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QUATRIÈME PARTIE.

DE LA PRONONCIATION DES CONSONNES DANS LE DIALECTE
BLAISOIS.

Je traiterai des consonnes dans l'ordre suivant :

1° De la consonne aspirée H.

2o Des liquides L et R.

3o Des liquides M et N.

4o Des labiales.

5o Des dentales.

6o Des gutturales.

7° Des sifflantes.

CHAPITRE I.

De la prononciation de la consonne H.

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RÈGLE. L'h n'est jamais aspiré dans le dialecte blaisois. On dit l'hasard, l'hache, j'haïs pour le hasard, la hache, je hais. L'h aspiré, aussi ancien que la langue française, me paraît avoir, surtout au moyen âge, dominé en Bourgogne. Le dialecte picard au contraire me semble avoir eu plus de propension à le rejeter;

l'on peut dire néanmoins que jusqu'au deuxième tiers du XVI siècle son influence fut prédominante. Voici par exemple un mot fort usité au moyen âge et que l'on rencontre ici avec, là sans aspiration, dans des auteurs de la même époque, mais de dialectes différents :

Cil qui a l'escu et au hyaume.
(Jubinal, I. p. 85.)

L'iaume lachie, l'espée traite.

(Lai d'Ignaurès, p. 24, dans Burguy, II. p. 227.)

Palsgrave et après lui d'autres grammairiens du même siècle nous ont laissé la liste des mots dont l'h initial était alors aspiré. Il ne paraît pas néanmoins que ni cet usage ait été très répandu, ni l'influence des grammairiens bien puissante, puisque, comme je viens de le dire, je surprends dans un grand nombre d'ouvrages du XVIe siècle des mots où l'h ne conserve pas son aspiration; et cela, non pas seulement dans les écrivains de la Bourgogne, de la Guienne, du Berry et du Lyonnois, pays où, au témoignage de Théod. de Bèze, on ignore complètement l'usage de l'h aspiré, mais aussi dans ceux qui, comme Amyot et Pasquier avoient vécu à la cour, et respiré, pour ainsi dire, sa prononciation. Bien plus, à une époque où l'Académie française commençait déjà à exercer sur le langage un salutaire empire, la règle de l'h aspiré n'était pas encore observée par tous les écrivains, et j'y surprends des infractions jusque dans le cours du XVIIe siècle.

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« L'un des chevaliers occist d'un coup dache ledit duc de Bourgoigne. » (Jeh. Bouch. fol. XXX, recto et verso.)

HAGARD.

Le voilà sur sa garde,

Espiant ses enfans, et d'une gueule hagarde
Frais-nez les engloutit. (J. de Montl. p. 106.)

HAINE, HAÏR.

sans aspiration

(')

Je rencontre dans le livre des Rois ce verbe

« Jo l'haz, pur co que tuz jurs me prophetizad mal et nul bien » (p.

335.)

Nous le retrouvons de même au XVIe siècle :

Il fust chaery de chascun et chescune,

Sans estre hay la de personne aulchune. (Ch. Bourd. p. 36.)
L'haïssant plus que peste. (Brantôme, Dam. gal. p. 215.)
Ell'hait les gens de bien et aux méchans agrée.

(J. de Montl. p. 313.)

Qui sont ses Costilliers?

Guerr', Hain', Opprobr', Estrif le suivans à milliers.
(ld. p. 377.)

<< Joach. Du Bellay, écrit Génin en ses Variations (p. 133) fut un des premiers à se permettre je hais (avec aspiration et sans diérèse). Aussi Ch. Marot, élève de Fontaine, dit-il : La première syllabe du verbe haïr, que tu fais monosyllabe est de deux syllabes divisées, sans diphthongue, comme il appert par le participe et l'infinitif qui sont divisés et ainsi par tous les temps et personnes. >>

Cette assertion de Génin est une erreur. Bien longtemps avant J. du Bellay, l'auteur inconnu de Un miracle de S' Ignace avait écrit avec aspiration et sans diérèse (p. 268):

Je hé tant ces gens crestiens

Que je ne soufferroy pour riens
Qu'en mon règne, etc.

HANNISSEMENT.

« L'hannissement des chevaux.» (Tavannes, pag. 361.)

(1) Cf. Chr. d. d. de Norm. p. 187: qui l'héent, et Lais inéd. p. 67: que je l'hace, Marot aspire l'h; Cf. Ps. XXXI, B.

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HARICOT.

Mais l'hardiesse

Et la prouesse
De ce roy généreux

M'a mis en fuite

Par la poursuite

De son bras valeureux. (Lincy, Ch. hist. II. 505.)

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« Les gens de cour au siècle de Louis XIV ne mettaient point d'h aspiré à haricots; on disait des aricots. » (Siècle du 30 avril 1865.)

Que le peuple d'alors, comme celui d'aujourd'hui, prononçât des zaricots ('), je n'en doute pas; mais les gens de cour, et encore devant Louis XIV, j'en doute fort. J'ignore sur quel fondement s'appuie cette affirmation ; j'ai cité mon auteur, et je le donne pour ce qu'il vaut.

On sait fort bien que ses paroles

Ne sont pas articles de foi.

HASARD.

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Les exemples où l'h dans ce mot perd son aspiration sont si fréquents au XVIe siècle que l'on n'a pour citer que l'embarras du choix :

Où est le corps de Sainct Martin gisant
Le roy Loys après maints grans azars
Ung beau treilliz d'argent donna pesant
Cinq mil sept cens soixante et seize mars.
(Jeh. Bouch. fol. XLVIII, verso.)
... Qui fut cause de l'hasard de la bataille

(Brantôme, Vie de l'emp. Maximilien, p. 23.)

Si quelqu'un chet d'hasard dessous la patte forte
Des lions rugissans. etc. (J. de Montl. p. 258.)

Car contre ces vaillans il y a trop d'hasars. (Id. p. 302.)

(1) V. Intermèd. III. 409, comment l'hôtel Darricau devint l'hôtel des Zaricots.

Ce qui n'empêche pas le même poète d'écrire en conservant à l'h son aspiration :

Que tout va par fortune, au hasard et sans guide.

(Id. p. 105.)

Par une anomalie semblable on dira dans le dialecte blaisois : l'haut d'un peuplier et au haut d'un peuplier; l'hasard et au hasard. Tel mot s'aspire à certains cas qui ne s'aspire point aux autres ('). C'est l'idée que le paysan se fait de l'élégance et de l'harmonie du langage qui, en cette circonstance, comme la plupart du temps, détermine son choix.

HASARDER.

S'il veut tant soit peu s'hazarder (2)
A les vouloir bien regarder.

(Est. Pasq. la Puce.)

Nul n'hasarde volontiers sa vie.

(Tavannes, p. 339.)

Quand non loin des bords odieux
A Junon qui les mit en cendre
Sur l'Hellespont trop furieux
S'hazarda le pauvre Léandre.

(Rec. des poèt. franç. V, p. 14.)

J'iray loger à Paris près de votre hôtel avant m'hazarder de vous voir. (1642; Lettre du bar. de Pujols, reproduite par la Revue des questions historiq. du 1er janv. 1868, p. 180.)

HAUSSER.

Pourvu qu'en vous servant cela n'empesche pas

D'hausser le gobelet, beuvant jusqu'au trépas.

(Poés. choisies, p. 404.)

HAUT. « Du temps de François 1er, dit Génin (Variat. p. 51.), on n'aspirait pas encore l'h de haut. » Cette affirmation est une

(1) Cf. L'Ent. du Dict. p. 147 et suiv.

(2) Pasquier aspire l'h dans hardi, heurt, hauteur, non dans hasard et ses composés.

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