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tête aux secours que le duc de Bourgogne aurait pu envoyer, et qui ne pouvaient arriver que par ce côté. Le corps de réserve fut aussi chargé de l'attaque du faubourg St-Vaast et de l'abbaye de St-Médard, où les Soissonnais avaient mis une petite garnison.

Le quartier du roi fut établi dans l'abbaye de St-Jean des Vignes. Celui du dauphin et du duc d'Orléans, dans l'abbaye de St-Crépin en Chaye. Le duc de Bourbon occupait l'abbaye de StEtienne, et tous les autres chefs étaient répandus autour de la ville, à proximité de leurs troupes.

De leur côté, les assiégés n'avaient rien négligé pour augmenter leurs moyens de défense. L'armée royale faisait encore le siége de Compiègne, que déjà ils avaient démoli et incendié tous les édifices qui avoisinaient, à l'extérieur, les murailles de la ville, afin d'en mieux découvrir les abords, et d'ôter à l'ennemi tout couvert qui pouvait favoriser ses approches : églises, monastères, maisons, cabanes, tout avait été rasé jusqu'au sol, et ce qui restait des anciens faubourgs fut enveloppé dans la même ruine. Tous les villages, à plusieurs lieues à la ronde, avaient été pil

lés pour approvisionner la ville et priver l'armée royale des ressources qu'elle aurait pu en tirer. En un mot, rien n'avait été négligé pour assurer la défense, soutenir un long siége, et rebuter l'armée du roi. On avait fait sortir de la ville beaucoup de bouches inutiles. L'évêque et son chapitre s'étaient retirés au Mont Notre-Dame, soit qu'ils désapprouvassent la révolte des Soissonnais, soit qu'ils voulussent s'éloigner du théâtre de la guerre.

Avant de commencer les travaux du siége, le roi, toujours porté à la clémence, quand sa maladie le rendait à lui-même, voulut encore essayer des moyens de douceur pour fléchir l'indomptable obstination des habitants. Il leur envoya une troisième sommation, avec menaces d'user envers eux de la plus grande rigueur s'ils n'obéissaient pas sur-le-champ à ses ordres. Mais telle était l'illusion qu'ils se faisaient sur leur courage et sur leurs moyens de résistance que cette sommation ne fut pas mieux accueillie que les deux premières. Bournonville, parlant toujours au nom de tous, fit une réponse semblable aux précédentes; ajoutant que la garnison, composée de trou

pes au service du duc de Bourgogne, tenait, par le droit de la guerre, une ville qui appartenait au duc d'Orléans, son mortel ennemi (5).

Alors on décida, dans le camp royal, que le siége serait poussé avec toute la vigueur possible, afin que l'armée pût ensuite profiter de la belle saison, et porter la guerre en Flandre. Cette résolution fut saluée par des cris de joie les seigneurs, indignés de la manière dont on les avait traités, voulaient, par un grand exemple de rigueur, ôter aux autres villes, qui tenaient encore pour le duc de Bourgogne, l'envie d'imiter Soissons; et les troupes jouissaient aussi par avance du pillage de la ville rebelle.

Il y eut plusieurs attaques. La principale fut dirigée contre la partie de l'enceinte, à gauche de la porte Bara, où se trouvait une grosse tour, sur laquelle était peint un ange. Le 12 mai, on commença à faire jouer l'artillerie. Cette arme, encore dans son enfance, ne se composait que d'un très-petit nombre de pièces de gros calibre, appelées Bombardes. Les assiégeants placèrent la plus forte de leurs bombardes, nommée la Bourgeoise, à l'attaque principale, où elle fit

d'autant plus de ravages, que les assiégés n'avaient point de bouches à feu pour la contre-battre. En huit jours une brèche considérable fut pratiquée dans la muraille, et la grosse tour fortement endommagée.

Pendant que la ville était vivement battue, et que ses murailles entamées ouvraient plusieurs passages à l'ennemi, la garnison de St-Médard se rendait à discrétion, sans avoir presque soutenu de combat, quoique l'abbaye eût pu faire une bonne défense. Le duc de Bourbon fait ensuite attaquer, par escalade, le faubourg St-Vaast. Brûlant de venger la mort de son frère, il prend lui-même une échelle et parvient, l'un des premiers, au haut de la muraille; mais au moment où il va saisir les crénaux, une flèche l'atteint à la gorge et le renverse dans le fossé, d'où ses gens le retirent tout froissé et baigné dans son sang. La chute du général, ses blessures redoublent la fureur des troupes. L'enceinte du faubourg est escaladée de toutes parts. Au nombre et à l'acharnement de leurs ennemis, les assiégés opposent un admirable courage, presque tous se font tuer à leur poste. Le faubourg est emporté

après une lutte des plus meurtrières, et les faibles débris de la garnison se retirent dans la ville par la porte du Châtelet qui protége leur retraite et arrête le vainqueur.

La perte du faubourg porta un coup mortel aux révoltés. Bon nombre de leurs meilleurs soldats y avaient péri; elle leur enlevait aussi toute espérance de secours, dans le cas même, où le duc de Bourgogne voudrait remplir la promesse qu'il leur avait faite. En effet, l'armée royale étant maîtresse du faubourg, il fallait, pour pénétrer jusqu'à la ville, une bataille suivie d'une victoire complète, et cette bataille, il n'était pas en état de la risquer. Dès lors les assiégés se convainquirent que tous leurs efforts ne pouvaient plus que retarder de quelques heures la prise de la ville. Ils dépêchèrent un messager vers le duc de Bourgogne ; mais il fut pris par les troupes royales, et l'on trouva sur lui plusieurs lettres dans lesquelles les bourgeois mandaient au duc: « Vous saurez, Monseigneur, que nos ennemis << nous tiennent étroitement assiégés de toutes parts, et que nous ne pouvons pas longtemps

«

«

résister contre eux. C'est pourquoi nous vous

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