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religieux de Soissons fut gaspillé, ou devint la proie de cette tourbe de pillards qui avaient envahi toutes les parties de l'administration publique. Quelques objets précieux furent heureusement soustraits à leur rapacité, et, grâce à cette pieuse prévoyance, l'église de Soissons peut encore offrir, aujourd'hui après la tempête, les reliques de ses deux apôtres à la vénération de ses fidèles.

La vente, quoiqu'à vil prix, des biens-fonds du clergé, dont des parties considérables touchaient presqu'aux portes de la ville, ne profita point à ses habitants; les cultivateurs qui tenaient ces biens à ferme ou des agents de la république s'en rendirent généralement acquéreurs, et la ville perdit sans retour les ressources que lui procuraient les revenus de l'église, lesquels étant dépensés, sinon en totalité, du moins en grande partie dans ces murs, donnaient du mouvenent à la circulation de l'argent et au commerce. Il est vrai qu'on lui promit une somme de cent mille écus sur le produit de la vente des biens nationaux; mais cette promesse, faite pour gagner sans doute les Soissonnais au nouvel ordre de

choses, ne fut point remplie et la ville n'en reçut jamais un seul écu.

La caisse centrale de l'ancienne généralité avait été maintenue à Soissons, bien qu'elle fût devenue celle du département de l'Aisne. Un arrêté de l'administration départementale ayant ordonné que cette caisse fût transférée à Laon, les Soissonnais conçurent un vif déplaisir de cette mesure; elle leur rappelait toutes les pertes que leur ville avait éprouvées. Saisissant l'occasion des tentatives faites par les Girondins de soulever les départements contre la convention, pour se venger de cette administration qu'ils suspectaient de leur être défavorable, ils s'opposèrent à l'exécution de l'arrêté, et la dénoncèrent comme coupable de mollesse et d'incivisme. Une députation fut envoyée à la convention, qui l'admit à sa barre le 25 juin 1793. Lherbon, officier municipal et l'un des membres les plus influents de la société populaire, porta la parole. « Citoyens, dit-il, les ennemis de la liberté ont été trompés dans leurs coupables espérances. Nous applaudissons au courage que vous avez montré en écartant de votre sein les perfides représentants du peuple

(les Girondins) qui, par leurs clameurs, retardaient vos travaux. C'est en vain qu'on appelle la guerre civile; il y a dans toute la république beaucoup de braves républicains qui veillent pour la liberté. La ville de Soissons en a donné l'exemple. Elle a voué au mépris les écrits liberticides des Condorcet, des Jean de Bry, des Perrin, etc. Les citoyens de Soissons sont restés fermes dans leurs principes. Nous sommes venus dénoncer, au nom de la société populaire de Soissons et de tous les habitants, l'inertie coupable de l'administration du département.....

« Nous vous demandons l'approbation des mesures que nous avons prises relativement aux arrêtés du département, auxquels nous avons refusé d'obéir. Nous prions la convention nationale d'ordonner que les quatre mille fusils qui sont dans les magasins de Soissons, soient réparés pour nous être donnés en place de ceux que nous avons cédés à nos frères qui ont été combattre les ennemis de la république. Nous demandons, enfin, qu'il nous soit accordé trente mille livres sur les cent mille écus qui nous reviennent de la vente des biens nationaux. >>

La députation fut admise à l'honneur de la séance; mais sa démarche n'eut point le résultat qu'on s'en était promis. La convention, devinant facilement le motif secret qui faisait agir les Soissonnais, maintint les ordres de l'autorité supérieure, qu'il fallut exécuter, et Lherbon fut arrêté, peu de temps après, et transféré dans les prisons de Paris. La société populaire ayant pris chaudement la défense de son mandataire, l'agent national du district saisit ses papiers et plusieurs de ses membres allèrent grossir le nombre des détenus qui peuplaient le collége. Cet établissement n'avait point échappé aux réformateurs : les Oratoriens chassés et les classes fermées, son vaste bâtiment transformé en maison d'arrestation, avait reçu les personnes auxquelles les révolutionnaires donnaient les noms de suspects et d'aristocrates, pour avoir un prétexte de les persécuter; heureux quand elles en étaient quittes avec la perte seulement de leur liberté. On distinguait parmi celles que frappa cette honorable proscription MM. de Clamecy, ancien maire; Menesson, échevin; Brocheton, député à l'assemblée constituante; Blein, procureur général du dépar

tement Quinquet, procureur du district; le mar quis de Puységur, avec sa femme et ses enfants : Dutour de Noirfosse, major général de l'armée française dans l'Inde; le général de Beaurepaire ; Mme l'abbesse de Notre-Dame; des chanoines, etc..., en un mot, l'élite de la population soissonnaise.

Soit crainte, soit désir de sauver ceux de ses membres qui étaient incarcérés, la société populaire prit le langage du républicanisme le plus pur. Elle envoya une nouvelle députation qui se présenta, le 30 janvier 1794, à la barre de la convention. «<Législateurs, dit l'orateur de la députation, un système affreux d'oppression règne dans la ville de Soissons. Les meilleurs patriotes sont incarcérés. On a tenté de dissoudre la société populaire..... » Après s'être plaint de la conduite de l'agent national Paillet, et de l'arrestation du patriote Lherbon, l'orateur continue ainsi« Le motif bien réel de cette persécution, c'est la guerre faite par la société populaire aux intrigants, aux modérés, aux fédéralistes, aux aristocrates, à ces hommes à jamais exécrables qui avaient signé pour la conservation du tyran

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