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DESARMEMENT DE LA VILLE.

Louis XIV, par une suite de succès, venait de réunir à son royaume l'Artois avec une partie de la Flandre et du Hainault, et un double rang de forteresses couvrait ses nouvelles frontières, Soissons perdit alors toute son importance comme place de guerre, Déjà, en 1656, la plus grande partie de l'artillerie qui servait à l'armement de ses remparts avait été transportée, au nombre de soixante et quelques pièces, au Havre et à Arras. Depuis plusieurs siècles, à la vérité, cette ville n'avait été attaquée que par des Français. Mais la puissance féodale qui avait causé tant d'embarras au souverain et coûté tant de larmes à la nation, n'existait plus. Le gouvernement despotique du cardinal de Richelieu avait vaincu les seigneurs, et la grandeur de Louis XIV les réduisait au rôle de courtisans.

La ville de Soissons cessa donc de faire partie des

places fortes du royaume; elle conserva cependant un gouverneur et un lieutenant du roi en titre, mais sans fonctions. Les fortifications ne furent plus entretenues avec le temps, tous les ouvrages extérieurs disparurent et leurs terrains furent aliénés. On convertit en promenades publiques les remparts du corps de place, en supprimant les parapets qui furent jetés dans les fossés; enfin une partie des talus intérieurs se couvrit de maisons et de jardins appartenant à des particuliers.

Le désarmement de la ville rendit le service de la milice urbaine beaucoup moins lourd; car Soissons n'ayant jamais eu de garnison permanente, c'était à cette milice qu'avait toujours été confiée la garde des portes et des remparts. La diminution du service militaire sembla donner plus d'énergie aux compagnies de l'Arbalète, de l'Arc et de l'Arquebuse leurs réunions devinrent plus fréquentes et elles donnèrent des fêtes fort agréables. On remarqua surtout la fête donnée par la compagnie de l'Arbalète, lorsqu'elle rendit son grand prix, en 1664, aux autres compagnies de la province. Vers le même temps, la

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compagnie de l'Arc de la ville, prenant exemple sur celle de l'Arquebuse, fit élever, dans son jardin, un joli pavillon, dont les vitraux de couleur égalaient en beauté, dit Rousseau-Desfontaines, auteur contemporain, ceux de la salle de l'Arquebuse.

HOPITAL GÉNÉRAL DES PAUVRES.

Les guerres civiles qui avaient désolé le royaume durant la minorité de Louis XIV, et les excursions des troupes étrangères accourues, à plusieurs reprises, au secours des rebelles avaient causé une misère presque générale dans tout le Soissonnais. La ville comptait, dans son sein, beaucoup d'indigents dont le dénûment et l'oisiveté pouvaient devenir une plaie incurable. Le corps de ville, dans la vue d'y apporter un remède efficace, avait formé le projet, vers l'année 1655, de fonder un hospice pour recevoir les mendiants et les vagabonds, ainsi que des

vieillards, des infirmes et des enfants d'ouvriers pauvres; et il avait obtenu, à cet effet, des lettres patentes du mois de mars 1657, par lesquelles le roi, en nommant cet hospice l'hôpital St-Charles, lui accordait les maisons et les biens-fonds affectés aux pauvres, les aumônes d'anciennes fondations et le tiers des amendes et confiscations. Il ordonnait que l'établissement serait administré par l'évêque et six personnes de la bourgeoisie, élues tous les trois ans, en même temps et de la même manière que les échevins; il autorisait les administrateurs à accepter tous legs, fondations et donations aux pauvres; enfin, il permettait d'établir dans ledit hospice un moulin et un colombier.

La mise à exécution de ce projet nécessitait des dépenses beaucoup trop fortes pour les ressources de la ville, déjà diminuées par la construction du couvent des Minimesses; force avait été de l'ajourner. Mais la mauvaise récolte de l'année 1660 vint encore aggraver le mal de tous les fléaux d'une disette. Le prix du blé monta de soixante-quinze livres par muid en un seul jour. Il fallut se résoudre à faire de grands sacrifices.

Tous les corps et corporations de la ville, convoqués en assemblée générale, le projet fut examiné et discuté de nouveau, et chacun reconnut la nécessité et l'urgence de contribuer à cette fondation charitable. On arrêta qu'elle serait pour cent vingt pauvres; moitié vieillards et infirmes des deux sexes, et moitié enfants au-dessus de cinq ans.

Sur les instances du corps de ville, appuyées du crédit de l'évêque, M. de Bourlon, on obtint, pour cet hôpital, la remise d'une partie des biens provenant des anciennes léproseries et maladreries, entre autres la ferme de Cravançon. Cependant, malgré tout le zèle du prélat et des magistrats, les bâtiments, commencés en 1661, ne furent achevés qu'en 1730. Il fallut donc soixantedix ans pour donner un asile à cent vingt malheutandis que quelques années avaient sutfi pour construire un monastère capable de recevoir une soixantaine de Minimesses. Il est vrai que les bâtiments de l'hôpital reçurent, tant bien que mal, leurs habitants longtemps avant d'être complétement achevés.

reux,

Vers cette même année 1730, on s'occupa

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