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REPRÉSENTÉ AU THEATRE-FRANÇAIS,

LE 22 NOVEMBRE 1832.

PARIS. IMPRIMÉ PAR BÉLINE ET PLON.

OEUVRES

DE

VICTOR HUGO,

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.

LE ROI S'AMUSE.

DRAME.

Nouvelle Édition.

PARIS.

E. MICHAUD, ÉDITEUR,

BOULEVARD SAINT-MARTIN, 2;

Et au siége de la Société pour l'exploitation des Œuvres de Victor Hugo, chez Duriez et C

RUE MONSIEUR-LE-PRINCE, 19.

1843.

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L'apparition de ce drame au théâtre a donné lieu à un acte ministériel inouï.

Le lendemain de la première représentation, l'auteur reçut de M. Jouslin de la Salle, directeur de la scène au Théâtre-Français, le billet suivant, dont il conserve pré-· cieusement l'original :

<< Il est dix heures et demie, et je reçois à l'instant l'or» dre de suspendre les représentations du Roi s'amuse. » C'est M. Taylor qui me communique cet ordre de la » part du ministre.

>> Ce 23 novembre. >>

Le premier mouvement de l'auteur fut de douter. L'acte était arbitraire au point d'être incroyable.

En effet, ce qu'on a appelé la Charte-Vérité dit : « Les

'Le mot est souligné dans le billet écrit.

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Français ont le droit de publier........ » Remarquez que le texte ne dit pas seulement le droit d'imprimer, mais largement et grandement le droit de publier. Or, le théâtre n'est qu'un moyen de publication comme la presse, comme la gravure, comme la lithographie. La liberté du théâtre est donc implicitement écrite dans la Charte, avec toutes les autres libertés de la pensée. La loi fondamentale ajoute « La censure ne pourra jamais être rétablie. » Or, le texte ne dit pas la censure des journaux, la censure des livres, il dit la censure, la censure en général, toute censure, celle du théâ◄ tre comme celle des écrits. Le théâtre ne saurait donc désormais être légalement censuré.

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Ailleurs, la Charte dit : « La confiscation est abolie. » Or, la suppression d'une pièce de théâtre après la représentation n'est pas seulement un acte monstrueux de censure et d'arbitraire, c'est une véritable confiscation, c'est une propriété violemment dérobée au théâtre et à l'auteur.

Enfin, pour que tout soit net et clair, pour que les quatre ou cinq grands principes sociaux que la révolution française a coulés en bronze restent intacts sur leurs piédestaux de granit, pour qu'on ne puisse attaquer sournoisement le droit commun des Français avec ces quarante mille vieilles armes ébréchées que la rouille et la désuétude dévorent dans l'arsenal de nos lois, la Charte, dans un dernier article, abolit expressément tout ce qui, dans les lois antérieures, serait contraire à son texte et à son esprit.

Ceci est formel. La suppression ministérielle d'une pièce de théâtre attente à la liberté par la censure, à la propriété par la confiscation. Tout notre droit public se révolte contre une pareille voie de fait.

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