qu'ils viennent de quitter; & on croiroit prefque qu'il en eft quelque chofe; cependant au bout de cent changements, tous, à ce qu'ils prétendent, de bien en mieux, on les voit revenir aux anciennes modes, c'est

à-dire,

à-dire, qu'après bien des mouvements, ils fe trouvent à l'endroit d'où ils étoient partis.

Lorsque le Czar Pierre vint en France, il remarqua un Seigneur de la Cour qui avoit chaque jour un habit d'un nouveau goût. Le Czar dit à ceux qui l'accompagnoient: Il me paroît que ce Gentilhomme François n'eft pas content de fon tailleur.

Dans le douzieme fiecle & les trois fuivants, les François étoient habillés d'une espece de foutane qui leur defcendoit jufqu'aux pieds. La Nobleffe portoit par-deffus cette foutane un manteau ou cafaque, dont les manches, trèslarges & très-amples, fe rattachoient par-devant fur le pli du bras, & pendoient par-derriere jufqu'aux genoux. Un chaperon, efpece de capuchon, qui avoit un bourrelet au haut, & une queue pendante par-derriere, fervoit à cou vrir la tête. Ce chaperon, qui recevoit différentes fourrures & divers ornements, eft devenu, comme l'on fait, l'épitoge des Présidents à mortier, l'aumuce des Chanoines, & la chauffe des Confeillers, Avocats, Docteurs & Profeffeurs de l'Université.

Sous Charles V, on imagina les habits blafonnés ou chamarrés de toutes les pieces armoriales de l'écu. On vit paroître enfuite fous Charles VI, l'habit mi-parti, tel qu'eft encore celui de la plupart des Echevins & des bédeaux. Du temps de François I, on quitta l'habit long pour donner dans l'extrêmité oppofée. L'habillement de ce temps eft un pourpoint à petites bafques, & un caleçon tout d'une piece avec les bas. Cet habit ferroit de fi près, & prenoit fi bien la taille, qu'il en étoit indécent. Les gens graves prirent le large haut-de-chauffe, à la Tome 11.

H

Suiffe; les jeunes gens imaginerent les trouffes, efpece de haut-de-chauffes court & relevé, qui ne venoit qu'à la moitié des cuiffes, & que l'on couvroit d'une demi-jupe. Cette mode, qui fubfifta jufqu'à Louis XIII, fit place à celle qui regne aujourd'hui.

A l'égard des femmes, elles étoient coëffées, fous le regne de Charles VI, d'un haut bonnet en pain de fucre; elles attachoient au haut de ce bonnet, un voile qui pendoit plus ou moins, felon la qualité de la perfonne. Elles prirent, fous le regne de François I & de Henri II, de petits chapeaux avec une plume. Depuis Henri II jufqu'à la fin du regne de Henri IV, elles porterent de petits bonnets avec une aigrette.

Sous François II, les hommes trouverent qu'un gros ventre donnoit un air de majefté, & les femmes imaginerent auffi-tôt qu'il en étoit de même d'un gros cul; on avoit de gros ventres & de gros culs poftiches, & cette ridicule mode dura trois ou quatre ans. Ce qu'il y eut encore de fingulier, c'eft que lorfqu'elle commença, les femmes parurent ne fe plus foucier de leur vifage, & commencerent à le cacher; elles prirent un loup, espece de mafque, & n'alloient plus que mafquées dans les rues aux promenades, en vifite, & même à l'Eglife. Voyez les Essais hiftoriques fur Paris.

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Au loup a fuccédé une autre espece de mafque, le rouge & les mouches.

Vers la fin du dernier fiecle, & même au commencement de celui-ci, nos Dames portoient de hautes coëffures à tuyaux d'orgue, & fi élevées, que leur tête fembloit placée au milieu du corps. C'est ce qui faifoit dire au cauftique la Bruyere, qu'il falloit juger des femmes depuis la chauffure

jufqu'à la coëffure exclufivement; à-peu-près comme on mefure le poiffon, entre queue & tête. Les Françoises ont l'obligation de leurs petites coëffures à deux Angloifes qui vinrent à Verfailles en 1714. Elles fe préfenterent dans le mois de Juin ou Juillet pour voir fouper le Roi Louis XIV, qui étoit déja à table. Elles ne furent pas plutôt entrées, que toutes les perfonnes qui étoient au fouper, étonnées de la petiteffe de leurs coëffures, qui n'avoient nul rapport à celles des Françoifes, & ne les connoiffant pas pour étrangeres, firent un fi grand brouhaha, que le Roi demanda avec émotion ce qui le caufoit. On lui répondit que c'étoit l'arrivée de deux Dames extraordinairement coëffées, qui fe préfentoient pour avoir l'honneur de voir fouper Sa Majesté. Le Roi les apperçut alors; & après les avoir confidérées un inftant, il dit aux Ducheffes & aux autres Dames préfentes à fon fouper, que fi toutes les femmes étoient raisonnables, elles ne fe coëfferoient jamais autrement que ces deux Dames. Il le dit même d'un ton à faire croire que fi on paroiffoit autrement devant lui, on ne lui feroit pas fa cour. Il ne faudroit pas connoître le génie du François, & fon goût pour toutes les modes, pour douter que celles qui étoient préfentes au difcours du Roi, héfiterent un moment à prendre leur parti. Elles firent travailler toute la nuit à la diminution de leurs coëffures, qui étoient à trois étages, foutenus par des fils d'archal. Elles réprimerent d'abord les deux plus hauts, n'en conferverent qu'un, qu'elles raferent encore de moitié. Les Dames, parées de cette nouvelle coëffure, ne manquerent pas de fe trouver à la Meffe du Roi, mais avec un férieux qui les fatiguoit extrême

ment à garder. Au fortir de la chapelle, Sa Majefté leur en fit compliment, & ajouta expreffément qu'elles n'avoient jamais été mieux coëffées. Il n'en fallut pas davantage pour faire paffer cette mode de la Cour à la Ville, & de la Ville à la Province. Mais elle étoit fi fage qu'on pouvoit parier, que, fans l'approbation expreffe du Roi, elle ne fe feroit point établie.

Les vertugadins prirent faveur dans le même temps. Mais les femmes, qui avoient déja profcrit cette mode, fe garderent bien, quand elles la renouvellerent, de conferver le nom de vertugadin. Il leur auroit femblé qu'elles portoient une antiquaille, & qu'elles-mêmes l'étoient. Elles l'appellerent donc panier; & ce nom prit d'autant mieux, qu'il jouoit avec celui d'un Magiftrat mort depuis peu d'années en repaffant de la Martinique en France. Elles avoient le plaifir de dire, apportez-moi mon_Maître des Requêtes. Cette mode, originaire de France, & qui a toujours fubfifté dans le pays étranger, revint dans ce Royaume avec les deux Angloifes, dont il vient d'être parlé. La scene qu'elles avoient effuyées à Versailles tourna à leur gloire; mais deux jours après, celle des vertugadins manqua d'être très-férieufe pour elles. Elles fe promenoient un foir dans la grande allée des Tuileries, & le vafte étalage de leurs jupes, qui n'étoit produit que par des cerceaux de baleine, frappá d'abord les fpectateurs. On s'empreffa fi fort pour les voir, qu'elles faillirent à être étouffées par la foule. Un des bancs adoffés aux paliffades d'ifs, qui étoient dans ce temps-là aux deux côtés de la grande allée, les fauva. Un Officier des Moufquetaires, qui fe trouva près d'elles, empêcha qu'elles ne fuffent écrasées par la multi

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