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de la maison de Lenoncourt, chacun de ces trois espérant recevoir honneste salaire et bonne récompense de la trahison qu'ils feroyent au Roy de Navarre leur maistre; dont l'un en peu de jours fut fait comte, chevalier de l'ordre, conseiller du conseil privé et gouverneur de quelque particularité de Guyenne ; les deux autres, cardinaux par fantasie (1).

Ledit seigneur Roy de Navarre apprint en ceste escolle à mespriser la Roine sa femme, haïr monseigneur le prince de Condé son frère, pourchasser mal à tous ses amis et serviteurs, desquels il avoit grand nombre à cause de la religion chrestienne et réformée qu'il sembloit avoir embrassée; de sorte que, incontinent estant rengé du costé du triumvirat, fait ou bien souffre faire en son nom et authorité une infinité de violences qui tendoyent non seulement à la rupture de l'édit de janvier, mais aussi à la subversion et totale ruyne de la couronne et estat de

France.

Possédans lesdicts conspirateurs le Roy de Navarre, et le ménant selon leurs effrenées volontez, s'efforcent tant qu'en eux feust de diminuer l'authorité de la Roine et se prévaloir du nom et authorité du Roy, duquel nud et sans armes s'esto yent emparez avec armes et forces.

Cependant les chefs de ceste conspiration n'oublient

Christ., 2e édit., t. II, col. 1204, no xcii, ni la date de la mort du prédécesseur de Charles d'Escars, ni le temps auquel celui-ci fut fait évêque. Il y est dit seulement qu'il siégeait en 1864. Ce passage prouve qu'il était déjà évêque de Poitiers en 1562.

L'évêque d'Auxerre se nommait Philippe de Lenoncourt; il fut depuis auchevêque de Reims.

(1) C'est-à-dire cardinaux en imagination, en espérance. L'évêque d'Auxerre fut fait dans la suite cardinal, mais celui de Poitiers ne l'a point été.

rien pour mettre de point en point en exécution leurs mauvaises affections, pour parvenir au but de leurs entreprises, ayant par pratiques et menées amené à leur faction presque tous les gouverneurs et lieutenans de Roy, en tous les païs de la France.

La Champagne et Bourgongne, à Wassy et à Sens, se sont ressentis de ceste vilaine entreprise. La Picardie n'en a esté exempte, car à Abevile, M. de Haulcourt, gouverneur dudit lieu, y fut tué, avec quelques autres, par les habitans mesmes. Amiens et Beauvais, et autrés villes de ce gouvernement là, ont essayé pareille cruauté. Qu'a-on oublié d'inhumanité dans la ville de Paris, depuis leur conspiration jurée? L'air, le feu, l'eau et la terre rendront suffisant tesmoignage des massacres inhumains et barbares qui y ont esté faicts; et ce, soubs deux mareschaux de France, assavoir, de Termes et Brissac, gouverneurs dudict Paris et Isle de France; le premier desquels ne peut demeurer long-temps audict gouvernement, à cause qu'il estoit trop doux et moins carnacier.

Touraine, qui est sous le gouvernement d'un prince du sang (1), avec le Maine et Anjou, ont couru la mesme carrière. Poictou et toute la Guyenne n'ont pas eu meilleure condition. Le Daulphiné, la Provence et le Languedoc ont aussi bien senti les verges de Dieu. Mais où on a veu plus faire d'iniquité, ç'a esté aux gouvernemens où commandoit le triumvirat, comme en Daulphiné, gouvernement du duc de Guyse; en Lyonnois, Forest, Bourbonnois, etc., où estoit gouverneur lieutenant de Roy le mareschal de Sainct-André; en Languedoc, où commanidoit pour lors le connestable.

Cependant M. le prince de Condé se voyant en la

(1) Le duc de Montpensier.

male grace du Roy de Navarre son frère, nominément pour le faict de la religion, à la poursuite du triumvirat; cognoissant aussi la facilité dudit Roy son frère et comment il se laissoit mener pár ceux qui peu auparavant l'avoyent mis au danger de son honneur et vie; prévoyant aussi qu'ils ne tendoyent à autre fin qu'à un changement d'estat, en advertit le Roy de Navarre son frère, lequel, rejettant bien loin ses admonitions et remonstrances, luy dit qu'il ne se devoit tant formalizer pour l'évangile et que les ministres estoyent faiseurs de menées; ce que mondit sieur le prince print tellement quellement, pour l'honneur, amitié, revérence et obéissance que tousjours il avoit portée audit Roy de Navarre son frère. Cependant divers bruits se sèment par la France du massacre qu'on devoit faire de ceux de la religion réformée, et que les estrangers qui sont contraires à icelle donneroyent secours audit duc de Guise. Brief, on ne parloit plus du Roy ni de la Royne ; l'authorité du Roy de Navarre estoit amortie par la tyrannie du triumvirat, l'estat de la Royne n'estoit pas asseuré. Les bons trembloyent, les meschans s'en orgueillissoyent, les factieux grandissoyent en courage, et, en un mot, n'y avoit plus de seureté en France pour les gens de bien.

La Royne (qui regardoit plus loin par sa prévoyance accoustumée) conceut quelque jalousie de ce gouvernement, s'y voyant mesprisée et que seulement on y empruntoit le nom du Roy pour s'en servir à mal faire, trouva moyen de parler à monsieur le prince de Condé, qui avoit semblable occasion de mescontentement; et ayant conféré ensemble, commanda audict sieur prince de s'opposer aux entreprises dudict triumvirat; ce qu'il feit autant vertueusement que bien, ayant eu de ladicte dame tant commandement verbal que sept paires de lettres, la plus

rien pour mettre de point en point en exécution leurs mauvaises affections, pour parvenir au but de leurs entreprises, ayant par pratiques et menées amené à leur faction presque tous les gouverneurs et lieutenans de Roy, en tous les païs de la France.

La Champagne et Bourgongne, à Wassy et à Sens, se sont ressentis de ceste vilaine entreprise. La Picardie n'en a esté exempte, car à Abevile, M. de Haulcourt, gouverneur dudit lieu, y fut tué, avec quelques autres, par les habitans mesmes. Amiens et Beauvais, et autres villes de ce gouvernement là, ont essayé pareille cruauté. Qu'a-on oublié d'inhumanité dans la ville de Paris, depuis leur conspiration jurée? L'air, le feu, l'eau et la terre rendront suffisant tesmoignage des massacres inhumains et barbares qui y ont esté faicts; et ce, soubs deux mareschaux de France, assavoir, de Termes et Brissac, gouverneurs dudict Paris et Isle de France; le premier desquels ne peut demeurer long-temps audict gouvernement, à cause qu'il estoit trop doux et moins carnacier.

Touraine, qui est sous le gouvernement d'un prince du sang (1), avec le Maine et Anjou, ont couru la mesme carrière. Poictou et toute la Guyenne n'ont pas eu meilleure condition. Le Daulphiné, la Provence et le Languedoc ont aussi bien senti les verges de Dieu. Mais où on a veu plus faire d'iniquité, ç'a esté aux gouvernemens où commandoit le triumvirat, comme en Daulphiné, gouvernement du duc de Guyse; en Lyonnois, Forest, Bourbonnois, etc., où estoit gouverneur lieutenant de Roy le mareschal de Sainct-André; en Languedoc, où commandoit pour lors le connestable.

Cependant M. le prince de Condé se voyant en la

(1) Le duc de Montpensier.

male grace du Roy de Navarre son frère, nominément pour le faict de la religion, à la poursuite du triumvirat; cognoissant aussi la facilité dudit Roy son frère et comment il se laissoit mener pár ceux qui peu auparavant l'avoyent mis au danger de son honneur et vie; prévoyant aussi qu'ils ne tendoyent à autre fin qu'à un changement d'estat, en advertit le Roy de Navarre son frère, lequel, rejettant bien loin ses admonitions et remonstrances, luy dit qu'il ne se devoit tant formalizer pour l'évangile et que les ministres estoyent faiseurs de menées ; ce que mondit sieur le prince print tellement quellement, pour l'honneur, amitié, revérence et obéissance que tousjours il avoit portée audit Roy de Navarre son frère. Cependant divers bruits se sèment par la France du massacre qu'on devoit faire de ceux de la religion réformée, et que les estrangers qui sont contraires à icelle donneroyent secours audit duc de Guise. Brief, on ne parloit plus du Roy ni de la Royne ; l'authorité du Roy de Navarre estoit amortie par la tyrannie du triumvirat, l'estat de la Royne n'estoit pas asseuré. Les bons trembloyent, les meschans s'en orgueillissoyent, les factieux grandissoyent en courage, et, en un mot, n'y avoit plus de seureté en France pour les gens de bien.

La Royne (qui regardoit plus loin par sa prévoyance accoustumée) conceut quelque jalousie de ce gouvernement, s'y voyant mesprisée et que seulement on y empruntoit le nom du Roy pour s'en servir à mal faire, trouva moyen de parler à monsieur le prince de Condé, qui avoit semblable occasion de mescontentement; et ayant conféré ensemble, commanda audict sieur prince de s'opposer aux entreprises dudict triumvirat; ce qu'il feit autant vertueusement que bien, ayant eu de ladicte dame tant commandement verbal que sept paires de lettres, la plus

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