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tration pour régler cet exercice, ainsi que la distinction essentielle existant entre le droit lui-même, qui relève de la liberté de l'industrie, et l'exercice de ce droit, qui peut être réglementé dans ses diverses manifestations. C'est ainsi qu'il avait été décidé que l'autorité municipale ne peut interdire, par application des préceptes d'un culte, à un religionnaire israélite, par exemple, le droit d'exercer la profession de boucher, et, par conséquent, de saigner et d'abattre les animaux destinés à être vendus à tous les consommateurs, sans distinction de religion: cette interdiction porterait, en effet, atteinte au droit de libre industrie qui appartient à tous les citoyens. - Cass., 14 août 1845, Lévy Bolack, [P. 45.2.308, D. 45.1.375]

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29. Mais la Cour de cassation a décidé, avec raison, que les consistoires israélites ont le droit de nommer des schohets, classe d'agents exclusivement chargés d'abattre les bestiaux destinés uniquement à l'alimentation de leurs coreligionnaires et d'en préparer la viande, dite Kascher, conformément aux prescriptions du rite hébraïque, comme aussi de passer des marchés à l'effet de concentrer le débit de cette viande pour la mettre à la portée des consommateurs. Cass., 14 août 1845, précité; 27 déc. 1864, Pionnier, [S. 65.1.170, P. 65.398, D. 65.1.213]

30. Et il a été jugé, dans le même sens, qu'en Tunisie, les communautés israélites ont seules le droit de vendre à leurs membres la viande abattue conformément aux rites de la religion mosaïque. Trib. Tunis, 12 févr. 1886, [Rev. d'Alger, 86.381] 31.- En ce qui concerne les bouchers forains, les règlements municipaux les obligent ordinairement à ne vendre que dans les halles et à certains jours déterminés; mais l'autorité municipale ne peut faire plus, et elle excéderait ses pouvoirs si elle interdisait d'une manière absolue à ces bouchers l'entrée des marchés de la commune. Inst. min., 22 déc. 1825, n. 4.

32. Les bouchers exerçant des actes de commerce, c'està-dire achetant des marchandises ou denrées pour les revendre, et en en faisant leur profession habituelle, sont nécessairement commerçants (C. comm, art. 1 et 632). V. suprà, v° Acte de commerce, n. 358. - Comme tels ils sont assujettis à la patente. — V. infrà, vo Patente.

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33. Il en résulte encore qu'un boucher, pour les actes de commerce qu'il accomplit, se trouve soumis à la juridiction commerciale. - Aix, 15 janv. 1825, Petit, [S. et P. chr.] V. suprà, vo Acte de commerce, n. 358, et infrà, v° Compétence. 34. Comme tout marchand visé par l'art. 2101, les bouchers et charcutiers ont un privilège sur les meubles et immeubles de leurs débiteurs pour les fournitures de viande faites à eux et à leurs familles pendant les six derniers mois (C. civ., art. 2101 et 2104, n. 5). Leur action se prescrit par un an (C. civ., art. 2272). — V. infrà, vis Prescription, Privilège.

35.- Un ancien usage excluait les bouchers tombés en faillite, du bénéfice de la cession de biens. Cet usage a été aboli par les lois nouvelles. Aix, 13 avr. 1807, Mathey, [S. et P. chr.] V. infrà, vo Cession de biens.

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38. Nous avons vu, notamment, que l'administration et la surveillance de l'abattoir public appartiennent à l'autorité municipale. En ce qui concerne l'administration, cette autorité peut faire les règlements nécessaires pour le service de l'abattoir, de la fonderie et de la triperie publiques, ainsi que pour le commerce de la boucherie et de la charcuterie (Ord. roy. 23 mai 1830).

39. Quant à la surveillance, elle doit avoir pour objet de prévenir la fuite des animaux destinés à l'abatage, d'empêcher qu'il n'y soit amené des bestiaux malsains ou malades, de pres

crire les mesures de propreté convenables; enfin, de veiller, dans les abattoirs où se fait la fonte des suifs, à ce que cette opération et les autres préparations des issues et abats de bestiaux aient lieu avec les précautions les plus propres à garantir la salubrité et à empêcher toute incommodité.. V. suprà, vo Abuttoir, n. 30 et s.

40. Il résulte de ce principe qu'est légal et obligatoire l'arrêté municipal qui ordonne que tous les bouchers seront tenus d'abattre leurs bestiaux à l'abattoir public et non chez eux, à moins d'une autorisation spéciale. Et un pareil arrêté est obligatoire pour tous les bouchers qui habitent la commune. En conséquence, ceux qui ont leur domicile hors des limites de l'octroi, ne peuvent refuser de s'y conformer sous le prétexte que cet arrêté aurait pour effet de les soumettre au paiement du droit d'octroi dont ils étaient affranchis. -- Cass., 18 oct. 1827, Berthomé, [P. chr.]; — 1er juin 1832, précité; et le prévenu d'une infraction à un tel arrêté ne saurait être relaxé de toute poursuite par ce motif qu'il n'aurait introduit dans la localité qu'une faible partie de la viande provenant de l'abatage. mai 1846, Faye, [D. 46.4.41]

Cass., 2

41. En outre, la disposition du règlement de police qui interdit aux bouchers d'abattre chez eux des bestiaux sans autorisation, comprend non seulement le domicile habituel des bouchers, mais encore tout lieu dont ils sont propriétaires ou locataires dans la commune. Même arrêt.

42.Jugé, également, que lorsqu'il est constant que, contrairement à un arrêté municipal, rendu en exécution d'une ordonnance royale concernant l'établissement d'un abattoir, un boucher a abattu des bestiaux chez lui, le tribunal de police saisi de cette contravention ne peut, sans commettre un excès de pouvoir, relaxer le contrevenant sur le motif que le local à lui assigné dans l'abattoir, par l'autorité municipale, n'était pas suffisamment approprié à l'exercice de son industrie, cette circonstance pouvant, en effet, autoriser un recours à l'administration supérieure, mais non une infraction à l'arrêté rendu par l'autorité compétente. Cass., 12 mars 1847, Lamaison, [P. 47. 2.433, D. 47.4.44]

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Le second de ces trois arrêts déclare, toutefois, illégal et non obligatoire, comme contraire à la liberté de l'industrie, le règlement de police qui, après avoir admis l'introduction et la vente dans l'intérieur de la commune de viandes provenant du dehors et abattues aux abattoirs forains, sous certaines conditions de nature à sauvegarder la salubrité, notamment de soumettre des viandes ainsi introduites au contrôle de l'abattoir communal, exclut les bouchers de ladite commune de la faculté de vendre ces viandes en concurrence avec les bouchers forains et les colporteurs, et d'en avoir dans leurs étaux; cette exclusion eût-elle pour objet d'empêcher que l'acheteur puisse être trompé sur la provenance des viandes ainsi mises en vente. 44. Mais, lorsque la vérification des viandes introduites en ville par les bouchers forains doit être faite au marché public, la défense de colporter ces viandes et d'en vendre ailleurs que sur le marché devient légale et obligatoire. Cass., 26 mai 1843, Beloeil, [S. 43.1.808, P. 43.2.490] — V. infrà, n. 84. 45. Ces décisions de la Cour suprême confirment, d'ailleurs, un arrêt de la même Cour, par lequel elle a reconnu au maire le droit d'interdire aux bouchers l'introduction, dans la commune, des viandes abattues au dehors sans les avoir fait visiter à leur entrée, et avant leur mise en vente, par la police locale. Il y a, en effet, dans ce fait, une mesure tendant à garantir la salubrité publique. Cass., 7 oct. 1837.

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45 bis. Le même droit appartient au préfet dans l'étendue de son département. Mais si les municipalités n'ont pas organisé l'inspection de salubrité des viandes provenant d'animaux abattus dans la commune et délégué un vétérinaire chargé de marquer ces viandes de l'estampille qui en autorise le débit, les bouchers vendant cette sorte de viande ne sont assujettis à aucune formalité équivalente, l'exécution de l'arrêté étant impossible, faute de la création d'une réglementation efficace. Cass., 29 mai 1891, Pétriat, [Gaz. trib., 3 juin 1891] — Trib. simp. pol. Orthez, 21 janv. 1891.

46. Il a été jugé, par la Cour de cassation, que le droit du maire de prescrire, par un arrêté, toutes les mesures qu'il juge nécessaires pour assurer la salubrité des viandes introduites dans la commune ne va pas, néanmoins, jusqu'à lui permettre de prohiber cette introduction en défendant de mettre en vente d'autres viandes que celles provenant de l'abattoir communal. Cass., 12 juin 1869, Billard, [S. 70.1.143, P. 70.319, D. 70. 1.46]

47. Toutefois, la même Cour avait antérieurement déclaré légal et obligatoire, comme ayant pour objet d'assurer la salubrité et la fidélité du débit dans la vente de la viande, l'arrêté municipal qui défend aux bouchers forains de vendre de la viande provenant d'un bétail quelconque non abattu dans la Cass., 12 nov. 1864, Stréby, [S. 66.1.271, P. 66.

⚫ commune.

673, D. 65.1.455]

48.- On s'explique difficilement la contradiction qui existe entre ces deux arrêts; aussi pensons-nous qu'en général, et sauf le cas spécial dont nous allons parler, on doit s'en tenir au premier, celui de 1869, qui est plus conforme au principe de la liberté de l'industrie. Il faudrait, en effet, pour légitimer l'application du second, que la contrée fût envahie par une épizootie; dans cette hypothèse, en effet, il serait plus facile aux inspecteurs chargés de la police des abattoirs, de s'assurer de l'état sanitaire du bétail lorsqu'il est vivant, et, par suite, de la salubrité de la viande, que lorsque cette viande est introduite après l'abatage, auquel cas l'importateur pourrait supprimer les parties altérées par la maladie épizootique dont l'animal aurait été atteint et dissimuler ainsi l'état d'insalubrité de la viande. C'est, du reste, le motif qui a dicté l'arrêt de la Cour de cassation du 22 sept. 1836, Limoges, [P. chr.]; et, dès lors, c'était avec raison que l'autorité municipale, pour prévenir un danger épizootique, avait interdit l'admission à l'abattoir des bestiaux dans certaines circonstances déterminées. Nous aurons d'ailleurs à faire connaître bientôt les précautions exigées par la loi du 21 juill. 1881, dans le cas d'invasion de maladies épizootiques contagieuses.

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49. L'obligation de tuer exclusivement dans les abattoirs résulte implicitement de leur établissement et de la suppression des tueries particulières, et cette obligation est à ce point rigoureuse qu'il a été jugé avec raison que, lorsqu'un arrêté municipal interdit aux bouchers de tuer ailleurs, le boucher qui a tué un boeuf dans un local particulier ne peut être renvoyé des poursuites sur le motif qu'il lui avait été interdit, par une raison quelconque, d'introduire le bœuf dans l'abattoir. Cass., 22 sept. 1836, précité.

50. Toutefois, le tribunal de police ne pourrait prononcer une peine contre le boucher qui aurait tué un animal sur la voie publique ou dans un local particulier, au cas où cet animal se serait trouvé atteint subitement d'un mal incurable, tel qu'un coup de sang ou une maladie épizootique, ou que, s'étant échappé, il aurait constitué une menace pour la sûreté publique. Dans ces différents cas, en effet, que le boucher eût agi de son propre mouvement, ou sur la demande d'autrui, ou sur la réquisition de l'autorité, on devrait le considérer comme placé sous l'empire de la force majeure et par suite comme irresponsable.

51. - Lorsqu'il existe, dans la commune, un abattoir public, l'autorité municipale a le droit de mettre à la charge des bouchers le balayage et le nettoiement de cet établissement, et l'arrêté pris pour cet objet ne saurait être considéré comme abrogé par ce fait que l'autorité municipale aurait, depuis longtemps, salarié un préposé au balayage sans se récupérer sur les bouchers des frais de ce service. Par suite, les bouchers poursuivis pour n'avoir pas balayé l'abattoir ne sauraient être relaxés par le motif que l'arrêté aurait cessé de leur être appliCass., 27 déc. 1878, Bouchers de Fontenay-le-Comte,

cable. [D. 79.1.186]

52.

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A raison des soins de propreté que nécessitent les abattoirs et du repos qu'il a lieu d'accorder aux agents chargés de leur surveillance, l'autorité municipale a le droit d'interdire aux bouchers d'abattre des animaux les dimanches et jours fériés. Cass., 29 juill. 1882, Durbec, [D. 83.1.367]

53. Une difficulté s'est élevée relativement au droit d'abatage établi par les villes dans les abattoirs. On prétendait que les bouchers ne pouvaient être tenus de ce droit, parce qu'en admettant que la police municipale ait la faculté de les contraindre, par mesure de salubrité, à tuer hors de leur do

micile, elle ne saurait, sans violer les lois fiscales, établir facultativement une sorte d'impôt, prenant du reste sa source dans une restriction, déjà fort gênante, de la liberté industrielle. Mais ces objections ont été mises à néant, d'abord par la loi du 18 juill. 1837, puis par celle du 5 avr. 1884, qui, l'une et l'autre, ont compris positivement, parmi les recettes ordinaires des communes, les produits des abattoirs, d'après le tarif dùment autorisé. Les droits perçus dans les abattoirs, lorsqu'ils ont été régulièrement autorisés par le ministre de l'agriculture, sont donc devenus ainsi un impôt parfaitement légal. — V. suprà, vo Abattoir, n. 25 et s.

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53 bis. En tout cas, le tribunal de simple police saisi d'un procès-verbal constatant que le prévenu a mis en vente des viandes abattues ailleurs qu'à l'abattoir communal, en refusant d'acquitter une taxe municipale d'abatage, ne peut, sans excès de pouvoirs, substituer, sans réquisition nouvelle du ministère public, une autre inculpation à la première, qui ne pouvait donner lieu à l'application d'aucune peine de police, et entrainait l'incompétence du tribunal. Cass., 16 mai 1890, Cyrille, [Bull. off. min. intér., 1891, p. 33] Contrà, Trib. simp. pol. Bourgogne, 17 janv. 1890. Et si le fait relevé par la seconde inculpation n'est pas prévu par l'arrêté municipal que le tribunal a prétendu appliquer, le jugement doit être cassé sans renvoi. Cass., 16 mai 1890, précité.

54. - Les bouchers peuvent avoir des tueries dans l'intérieur de leurs maisons, là où il n'existe pas d'abattoir public, ce qui se produit dans un grand nombre de petites localités. En pareil cas, il y a d'autres précautions à prendre. Si, par exemple, ces tueries n'étaient pas disposées de manière à ce que le sang des bestiaux fût recueilli dans un puisard, ce sang s'écoulerait sur la voie publique et pourrait compromettre la salubrité publique, au maintien de laquelle les maires sont tenus de pourvoir, aux termes de la loi du 5 avr. 1884, qui a reproduit, relativement à cet objet, les dispositions de la loi des 16-24 août 1790. C'est donc avec raison qu'on a considéré comme légal le règlement de police par lequel le maire interdit aux bouchers de laisser écouler sur la voie publique le sang provenant des animaux abattus chez eux. Cass., 18 févr. 1831, Delacourt, [P. chr.] 55. Il a été jugé, en ce sens, que lorsqu'il est régulièrement constaté par procès-verbal que, contrairement à un règlement de police, un boucher a fait écouler du sang dans le ruisseau de la rue et que la preuve contraire n'a été ni offerte ni produite, le tribunal ne peut, sans violer la foi due à ce procès-verbal et sans excès de pouvoir, renvoyer le contrevenant des poursuites, en prenant en considération sa moralité, et sous prétexte qu'il n'est ni dans ses habitudes, ni dans son intérêt de commettre de semblables contraventions. Mème

arrêt.

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56. Il a été jugé, d'autre part, au point de vue de la sécurité publique, que l'arrêté par lequel un maire, pour prévenir des accidents fâcheux, enjoint aux bouchers de tenir leur porte fermée au moment de l'abatage des bœufs dans l'intérieur de leurs maisons et tueries, est pris dans le cercle des attributions municipales. En effet, aux termes des dispositions de la loi des 16-24 août 1790, reproduites par celles de la loi du 5 avr. 1884, le maire est chargé de prendre les précautions nécessaires pour prévenir les événements fàcheux, au nombre desquels on doit placer les dangers que peut faire courir à la population la course, dans les rues de la commune, d'un bœuf échappé de la tuerie, et dont l'instinct de la conservation a allumé la furie. Cass., 3 juin 1823, Carpentier, [S. et P. chr.]

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57. Dans le cas dont il s'agit, le tribunal de police ne peut acquitter les contrevenants à l'arrêté municipal sous le prétexte que la position particulière des prévenus les mettait dans un cas d'exception et empêchait que l'arrêté leur fùt applicable. Il n'appartient pas, en effet, aux tribunaux de police d'interpréter et de modifier les règlements municipaux; si ces actes donnent lieu à des réclamations, c'est devant l'autorité administrative qu'elles doivent être portées. Même arrêt.

58. Ajoutons que la fermeture de la tuerie n'est point la seule précaution prescrite, et que les bouchers sont tenus, lorsqu'ils font traverser des rues à des bestiaux pour les conduire à la tuerie, de prendre toutes les dispositions nécessaires pour éviter les accidents. Si cette prescription n'est point observée, ou s'ils ont occasionné quelque accident, ils peuvent être poursuivis comme contrevenant aux dispositions de l'art. 475, n. 7, C. pén., sans préjudice de la responsabilité civile par eux encourue.

59. Bien que les bouchers soient tenus d'observer les règlements relatifs aux abattoirs, il faut distinguer dans ces règlements les obligations imposées aux bouchers en ce qui concerne les intérêts confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux par la loi du 5 avr. 1884, et celles qui n'ont trait qu'aux intérêts civils de la commune. La violation des premières constitue une contravention de police; la violation des secondes, au contraire, ne peut donner lieu qu'à des réparations civiles. 60. Dès lors, les bouchers ou les fondeurs de suif qui ont négligé de réparer les dégradations provenant de leur fait dans les locaux qu'ils occupent à l'abattoir d'une ville, et mises à leur charge par un arrêté spécial, ne sont, pour ce fait, passibles d'aucune peine, et l'inobservation d'un semblable arrêté ne peut donner lieu qu'à une action civile. Le tribunal de police, devant lequel les inculpés ont été cités, ne peut, par suite, après avoir déclaré que le fait ne constitue pas une contravention, retenir l'affaire et statuer sur les réparations civiles (C. instr. crim., art. 3 et 161). Cass., 4 déc. 1840, Bellefond, [S. 41.1. 670, P. 41.1.605]

§ 3. Des étaux et établissements accessoires.

61. Afin de garantir la salubrité publique, il est indispensable que les viandes étalées et débitées au domicile des bouchers le soient dans des étaux convenablement disposés et appropriés suivant les règles de la police sanitaire. Par conséquent, est légal et obligatoire le règlement par lequel un maire défend aux bouchers d'exercer leur commerce s'ils n'ont, dans leur maison, un étal particulier, ou une boutique, dont il fixe la dimension et la position. Et le tribunal de police ne peut se refuser à réprimer les infractions à un semblable règlement, sous le prétexte qu'il excède les limites imposées par la loi au pouvoir municipal, et que son exécution entrainerait de graves inconvénients (Circ. min. 22 déc. 1825, n. 1). — Cass., 24 juin 1831, Bosseron, [S. et P. chr.]

62. Une ordonnance de police du 15 niv. an XI, rendue pour l'exécution du règlement du 8 vend. de la même année, relatif à la boucherie de Paris, a tracé les règles à suivre pour l'organisation des tueries et des étaux des bouchers. Comme cette ordonnance a servi de guide aux municipalités des autres villes, nous allons en faire connaitre les principales dispositions. 63. En ce qui concerne les étaux, ces établissements doivent être aérés transversalement, tenus avec la plus grande propreté, et avoir au moins 2 1/2 de hauteur et 3 1/2 de largeur sur 4 de profondeur. Il ne doit y avoir dans un étal ni åtre, ni cheminée, ni fourneau, et toute chambre à coucher doit en être éloignée ou séparée par des murs sans communication directe. La fermeture sur la voie publique ne doit être composée, mème la nuit, que d'une grille à barreaux de fer pour faciliter la circulation de l'air extérieur.

64. En outre des dispositions ci-dessus indiquées, une décision du préfet de police, du 4 août 1834, exige qu'à chaque mutation, les étaux des bouchers soient entièrement dallés avec pente et rigole et surélévation du sol de la rue, s'ils ne le sont déjà. Cette disposition, prescrite dans l'intérêt de la salubrité, est aussi exigée expressément pour obtenir la permission de transférer un étal ou de succéder à un boucher.

65. - Les bouchers doivent posséder dans leurs étaux les poids et mesures prescrits par la loi et sont tenus de les représenter, à toute réquisition, aux agents de l'autorité municipale; celle-ci, en effet, est chargée, par la loi du 5 avr. 1884, art. 97, n. 5, de l'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids et à la mesure, et, par suite, a le droit et le devoir de prescrire, par ses arrêtés, la vérification des instruments servant à la vente chez les commerçants; le juge de police ne pourrait donc se dispenser de prononcer les peines portées par la loi contre un boucher qui, contrairement au règlement municipal, aurait refusé de déférer à la sommation à lui faite par le commissaire de police, ou par le vérificateur des poids et mesures, de représenter ses balances. Cass., 3 juill. 1830, VidalGiraud, [P. chr.] — V. infrà, vo Poids et mesures. 66. Les étaux des bouchers ne sont pas les seuls locaux sur lesquels l'autorité municipale a le droit et le devoir d'exercer une surveillance attentive; les établissements accessoires d'une boucherie, tels que les tueries, les échaudoirs, les triperies et les fonderies de suif sont également soumis au contrôle du maire. En effet, ces établissements sont rangés par l'ordon

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RÉPERTOIRE. - Tome VIII.

nance royale du 14 janv. 1815 et par celle du 15 avr. 1838, suivant les cas qu'elles déterminent, dans la classe des établissements insalubres ou incommodes pour l'ouverture desquels il est indispensable d'obtenir une autorisation préalable. Il est donc nécessaire que l'autorité municipale en puisse surveiller consfamment la bonne tenue de façon à faire respecter les conditions de l'autorisation. Suivant l'ordonnance de police du 15 niv. an XI précitée, les tueries et échaudoirs doivent être placés dans une cour bien aérée, bien dallée, et dans laquelle il se trouve un puits ainsi qu'un puisard assez grand pour recevoir le sang des bestiaux; le local doit lui-même être aéré transversalement et présenter au moins 6m de longueur sur 4 de largeur.

67. — Il est, en outre, interdit aux bouchers de jeter sur la voie publique aucune matière susceptible de nuire à la salubrité; ils ne doivent faire couler dans les ruisseaux que des eaux rousses et sans odeur provenant du lavage des tueries. La voirie est déposée dans un endroit à ce destiné et enlevée tous les jours; les eaux sales sont vidées la nuit. Les infractions à ces obligations sont punies des peines portées par l'art. 471, n. 3 et 6, C. pén.

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68. Enfin, l'entrée principale d'une tuerie ou d'un échaudoir doit être facile et commode pour les boeufs et ne peut être commune à aucune autre exploitation.

69.- En ce qui concerne le remisage des bestiaux, il a été jugé à bon droit qu'un tribunal ne peut, sans excéder ses pouvoirs, prononcer des peines contre un boucher, pour avoir remisé des moutons dans son étable située dans l'intérieur de la ville, lorsqu'un fait de cette nature n'est interdit par aucun règlement de police existant. Ce cas n'est, en effet, prévu par aucune disposition pénale. Cass., 14 pluv. an XI, Peyre, [S. et P. chr.] V. aussi suprà, vo Abattoir, n. 35.

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§ 4. De l'approvisionnement.

70. La viande de boucherie est un des éléments principaux de l'alimentation publique. Par suite de l'obligation imposée à l'autorité municipale, d'abord par la loi des 16-24 août 1790, tit. 11, art. 3, puis par la loi du 5 avr. 1884, de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les fléaux calamiteux, parmi lesquels il faut compter la disette des denrées indispensables à la vie, cette autorité doit faire en sorte que l'approvisionnement en viande soit toujours assuré dans la commune dont l'administration lui est confiée, et qu'il soit calculé de manière à satisfaire aux besoins journaliers de la consommation en qualités et quantités, suivant les prix réglés par une taxe, s'il en a été établi une. Cass., 17 mars 1841 (ch. réun.), Coulon, [S. 41.1.199, P. 41.2.380]

71. Par application de ce principe, on doit considérer comme légal et obligatoire l'arrêté municipal qui désigne les animaux que les bouchers doivent offrir à la consommation du public, et qui porte que leurs étaux seront fournis, selon les désirs des consommateurs, de viande de bœuf. Cass., 11 sept. 1840, Coulon, [S. 40.1.981, P. 41.1.42); viande de mouton, brebis et agneau. précité.

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et, en outre, de Cass., 17 mars 1841,

72. La contravention aux arrêtés municipaux rendus pour cet objet ne pourrait, toutefois, donner lieu qu'à l'application des peines de simple police, et l'autorité municipale n'aurait pas le droit, que, jadis, des règlements spéciaux lui conféraient exceptionnellement à Paris, de faire fermer l'étal, qui cesserait, pendant quelque temps, d'être garni de viande, car son pouvoir ne s'étend qu'à la surveillance, mais ne peut aller jusqu'à porter atteinte au droit d'exercer une profession.

73. Au reste, l'infraction à l'arrêté municipal qui prescrit aux bouchers d'avoir leurs étaux suffisamment approvisionnés de viande pour satisfaire aux besoins journaliers de la consommation ne peut être excusée par ce motif que le boucher contrevenant justifierait avoir fait son approvisionnement ordinaire. Cass., 26 déc. 1857, Labriac, [S. 58.1.492, P. 58.1136, D. 58.1.143]

74.... Ni par ce motif qu'il aurait tué la veille une quantité suffisante d'animaux pour satisfaire à la vente présumée du lendemain, qui se serait trouvée plus considérable qu'elle ne devait l'être d'après les prévisions du vendeur. Cass., 12 juin 1856, Gay, [S. 56.1.840, P. 57.605, D. 56.1.381] En effet, de telles allégations, alors même qu'elles seraient exactes, ne sauraient présenter un caractère de force majeure, et les admettre comme

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moyen de défense ce serait rendre vaines les prescriptions de l'autorité municipale auxquelles les bouchers sont tenus de se conformer.

75. - Il a été jugé, depuis la loi du 2 août 1884 sur les vices rédhibitoires, que les vendeurs d'animaux destinés à la boucherie ne sont plus tenus de la garantie exceptionnelle dite garantie nonaire.- Trib. comm. Epinal, 19 août 1884, [Gaz. Pal., 84.2.331]

76. L'obligation imposée aux bouchers, comme condition de l'exercice de leur profession, de satisfaire aux besoins de l'approvisionnement, est impérieuse pour chacun d'eux en particulier, et, à plus forte raison, pour les bouchers d'une ville considérés collectivement. Dès lors, l'acte prendrait un caractère plus sérieux de gravité si le défaut d'approvisionnement, au lieu d'être le fait d'un ou de quelques bouchers isolés, était le résultat d'une convention arrêtée entre tous les bouchers, dans le but, soit de faire hausser les prix de la viande en augmentant les besoins des consommateurs, soit de forcer l'autorité municipale, au cas où elle aurait établi une taxe, à hausser les prix et à modifier la taxe sous la pression de ces besoins.

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77. Il y a ici, toutefois, deux cas à examiner: 1° celui où la vente de la viande est abandonnée, dans la localité, à la libre concurrence; 2o celui où cette vente est soumise à la taxe.

78. Dans le premier cas, le fait par tous les bouchers de s'être liés par une convention consistant à cesser d'être approvisionnés constituerait certainement le délit de coalition prévu et puni par l'art. 419, C. pén., alors que la hausse du prix de la viande s'en serait suivie, car l'hypothèse prévue par l'article précité serait réalisée. V. suprà, vo Accaparement.

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79. Dans le second cas, indépendamment du même délit de coalition, il y aurait encore contravention individuelle de chacun des bouchers, pris séparément, à l'arrêté municipal qui aurait rendu obligatoire la vente de la viande au prix de la taxe. Cass., 3 juill. 1841, Bouchers d'Avignon, [S. 41.1.702] 80. Mais si les maires ont le droit d'exiger des bouchers que leurs étaux soient toujours suffisamment garnis, ils ne peuvent interdire aux habitants de s'approvisionner, ailleurs que dans la commune, de la viande dont ils ont besoin pour leur subsistance personnelle, et l'arrêté municipal rendu à cet effet ne serait point obligatoire. Cass., 11 août 1842, Durand, [S. 43.1.159, P. 42.2.702]

81. Il faut remarquer que cet arrêt considère comme légal le règlement municipal qui interdirait aux bouchers forains et à tous individus autres que les bouchers de la ville, la vente des viandes mortes. Toutefois, il est permis de penser, en s'appuyant d'ailleurs sur la circulaire ministérielle du 22 déc. 1825, n. 4, que cette interprétation tend à consacrer un principe qui parait excéder les limites du pouvoir municipal, et porter atteinte au droit de libre exercice des professions, au lieu de se borner à réglementer cet exercice. Au cas spécial, l'autorité municipale ne peut que surveiller la qualité des viandes mises en vente par les bouchers forains ou les individus autres que les bouchers de la ville.

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82. Au reste, lorsque les règlements de police ont été pris dans les limites des attributions de l'autorité administrative, ils sont toujours obligatoires pour les bouchers tant qu'il n'est pas légalement établi qu'ils ont été rapportés ou suspendus. Ainsi, le boucher qui a contrevenu à un règlement de police portant défense de vendre ou étaler des viandes ailleurs qu'à la boucherie publique, et de conserver dans sa maison des morceaux découpés dont le poids serait inférieur au quart de la pièce entière, ne peut être renvoyé des poursuites sous le prétexte que le maire a suspendu l'exécution de son arrêté, s'il n'est produit aucune preuve écrite ou testimoniale de cette suspension. Cass., 3 mai 1811, Herrebault, [P. chr.]; — 7 déc. 1826, Houel, [S. et P. chr.] 83. Ces deux arrêts ne sont basés que sur le droit de police, qui appartient à l'autorité municipale, d'assurer la fidélité du débit des denrées et leur salubrité, ainsi que l'indique formellement le considérant suivant de l'arrêt du 7 déc. 1826 : <<< Attendu qu'il est du devoir, comme dans les droits du pouvoir municipal, de faire tous les règlements qu'il juge nécessaires sur les objets confiés à sa vigilance et à son antorité; qu'au nombre de ces objets est l'inspection sur la fidélité du débit des denrées... et sur la salubrité des comestibles exposés en vente publique, etc. ». Mais nous pensons que c'est aller au delà du droit de police que de forcer les bouchers à quitter leur domicile

pour exercer ailleurs leur profession; que c'est violer la liberté de leur industrie et, au lieu d'en régler l'exercice, confisquer en partie le droit lui-même sur lequel repose cette industrie. Aussi la doctrine des arrêts précités, qui donnaient une sanction nouvelle à d'anciens règlements municipaux abrogés par les lois des 2-17 mars 1791, nous semble-t-elle contraire aux principes, ainsi qu'au décret du 24 févr. 1858, en ce qu'elle atteint le droit qui appartient à tout citoyen de vendre dans son domicile, en se conformant aux lois de police.

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84. Sans doute, en ce qui concerne les bouchers forains, l'autorité municipale peut leur imposer l'obligation de porter à la halle les viandes qu'ils se proposent de vendre, et qui proviennent d'animaux abattus au dehors. Cass., 19 juill. 1889, Treinel, [S. 90.1.190, P. 90.1.430] V. dans le même sens, Cass., 24 déc. 1880, Le Moal, [S. 81.1.435, P. 81.1.1095]; 1er août 1889, Thuan, [S. 89.1.495, P. 89.1.1216] V. aussi suprà, n. 44.

85. Mais la solution devrait être différente s'il s'agissait, non d'un boucher forain, mais d'un boucher domicilié dans la commune. Cette distinction a été faite en ce qui concerne les marchands de poissons. Cass., 9 mars 1889, Camus, [S. 90. 1.189, P. 90.1.428] V. aussi Cass., 12 juill. 1849, Benon, [S. 49.1.730, D. 49.1.205]

86. Remarquons, à cet égard, que, bien que les arrêtés déférés à la Cour de cassation avant celui qui a donné lieu à l'arrêt du 9 mars 1889, précité, fussent conçus en termes généraux et qu'ils défendissent aux bouchers, notamment, de vendre de la viande ailleurs que dans les halles, la Cour de cassation a toujours pris soin de n'en examiner la légalité qu'au point de vue des faits qui avaient motivé les poursuites, et relativement aux bouchers forains. On peut, dès lors, pressentir la décision de la Cour dans le cas où la question de légalité de pareils arrêtés viendrait à se poser relativement à un marchand domicilié dans la commune. Il faut reconnaître, en effet, qu'au point de vue des intérêts dont les maires ont la garde et la surveillance, la situation est toute différente, suivant qu'il s'agit d'un marchand forain ou d'un marchand domicilié dans la commune. Pour celuici, comme le dit fort bien l'arrêt du 9 mars 1889, la connaissance de son domicile et de son établissement commercial suffit pleinement pour que le maire puisse exercer efficacement l'inspection et la surveillance dont il est chargé; ce serait donc sans nécessité réelle, et, par suite, illégalement, que l'autorité municipale exigerait, dans ce cas, la vente dans les halles ou sur le marché

public. I' y aurait là une violation du principe de la liberté de l'industrie, comme la Cour de cassation et le Conseil d'Etat l'ont reconnu à propos d'arrêtés défendant la vente de comestibles aux enchères dans des locaux privés. V. Cass., 13 juin 1885, [S. 86.1.236, P. 86.1.554]; 5 mars 1887, [S. 87.1.192, P. 87. 1.433] Cons. d'Et., 9 avr. 1886, Merlat, [S. 88.3.5, P. chr.]; - 18 mars 1887, Martin, [S. 89.3.5, P. chr.]

87. De ces arrêts on peut rapprocher d'autres arrêts de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat qui, après avoir reconnu le pouvoir du maire de prescrire que le poisson et le gibier entrant en ville pour y être vendus, devront être apportés sur le marché, réservent le principe de la liberté de l'industrie et le droit pour les marchands de vendre ailleurs qu'au marché. - V. Cass., 9 janv. 1885, Martin, [S. 85.1.328, P. 85.1.787] Cons. d'Et., 18 mars 1887, précité.

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88. Mais, si, au lieu d'exercer le droit de vente à son domicile ou à son étal, un boucher voulait l'exercer sur la voie publique, l'autorité municipale, par suite de l'obligation qui lai est imposée par la loi du 5 avr. 1884,. d'en assurer la sûreté et la commodité, serait bien fondée à interdire ce mode de vente, et pourrait avec raison défendre, par exemple, d'étaler en vente des agneaux sur la voie publique. Cass., 19 avr. 1834, Poc, [P. chr.] 89. Le règlement municipal qui défend aux bouchers forains de vendre des viandes ailleurs que sur les marchés publics et aux places indiquées par l'autorité, et qui en prohibe le colportage dans les maisons particulières, doit, à raison de sa généralité, être entendu en ce sens que le transport à domicile est défendu alors même qu'il s'agit, non de viandes proposées à la vente, mais de viandes livrées en exécution d'une commande antérieure. En vain prétendrait-on que le règlement a toujours été interprété et appliqué dans un sens favorable à ce dernier genre de transport, et produirait-on un certificat du maire constatant que tel est, d'ailleurs, le sens dudit règlement. — Cass.,

25 juin 1851, Patard, [S. 51.1.460, P. 51.2.72, D. 51.1. fait abattre un animal à lui appartenant, le vendre par mor169 ceaux dans son domicile ou sur le marché public. La profession de boucher est devenue libre partout depuis la publication du décret du 24 févr. 1858, et, dès lors, aucun règlement ne pourrait interdire la vente, par un particulier, de l'animal qu'il aurait abattu, sous la condition, toutefois, d'en faire la déclaration à l'autorité locale, afin que celle-ci puisse contrôler la qualité de la viande. - V. encore sur tous ces points infrà, vo Règlement de police.

90. C'est encore par application du principe de la liberté du commerce qu'on a déclaré illégal l'arrêté municipal qui concède à un particulier le privilège exclusif de vendre une certaine espèce de viande. L'exécution d'une semblable concession ne peut être réclamée par aucune des parties. Cons. d'Et., 31 mai 1807, Negro, [Leb. chr., p. 85]

91. La circulaire du 22 déc. 1825, partie n. 5, déclare, en outre, illégale la disposition d'un arrêté qui interdirait la vente de quelques espèces de viandes de boucherie à des époques déterminées de l'année, telles, par exemple, que les vendredis pendant le temps du carême. Une semblable interdiction serait illégale, comme reposant sur un principe contraire à la liberté des cultes. Toutefois, il pourrait être fait exception à cette règle pour le cas où l'existence d'une épidémie ou d'une maladie contagieuse nécessiterait l'interdiction de la vente de certaines viandes susceptibles d'augmenter les dangers ou l'intensité du

fléau.

92.

De ce que les dispositions contenues dans la loi des 16-24 août 1790, tit. 11, art. 3, reproduites dans la loi du 5 avr. 1884, art. 97, ont confié aux maires le soin de veiller à la sincérité du débit dans les ventes de denrées et de marchandises, il suit encore qu'est légal et obligatoire l'arrêté municipal portant que les bouchers ne pourront donner pour surpoids, dit communément réjouissance, ni foie, ni tête, ni jambe, ni pied, ni fressure, et que le surpoids ne devra pas excéder un hectogramme par kilogramme.-Cass., 10 juin 1836, Ducasse, [P. chr.] 93. Ainsi que l'a indiqué la circulaire ministérielle du 22 déc. 1825, partie n. 4, l'autorité municipale n'a pas le droit d'interdire aux bouchers forains l'entrée des marchés de la commune. Toutefois, elle peut déterminer les jours pendant lesquels ces marchands peuvent venir exercer leur commerce, afin que le débit de la denrée soit en harmonie avec les habitudes locales et proportionné aux besoins de la population, et que celle-ci puisse, ainsi, obtenir les résultats efficaces qu'elle a le droit d'attendre du concours des forains.

Cette concurrence, ainsi restreinte aux jours des marchés, satisfait tous les intérêts, et n'empêche pas l'action de l'autorité, puisque celle-ci est toujours à même de surveiller, dans les marchés, l'état et la qualité des viandes mises en vente. Bost, De l'organis. et des attribut. municip., t. 1, p. 331.

94. Lorsqu'un arrêté municipal défend d'enlever de l'abattoir des bestiaux avant qu'ils aient été vérifiés et marqués, le tribunal de police, appelé à statuer sur une poursuite pour un fait d'enlèvement contraire à cette défense, qui est avoué par le prévenu, ne peut s'arrêter, en présence du caractère absolu de la prescription du règlement, à cette allégation que le fait serait imputable à l'agent chargé de la vérification, qui serait venu, le matin, sans ses marques et dont le prévenu aurait attendu inutilement le retour. Cass., 27 janv. 1860, Auboussu, [D. 64.5.24]

95. D'autre part, l'autorité municipale peut, en vertu de ses droits généraux de police, régler la forme des voitures destinées au transport des viandes dans la commune, et défendre de placer dans ces voitures des objets autres que les viandes, abats et issues préparés aux abattoirs, et de telles mesures étant prises dans l'intérêt de la salubrité publique et de la propreté des rues, ne sont pas susceptibles d'être attaquées devant le Conseil d'Etat.

96. La disposition d'un règlement suivant laquelle l'autorité municipale, nonobstant l'autorisation, donnée à l'adjudicataire de travaux de construction de l'abattoir communal, d'entreprendre le transport, dans la ville, des viandes préparées à l'abattoir, reconnaît aux bouchers le droit d'effectuer, avec leur matériel, par eux-mêmes ou par leurs préposés, le transport des viandes destinées à leur étal, n'est pas réputée exclure la faculté, pour les bouchers, d'effectuer ce transport dans des voitures dont ils ne seraient pas propriétaires, et par toute personne agissant sous leur responsabilité. Par suite, c'est à tort qu'on verrait, dans cette disposition, l'établissement indirect d'un monopole au profit des entrepreneurs des travaux de construction de l'abattoir, et une atteinte portée à la liberté du commerce de la boucherie dans la commune. Cons. d'Et., 30 juin 1859, Bouchers de Lyon, [Leb. chr., p. 451]

-

97. On avait élevé la question de savoir si un particulier, n'exerçant pas la profession de boucher, pouvait, après avoir

§ 5. De la taxe.

98. Bien que les administrations municipales aient jusqu'ici conservé le droit, que leur a conféré la loi des 19-22 juill. 1791 de taxer la viande de boucherie, une circulaire émanée du ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, sous la date du 27 déc. 1864, recommande aux préfets d'inviter ces administrations à renoncer à faire usage de ce droit, tant à cause de la difficulté que présente la fixation d'un tarif que de la nécessité d'édicter, pour arriver à l'application de la taxe, des dispositions réglementaires incompatibles avec le libre exercice du commerce de la boucherie. Mais l'intervention des préfets n'a pas toujours eu d'effet utile, et, dans quelques villes, les autorités municipales ont cru devoir persister à user du droit qu'ils tiennent de la loi des 19-22 juill. 1791. II est donc nécessaire de s'occuper ici des règles relatives à l'application de la taxe pour la viande de boucherie.

99.

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- Il a été jugé, à cet égard, que l'art. 30, tit. 1, L. 1922 juill. 1791, reconnaissait à la police municipale le droit de taxer la viande de boucherie; dès lors, il faut considérer comme légal et obligatoire l'arrêté municipal qui fixe le prix de la viande de première qualité. Cass., 17 mars 1810, Forezy, [P. chr.] 100. Toutefois, il convient de faire remarquer que cette taxe, qui, d'ailleurs, blesse les règles de l'économie politique, comme le principe de la liberté du commerce, est contraire, d'abord aux intérêts de l'agriculture, parce qu'elle oblige les bouchers à n'acheter les bestiaux qu'à un moindre prix; puis, à ceux des consommateurs qui ne trouvent, souvent alors, dans les étaux, que des viandes provenant d'animaux de qualité secondaire. En outre, cette taxe favorise bien plus les spéculations des bouchers, en faisant disparaitre la concurrence qui s'établirait nécessairement entre eux, s'ils étaient libres de vendre au prix qu'ils jugeraient convenable. D'un autre côté, tous les animaux de boucherie n'ont point une valeur commerciale égale, et les viandes de veau et de mouton se vendent à un prix supérieur à celui de la viande de bœuf. D'autre part encore, il existe de nombreuses différences de qualité, et conséquemment de prix, entre les animaux d'une même espèce. Enfin, toutes les parties d'un même animal de boucherie n'ont pas une qualité, et, dès lors, une valeur commerciale égale. On voit à combien de difficultés se heurte la taxe de la viande de boucherie, qui, pour ménager tous les intérêts, devrait, dans son tarif, prévoir toutes ces circonstances. Du reste, lorsque nous parlerons de la boucherie parisienne, nous indiquerons plus en détail les conséquences de la taxe, ainsi que les motifs qui l'ont fait établir, puis abandonner par l'administration. V. infrà, n. 221 et s.

101. Mais, en droit, on n'en doit pas moins admettre que les dispositions d'un arrêté qui établit une taxe pour la viande de boucherie rentrent dans les attributions de l'autorité municipale et, comme telles, sont légales et obligatoires.

102.-Quant au refus par un boucher de vendre au prix de la taxe la quantité de viande réclamée par un acheteur il constitue, aussi bien que le fait d'en vendre à un prix supérieur, la contravention réprimée par l'art. 479, n. 6, C. pén., et non point une simple contravention à l'arrêté municipal qui soumet les bouchers à l'obligation de ne vendre qu'à la taxe, contravention prévue et punie des peines portées par l'art. 471, n. 15, C. pén. Cass., 2 août 1856, Drevelle, [S. 56 1.839, P. 57.933] 103. - Mais on ne saurait voir un refus de vendre au prix de la taxe dans le fait de refuser de dépecer un quartier d'animal, lorsque le boucher offre à l'acheteur de lui donner, sur un quartier déjà dépecé, le morceau qu'il désire : dans ce cas, l'ordre public ne se trouve nullement en jeu. Cass., 26 avr. 1861, Aroles, [S. 61.1.1034, P. 61.826, D. 61.1.503] 104. — Est également légal et obligatoire l'arrêté municipal qui ordonne que le prix des viandes débitées sera réglé par des taxes suivant leur nature et leur qualité; que les bouchers sé

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