Images de page
PDF
ePub

vés en blaisois avec un sens identique ou restreint; identique, comme bouter, tournevirer (1), hardir usité seulement à l'impératif hardi (*); restreint, comme dans poiser (pouéezer), qui se dit seulement de ceux dont les pieds, en faisant poids, enfoncent dans la boue; trimbaler (pr. trinqueballer qu'on trouve dans Rabelais) qu'on emploie dans un sens méprisant pour flâner (3); dessoler qui signifie briser, mettre en pièces, etc. « Dessoler ce monument. >> (F. Pyat, cité par le journal la France du jeudi 4 mai 1871, p. 3, col. 3).

2o Ceux qui, continuant à être usités en français, ont conservé ou ont contracté une prononciation différente, comme aïder, éméier ou éméjer, breier ou bréjer, chafauder, déniger, jallir, boulir, bécher (dans l'expression donner à bécher pour donner la becquée), envelimer, etc.

3o Ceux qui, continuant à être usités en français, ont contracté un sens différent, comme abimer, qui s'emploie dens le sens d'endommager; serrer dans celui de cueillir (Cf. avec le franç. gêner, étonner).

4° Ceux qui sont inconnus au français moderne, et qu'on ne retrouve pas dans le français ancien, bien qu'ils y aient probablement existé, comme : pouiller (*), c'est-à-dire mettre un vêtement, formé probablement par rétroactivité de son contraire dépouiller; rafistoler, qui signifie arranger, raccommoder, forme corrompue de rabistoquer, usité en Anjou (re-bistoccare) ("); arrigoter (recevoir un objet qu'on vous lance), dérivé sans doute d'un primitif arriger (qui se trouve dans Palsgr. p. 732, arrigere manus,

(1)

En la grand mer où tout vent tourne et vire,
Je suis pour vray la doulente navire, etc.

(François 1er.)
p. 188.

(2) Cf. Mol. Sganarelle, sc. XXI, et J. de Montl.

(3) On trouve trimbaler dans Ph. Chasles, Et. sur l'Allem. au XIXe siècle.

(4) Je trouve bien pouiller dans Palsgrave (p. 615), mais dans un sens tout différent, pediculos tollere.

(5) Voir Palsgr. p. 589: Je bistocque.

dresser les mains pour recevoir), avec l'addition de la terminaison fréquentative oter, très commune en blaisois, et par aphérèse : rigoter.

5o Ceux qui ont un aspect de formation relativement moderne, et que le peuple crée selon les besoins de sa pensée, principalement par l'adjonction de la préposition dé, comme déclouter, décourrouiller, désucrer, dévirer, dégoncer, désenfoncer.

[blocks in formation]

Telle qu'une nonne, il ne déparlait pas;

et un auteur inconnu :

Et je sens, quand je le désaime,

Que j'aime l'autre malgré moi.

(Ph. de la Madelaine, p. 363.)

6o Enfin tous les verbes diminutifs, fréquentatifs ou péjoratifs formés journellement par le peuple à l'aide des terminaisons oter, asser, ailler. La liberté la plus complète paraît régner dans ces créations ('); néanmoins, on n'emploie pas toujours ces terminaisons l'une pour l'autre; les nuances de la pensée et le souci de l'harmonie en déterminent l'usage. Ainsi, buvoter, c'est boire à petits coups et souvent; buvasser, c'est boire souvent, et à petits coups, et à tort, et malproprement; boissailler (on ne dit pas buvailler) se dit de celui qui aime à faire de fréquentes stations dans les cabarets et à provoquer le plus possible les occasions de boire ; en un mot, c'est boire souvent et beaucoup. Buvoter est surtout

(1) « Or, faut-il tousjours avoir mémoire de ce que j'ay diet de la facilité de nostre langage quant à faire recevoir à ses mots le pli qu'il leur plait leur donner; mais il en vient bien mieux à bout, quand il ne faut que suivre l'analyse. Pour exemple, tout ainsi qu'il dit trembloter, pinçoter, beuvoter, ainsi pourra-t-il faire suçoter de sucer.» (H. Est. Précell. du lang. fr.)

diminutif; buvasser, péjoratif; boissailler, péjoratif et augmenlatif. Parloter se dira d'un enfant qui commence à nouer des phrases; parlailler, d'un bavard de carrefour. Celui qui mange peu et souvent, et non sans une certaine grâce, mangeote; celui qui mange souvent et sans propreté, mangeasse; le glouton qui mange souvent et beaucoup à la fois, mangeaille.

Une troisième terminaison fréquentative, et qui indique dans l'action elle-même plus de mouvement et de rapidité, est la terminaison en ouiller. Ainsi, se pater, c'est prendre des mottes de terre à ses souliers en marchant dans un terrain gras ou boueux, c'est s'engluer les pattes dans un sol où l'on enfonce. De là patouiller, mot qui indique admirablement l'action de lever et de baisser le pied le plus rapidement possible pour échapper aux pouéezemáns. Et comme pater, par une extension de sens toute naturelle, s'est appliqué des pieds aux mains, attendu que dans le langage métaphorique de nos paysans les mains sont souvent appelées des pattes, patouiller se dira très bien d'un enfant qui joue avec l'eau, se plaît à la faire jaillir, y trempe tour à tour et en retire ses mains. Le français patauger diffère de patouiller en ce que le premier provoque une idée du dégoût, que n'éveille pas nécessairement le second,

Je découvre patouiller dans Jeh. de Montlyard (p. 149):

Mars, roi tout forcené, qui cruel te tantouilles

Dans le sang espanché, qui de rage patouilles
Parmi les corps occis, etc.

Cf. Nisard, Curios. p. 123.

En français, nous disons d'un renard qui, poursuivi par les chasseurs, s'est réfugié dans son trou: Il s'est terré. Je me demande comment un écrivain français exprimerait en un seul mot l'innocent plaisir des volatiles, surtout des moineaux et des poules, de se coller le ventre contre terre en été, en se tournant et becquetant tour à tour à droite et à gauche, puis la queue écar

tée en éventail, l'œil languissant, de faire à grands coups d'aile voler la poussière autour d'eux. Le blaisois exprime tout cela d'un seul mot, d'un mot charmant, se terrouiller.

De la Conjugaison des Verbes dans le dialecte blaisois.

On a pu voir d'après la conjugaison des verbes avoir et être quelles sont les principales différences qui distinguent les désinences verbales du blaisois de celles du français. Je vais signaler ici les formes particulières qui méritent d'être remarquées parmi les quatre conjugaisons.

PREMIÈRE CONJUGAISON.

1° Les verbes en er, dont la terminaison est immédiatement précédée de deux consonnes, dont la seconde est un lou unr, subissent la métathèse de l'r ou de l'l au futur et au conditionnel, et l'e intermédiaire sonne eu; Ex. : J'entrerai j'enterrai, pron. j'enteurrai; je livrerai = je liverrai, pron. je liveurrai; je soufflerai = je souffelrai, pron. je souffeulrai; il ronflera y ronfelra, pron. y ronfeulra.

=

Le même usage existait dans l'ancienne langue; Ex.:

Et quant enterras dans la cité.

(Rois, p. 33.)

Liverrai lui une mortel bataille.

(Rol. Muller, vs. 658.)

Voir La vie vaill. Bertr. du Guesclin, vs. 15820.

2o Les mêmes verbes, ainsi que ceux des autres conjug. aux personnes terminées en re ou le, ou bien éprouvent la même métathèse à l'ind., à l'impérat., et au subj. prés., aux personnes terminées en e, es, ent; Ex.: Entre donc enter donc, pron. enteurr'doun;

=

livre-le moi =

liver-le moi, pron. liveurr'le moué; souffle-lui = souffel-lui, pron. souffeull'li; ils ronflent à tue-tête = ils ronfelent à tue-tête; pron. y ronfeull'à teue-téete :

Queuverchief, couvre-chef.

(Palsgr. p. 209.)

Que descouvers-tu son...

(Id. p. 546.)

Je offers.

(Id. p. 667.)

Je luy offers moytié argent.

(Id. 625.)

Je couvers de pierre.

(Id. p. 706.)

Je ouvers, je souffers.

(Id. 729.742.)

ou bien suppriment la liquide: Ente doun; live-le moué ou liveul' moué; souffe-li; i ronse à teue-téetc.

Le verbe trouver fait toujours trouverrai, trouverrais :

Nous les trouverrons tous dormant.

(M. du s. d'Orl. vs. 17993.)

3o Le verbe envoyer et son composé renvoyer ont conservé le futur et le condit. de forme bourguignonne, j'envoierai, je renvoierais.

Ces formes se rencontrent dans Montaigne, dans Rabelais, dans Malherbe et jusque dans Corneille ('):

Dieu t'envoiera.

(Palsgr. p. 520.)

Si renvoyeray-je les lettres.

(Ph. de Com.)

Le dialecte blaisois prononce généralement dans ces verbes,

(1) V. Corneille, Nicomède, IV. 5 et V. 5.

« PrécédentContinuer »