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La nuit désastreuse du 5 mars avait vu détruire toutes les archives municipales, ainsi que celles du greffe du tribunal civil de première instanee; c'était une perte irréparable. Fort heureusement que les premières avaient été laborieusement compulsées par le chanoine Cabaret et par M. Fiquet et qu'on retrouve dans leurs Mémoires tous les renseignements historiques que renfermaient ces archives; mais il fallut rétablir les registres de l'état civil, ce qui ne fut pas sans inconvénients: un malfaiteur, nommé Cognard, échappé du bagne, qui avait pris le nom de Pontis, comte de Ste-Hélène, en profita pour se faire délivrer, en 1816, un acte de naissance, sous ces nom et qualité.

La mairie fut d'abord installée dans une maison particulière de la rue Richebourg, puis transférée, en 1816, dans le rez-de-chaussée du bâtiment de la sénatorerie, auquel on avait donné le nom de Palais de la Couronne, quoiqu'il ne fit pas partie des biens affectés à la liste civile du roi ; mais dépendît de la dotation de la chambre des Pairs comme provenant de celle de l'ancien Sénat.

INVASION DE 1815.

Napoléon, impatient de ressaisir le sceptre qu'il avait perdu, et se sentant trop à l'étroit dans l'île d'Elbe, où il était relégué, avait reparu sur le sol, français et réveillé tout ensemble l'enthousiasme de sa vieille armée et les alarmes de l'Europe. Un nouvel orage se forme contre la France qui s'était précipitée de rechef dans la guerre, sur les pas de l'homme dont l'ambition l'avait accablée de désastres, après l'avoir rassasiée de gloire. Mais elle ne se ressouvenait que de la gloire, les désastres étaient oubliés. Le commandant Gérard, que le roi avait élevé au grade de colonel, en récompense de sa belle défense de 1814, et le capitaine du génie Bergère, reçurent de nouveau la mission de défendre Soissons. On travailla sans relâche à compléter les ouvrages qui n'avaient pu qu'être ébauchés l'année précédente.

Les terrassements des parapets, traverses, cavaliers, etc., achevèrent de bouleverser les promenades des remparts, si agréables auparavant. Les beaux arbres, qui couvraient de leur ombrage le jeu de paume et le Mail, furent abattus jusqu'au rond-point, pour en faire, comme de ceux des remparts, des palissades, des barrières, des chevaux de frise, et pour mieux découvrir la plaine de Crouy et les abords de la porte de Laon, sur lesquels le cavalier de St-Pierre à la Chaux avait un grand commandement.

Après la funeste bataille de Waterloo, les armées étrangères s'étaient précipitées sur le territoire français. Soissons pouvait craindre de voir l'ennemi insulter de nouveau ses remparts; mais tout avait été préparé pour une vigoureuse résistance. La garnison se trouvait grossie d'un grand nombre de militaires revenus isolément de l'armée. Déjà même on s'apprêtait à détruire quelques maisons, entre autres la poste aux chevaux, qu'on avait laissée rebâtir aux abords de la porte de Paris. Cette destruction qui eût été en pure perte, fut arrêtée, gràce à l'intervention du géné– ral comte d'Erlon, qui passait par Soissons.

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Toutes ces défenses locales et partielles, quelque honorables qu'elles fussent, ne pouvaient plus conjurer la tempête: le coup frappé à Waterloo était trop terrible pour que Napoléon s'en pût relever, et une résistance désespérée n'eût fait qu'aggraver les maux qui fondaient sur la France, coupable de s'être rendue le docile instrument du despotisme impérial, après avoir ébranlé, durant dix ans, tous les trônes avec ses doctrines démocra tiques.

La marche rapide des armées étrangères sur Paris, à la suite des troupes françaises, et la prompte reddition de cette capitale, préservèrent Soissons d'une attaque; néanmoins, elle fut bloquée par les alliés jusqu'au 17 juillet, époque où la garde nationale et la garnison reconnurent l'autorité du roi et reprirent la cocarde blanche. Dès ce moment les communications furent libres. On cessa de se regarder comme ennemis; mais le passage au travers de la ville fut refusé à des corps de troupes prussiennes qui se présentèrent à la porte de Rheims quelques jours après. Ces troupes furent obligées d'aller gagner la route de Paris, en passant au bas de St-Jean.

Le 6 août, éclata une émeute militaire. Le colonel Gérard, commandant supérieur, avait invité à dîner le général des troupes russes cantontonnées dans les environs de Soissons, et dont le quartier général était au village de Fontenoy. Ce général arriva sur les trois heures de l'aprèsmidi, accompagné de son état-major et d'une escorte de cavalerie. Aussitôt le bruit se répand que la ville va être remise aux alliés et que le commandant doit partir furtivement sans faire payer la garnison, qui a l'ordre de se rendre au licenciement de l'armée de la Loire. Ces rumeurs, inventées et propagées par la malveillance, sont accueillies des soldats et de quelques officiers. Le soir, au moment de battre la retraite, ils forcent les tambours de battre la générale, et en peu d'instants toute la garnison se trouve réunie en armes sur la grande place, où règne une extrême confusion. Le commandant supérieur, informé de ce qui se passe, quitte ses convives et se rend au lieu du rassemblement; mais il est accueilli avec des murmures et des clameurs. Vainement cherche-t-il à ramener à leur devoir ces hommes égarés, ses paroles restent sans effet,

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