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nombre d'articles, l'industrie et la navigation étant encore dans leur enfance, il était fait par des marchands ambulants pour la plupart Italiens ou Flamands. Ils étaient obligés de déballer leurs marchandises et de les mettre en vente dans la grande salle de l'hôtel du Change, et payaient un droit qui faisait partie des revenus du comte, auquel l'hôtel appartenait. Ce seigneur percevait aussi un droit de place à la halle et un droit de mesurage dans toute la juridiction de la com

mune.

Il se trouvait alors, à Soissons, une hôtellerie dite de la Grosse Téte, qui a été longtemps en renom. Elle occupait l'angle sud-est des rues de la Burie et de St-Nicolas, et se trouvait adossée au mur de la petite cité. Aujourd'hui elle n'existe plus; mais son nom est resté au carrefour où elle était placée et à la fontaine qui y fut établie postérieurement. Cette hôtellerie appartenait au chapitre et devait être déjà fort ancienne, puisqu'il avait fallu la reconstruire vers l'an 1370. En cette occasion, Marie de Coucy, fille d'Enguerrand VI, fit don de 200 florins au chapitre. Il est probable qu'elle dut son origine au désir des chanoines

d'avoir, dans leur juridiction, une maison destinée à recevoir principalement les gens d'Église qui passaient à Soissons, et qu'ils ne pouvaient plus héberger convenablement, chacun d'eux vivant séparément depuis l'incendie de leur maison

commune.

On ne trouve aucun renseignement sur la popution de Soissons à cette époque; mais elle devait avoir été considérablement diminuée par la peste noire qui enleva, durant le XIVe siècle, un tiers des habitants de l'Europe, et fut suivie d'une si horrible famine que les hommes étaient réduits à se nourrir d'écorces d'arbres. Si, comme on le rapporte, l'abbaye de St-Jean des Vignes perdit alors trente-huit de ses religieux, combien la mortalité ne dut-elle pas être comparativement plus considérable parmi le peuple, qui n'avait pas les mêmes ressources pour lutter contre ces terribles fléaux ?

VIEUX USAGES.

Pendant ces temps de calamités, les faibles lúmières que n'avaient point encore étouffé, ni les invasions des barbares, ni les fréquentes guerres intestines des seigneurs féodaux, n'avaient pu se communiquer aux populations, et dix siècles d'ignorance et d'abrutissement avaient donné naissance à une foule de pratiques grossières, dont la plupart se rattachaient aux cérémonies religieuses. Sans parler de la fête des fous, de la messe de l'âne, et d'autres extravagances semblables qui avaient lieu dans un assez grand nombre d'églises de France, il existait encore à Soissons plusieurs pratiques particulières. Voici quelques-unes des plus remarquables :

Le jour des Rameaux, au retour de la procession, on faisait une station devant le portail de la cathédrale, pendant laquelle un diacre monté sur la galerie extérieure, chantait la passion. L'évêque

se tenait debout au milieu de la place; il avait des bourses pleines de monnaie pendues à sa ceinture, et les pauvres venaient y prendre ce qu'ils voulaient.

On lisait dans un des anciens registres du chapitre de la cathédrale, les deux ordonnances suivantes:

Le jour du mardi gras, les Vêpres seront chantées à ́une heure, pour se transporter ensuite à notre hôtellerie de la Grosse Tête, et y voir passer les masques : il sera dressé, à cet effet, devant ladite hôtellerie deux théâtres : l'un pour nous (les chanoines) et l'autre pour notre bas chœur.

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« Le jour de la Nativité de la Vierge, trois chanoines se transporteront, accompagnés de notre bailli et des officiers de notre justice, au village de Villemontoire pour donner un pourpoint (ancien vêtement) à celui qui fera la plus belle grimace sur le théâtre de la place!

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On lisait aussi, dans un vieux recueil du chapitre de St-Pierre au Parvis, que le jour de la fête des Prés, les religieuses de l'abbaye de NotreDame et les chanoines de ce chapitre, allaient en

procession à la croix des Prés de St-Crépin, et qu'après y avoir fait les prières usitées, les chanoines et les religieuses dansaient tous ensemble autour de la croix. A leur retour, chaque chanoine portait sur la tête, en guise de voile, une grande pièce de lard que lui avait donnée l'abbesse de Notre-Dame à titre de rétribution pour son assistance à la procession.

Ces usages ridicules et ces étranges cérémonies, qui cachaient peut-être dans leur origine un sens mystique, dont l'explication n'est point parvenue jusqu'à nous, ont disparu peu à peu, et ont cessé de profaner la pureté du culte et la majesté des rites sacrés.

Maintenant, nous allons arriver à l'un des événements les plus dramatiques et les plus désastreux des annales de Soissons.

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