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DÉFENSE

DE

L'ESPRIT DES LOIS.

PREMIÈRE PARTIE.

On a divisé cette défense en trois parties. Dans

ON

la première on a répondu aux reproches généraux qui ont été faits à l'auteur de l'Esprit des lois. Dans la seconde on répond aux reproches particuliers. La troisième contient des réflexions sur la manière dont on l'a critiqué. Le public va connoître l'état des choses; il pourra juger.

QUOIQUE

I.

UOIQUE l'Esprit des lois soit un ouvrage de pure politique et de pure jurisprudence, l'auteur a eu souvent occasion d'y parler de la religion chrétienne: il l'a fait de manière à en faire sentir toute la grandeur; et s'il n'a pas eu pour objet de travailler à la faire croire, il a cherché à la faire aimer.

a

Cependant, dans deux feuilles périodiques qui ont paru coup sur coup a, on lui a fait les plus affreuses imputations. Il ne s'agit pas moins que de savoir s'il est spinosiste et déiste: et quoique ces deux accusations soient par elles-mêmes contradictoires, on le mène sans cesse de l'une à l'autre. Toutes les deux, étant incompatibles, ne peuvent pas le rendre plus coupable qu'une seule; mais toutes les deux peuvent le rendre plus odieux.

Il est donc spinosiste, lui qui, dès le premier article de son livre, a distingué le monde matériel d'avec les intelligences spirituelles.

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Il est donc spinosiste, lui qui, dans le second article, a attaqué l'athéisme. Ceux qui ont dit qu'une fatalité aveugle a produit tous les effets ,, que nous voyons dans le monde, ont dit une grande absurdité; car quelle plus grande ab,, surdité qu'une fatalité aveugle qui auroit produit des êtres intelligents?"

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a L'une du 9 octobre 1749, l'autre du 16 du même mois.

Il est donc spinosiste, lui qui a continué par ces paroles:,, Dieu a du rapport avec l'univers, comme créateur et comme conservateur : les lois selon

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lesquelles il a créé, sont celles selon, lesquelles il ,, conserve. Il agit selon ces règles, parce qu'il les connoît; il les connoît, parce qu'il les a faites ; il les a faites, parce qu'elles ont du rapport avec ,, sa sagesse et sa puissance. "

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Il est donc spinosiste, lui qui a ajouté:,, Com,, me nous voyons que le monde formé par le mouvement de la matière, et privé d'intelligence, subsiste toujours, etc. b. "

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Il est donc spinosiste, lui qui a démontré, contre Hobbes et Spinosa, que les rapports de justice et d'équité étoient antérieurs à toutes les lois positives c."

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Il est donc spinosiste, lui qui a dit au commencement du chapitre second: Cette loi qui,

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,, en imprimant dans nous-mêmes l'idée d'un créa,,teur, nous porte vers lui, est la première des lois naturelles par son importance.

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Il est donc spinosiste, lui qui a combattu de toutes ses forces le paradoxe de Bayle, qu'il vaut mieux être athée qu'idolâtre; paradoxe dont les athées tireroient les plus dangereuses conséquences.

Que dit on après des passages si formels? Et l'équité naturelle demande que le degré de preuve soit proportionné à la grandeur de l'accusation.

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PREMIERE

OBJECTION.

L'auteur tombe dès le premier pas. Les lois, dans la signification la plus étendue, dit-il, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. Les lois des rapports! cela se conçoit-il?... Cependant l'auteur n'a pas changé la définition ordinaire des lois sans dessein. Quel ,, est donc son but? le voici. Selon le nouveau systême, il y a entre tous les êtres qui forment ce que Pope appelle le grand tout, un enchaînement si nécessaire que le moindre dérangement porteroit la confusion jusqu'au trône du premier être. C'est ce qui fait dire à Pope que les choses n'ont pu être autrement qu'elles ne sont, et que tout est bien comme il ́est. Cela posé, on entend la signification de ce langage nouveau, que les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. A quoi l'on ajoute que dans ce sens tous les êtres ont leurs lois; la divinité a ses lois; le monde matériel a ses lois; les intelligences supérieures à l'homme ont leurs lois; les bêtes ont leurs lois; l'homme a ses lois.'

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RÉPONSE.

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Les ténèbres mêmes ne sont pas plus obscures que ceci. Le critique a oui dire que Spinosa admettoit un principe aveugle et nécessaire qui gouvernoit l'univers: il ne lui en faut pas davantage: dès qu'il trouvera le mot nécessaire, ce sera du spinosisme. L'auteur a dit que les lois étoient un

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