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limites de l'ancien monde, et devinrent nécessairement la population primitive des contrées qui bordent l'Atlantique.

Toutefois on ne saurait admettre, malgré l'obscurité profonde qui enveloppe les monuments de de toutes les tribus gauloises, que les Suessions aient été les premiers habitants des bords de la rivière d'Aisne. Pendant plusieurs siècles, tous ces peuples furent nomades: s'occupant uniquement de chasse et du soin de leurs troupeaux, sans demeures fixes, parcourant le pays, et trouvant leur nourriture et leurs vêtements dans la destruction des animaux sauvages, que recélaient leurs vastes forêts, tels que l'élan, l'uroc, le bison, le bœuf, l'âne et le cheval. Ils ne quittèrent la vie errante qu'après avoir appris à cultiver la terre. Alors chaque tribu s'arrêta et commença à bâtir sa ville dans le lieu même où lui parvint cet art précieux de fertiliser le sol, introduit dans les Gaules par la colonie grecque de Marseille. Mais comme la fondation de cette colonie n'eut lieu que 599 ans avant l'ère actuelle, l'établissement des Suessions sur les bords de l'Aisne, ne peut pas remonter jusqu'à 2,400 ans. Il dût, en effet,

s'écouler beaucoup de temps avant que l'agriculture eût pu pénétrer des rivages de la Méditerranée, dans les forêts de la Belgique, et se faire adopter par des hommes presque sauvages, dont elle devait changer les habitudes.

NOM. - On n'a pu découvrir quelle était l'origine ou la signification du nom des Suessions, ni comment ce nom était exprimé en langue celtique, qui était assez probablement celle de ce peuple. Car le mot Suessiones des Romains n'était qu'une expression rapprochée, mais imparfaite, sans doute, du mot celtique, nécessairement altéré par le génie de l'idiôme latin. Notre ignorance sur ce point vient de ce que les anciens Gaulois n'ont rien écrit sur leur pays, et qu'ils n'avaient pour annales que la tradition orale.

ÉTENDUE DU PAYS. — Ce pays qui formait la partie la plus méridionale de la Gaule Belgique, était borné à l'ouest par les Veromands et les Bellovaces; au sud par les Meldes et les Tricasses, peuples de la Celtique et par les Catalauns; enfin à l'est et au nord par les Rèmes, avec lesquels les Suessions vivaient en frères, dans l'alliance la plus intime, soumis aux mêmes lois, ayant les

mêmes usages, et formant ensemble comme un

seul corps

d'état.

Les territoires respectifs de chacun de ces peuples devaient être déterminés, au moins en partie, par des limites naturelles, telles que des forêts et des rivières, à défaut de chaînes de montagnes. On peut retrouver encore la plupart de ces limites, et parvenir à reconnaître l'étendue du pays des Suessions.

A l'ouest, il était fermé par la rivière d'Oise, depuis le confluent de la Lette jusqu'à celui de l'Antomme, par le cours de cette dernière, par le ruisseau d'Auteuil, et par le cours inférieur de l'Ourcq, jusqu'à la Marne. Les forêts de Compiègne et de Villers-Cotterêts appartenaient donc aux Suessions. La rivière du Petit-Morin et la forêt d'Épernay servaient de limites au sud. A l'est, cette même forêt, la rivière d'Ardre et les ruisseaux qui passent à Blanzy, à Revillon et à Bray; enfin le cours marécageux de la Lette fermait sur tout le côté du nord.

Ce

pays avait à peu près 20 lieues de longueur, sur une largeur moyenne de 12 à 13 licues. Il

renfermait douze villes et une population d'environ 200,000 âmes; 800 individus par lieue carrée. Cette évaluation est basée sur ce que les Suessions avaient pu mettre cinquante mille hommes sous les armes, dans la guerre contre les Romains. Ce nombre devait être, avec la masse de la population, dans la proportion de un à quatre (). Comme le pays renfermait beaucoup de forêts, on peut présumer que les habitants se trouvaient concentrés dans les vallées, et plus particulièrement dans celle de l'Aisne, qui était la plus vaste, et présentait avec ses affluents, une superficie qu'on peut estimer à près de trente lieues carrées.

RELIGION. - La religion des Suessions reposait sur l'unité de Dieu, invisible, immatériel, et sur l'immortalité de l'âme. Adorer la divinité, ne point faire de tort à autrui, être brave dans toutes les circonstances; tels étaient les points fondamentaux de toute leur doctrine.

Le Dieu Thaut, duquel ils prétendaient descendre, était regardé par eux comme la divinité suprême; cependant ils admettaient aussi des divinités inférieures, qui présidaient aux différentes

parties de la nature. Mais cette théogonie du second ordre pouvait avoir une origine étrangère et postérieure à la religion antique et primitive que leurs ancêtres avaient apportée du mont Taurus. Peut-être avaient-ils emprunté ces dieux secondaires aux Grecs ou aux Romains, comme ils en avaient reçu l'art de cultiver la terre: César croyait y reconnaître les divinités de Rome et d'Athènes.

Le grand principe de l'immortalité de l'âme dominait toute leur conduite. L'âme, après la mort, passait dans un monde meilleur, elle allait animer un nouveau corps, et goûter, avec toutes les délices de la terre, un bonheur éternel et inaltérable. De ces croyances, il résultait un profond mépris de la mort, une valeur intrépide dans les combats, la passion du duel, l'habitude du suicide : une mort violente était regardée comme la voie la plus sûre et la plus courte pour parvenir à l'éternelle béatitude.

Du reste, point d'idoles, point de temples. Comme les mages de la Perse, ils auraient cru faire outrage à la divinité que de l'abaisser aux frêles et mesquines proportions d'une forme mor

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