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on ne pourroit pas accorder à ceux qui voudroient s'en servir de les garder et à ceux qui en improuveroient l'usage de n'en retenir aucunes, et de donner la même liberté touchant l'invocation des Saints. Que pour ce qui concernoit les abus, ce cardinal en avoit fait une grande liste pour la montrer au Pape; sur quoi monsieur le chancelier se figuroit que Sa Sainteté ne seroit pas fâchée de voir ce catalogue, mais au contraire qu'il lui feroit beaucoup de plaisir. Et à l'occasion de cela il se mit à dire par dérision que le premier chapitre de cette réforme devroit être celui de retrancher tant d'abbayes que Son Eminence de Lorraine et monsieur le légat possèdent, et son discours finit par cet article.

Je crois qu'il seroit bon de tenir fort secret ce que je viens d'écrire à Votre Eminence, parce qu'on s'en pourroit beaucoup mieux prévaloir quand l'occasion s'en présentera, au lieu que, si nous le découvrons, il ne sera plus en notre pouvoir d'en tirer des avantages, outre que tout cela est venu à ma connoissance par un moien très secret de mes confidens.

Les huguenots aiant abandonné la ville de Metz, on y a envoié M. de Grand, qui, après y avoir établi des magistrats catholiques, s'occupe maintenant à faire raser tous les murs dont elle étoit enceinte, pour détruire ce nid des huguenots et chatier par ce moien les habitans de cette ville. Il part tous les jours d'ici plusieurs soldats et cavaliers qui vont prendre quelques huguenots, de ceux qui demeurent aux environs de cette contrée, et on en fait aussi mourir quelcun tous les jours.

On dit ce matin que l'évêque de Valence, qui venoit pour aller au concile de Trente, s'est fait arrêter prisonier volontairement par les huguenots.

L'avis qu'on avoit donné de la venue des Allemans ne

se confirme pas; mais au contraire on a lieu de croire qu'ils ne viendront point, attendu qu'on publie que notre armée, qu'on croioit devoir rester devant Roüan pour en faire le siége, s'en va à droiture au Havre-de-Grace, pour ne donner plus le temps à ceux qui sont dedans de faire des provisions.

Le gouverneur de Dieppe a écrit au Roi qu'il n'apréhende point qu'il reçoive des Anglois dans cette place, ni qu'il la conserve pour qui que ce soit autre que pour Sa Majesté.

Les espérances qu'on a de la réduction de Lion augmentent tous les jours, et on a publié dernièrement, comme j'en ai vu la confirmation par une lettre venue de cette même ville, que plusieurs chefs de ces huguenots en étoient sortis (1).

On a lieu de croire que ceux de Roüan perdront courage et se résoudront d'implorer la clémence de Sa Majesté par une entière soumission.

Dieu vueille qu'ils le fassent ainsi, et donne toute sorte de contentement à Votre Eminence!

De Paris, le 28 septembre 1862.

VINGT-SEPTIÈME LETTRE.

Nous voici arrivés au 22 du mois sans avoir la conclusion de l'accord, quoiqu'on ait espérance de le finir à chaque moment, et c'est ce qui a suspendu le départ du courrier Niquet.

Ce qui empêche si long-temps la réussite de cet accommodement vient de ce que ceux qui sont dans la ville

(i) On peut consulter sur les événements de Lyon les pièces contenues dans le quatrième volume de cette collection.

d'Orléans se défendent avec beaucoup d'opiniatreté, et de ce que ceux qui les assiégent au dehors ne font leurs attaques qu'avec une grande retenue, pour ne pas ruiner une ville de France aussi considérable que celle-là. M. le duc de Guise leur offrit dernièrement que, s'ils vouloient lai envoier quatre ingénieurs des plus experts qu'ils avoient pour leurs affaires de la guerre, Son Excellence leur feroit voir de quelle manière il pouvoit forcer cette ville à se rendre, et que s'ils jugeoient que les assiégés pussent lui résister en quelque façon, il leur offriroit toute sorte de bon parti; mais que s'ils disoient qu'il leur est impossible de se défendre en aucune manière, il les advertissoit de prendre garde qu'il ne fut pas contraint de battre cette ville en ruine et de faire périr tous ses habitans avec leurs biens, parce qu'il ne seroit plus en son pouvoir de retenir les soldats qui la prendroient d'assaut.

On se contente de raisonner ainsi, sans en venir à la rigueur, et on envoie de part et d'autre des gens pour conférer là-dessus. C'est pourquoi j'ai voulu donner avis de toutes ces particularités à Votre Eminence, nonobstant que je sache que Niquet ne partira pas sans avoir quelque conclusion.

M. d'Ossel, chevalier de l'ordre, qui étoit lieutenant pour le Roi dans l'isle de Corse, a été destiné pour aller à Rome en qualité d'ambassadeur, à la place de M. de Lisle, et je crois qu'il partira bientôt.

Ce député qui vint dernièrement du concile n'a jamais paru à la cour, et on me dit qu'il est allé à Toulouse pour certaines affaires qui le concernent en particulier, et que de là il s'en retournera à Trente.

On m'a donné avis dans ce moment que l'accord est finalement rompu, et je suis informé que cela vient de ce qu'on n'a pas voulu donner des ottages aux assiégés;

TOME VI.

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mais il me semble que pour tout le reste nos généraux sont disposés à leur faire une assez bonne composition. On entend aujourd'hui les décharges de l'artillerie qu'on fait tirer avec beaucoup de violence. Cependant on est informé qu'il vient quinze cens Anglois pour renforcer la garnison de Rouen, et qu'on a envoié M. de Lipier à leur rencontre avec toute la cavalerie et cinq compagnies d'infanterie d'Allemagne.

Le Roi de Navarre est fort mécontent d'un avis qu'il a reçu d'Espagne depuis quelques jours, touchant le peu de satisfaction qu'il doit espérer de Sa Majesté catholique; ce qui causera un grand préjudice aux affaires de ce païs, qui sont en plus mauvais état qu'elles n'étoient auparavant. Aujourd'hui j'ai rendu visite à Sa Majesté (1), qui se porte mieux, quoique la bale dont elle a été blessée ne soit pas dehors, parce qu'on ne l'a pas encore trouvée. De Rouville, le 22 octobre 1562.

VINGT-HUITIÈME LETTRE.

Le même jour que j'écrivis à Votre Eminence, qui fut le 22 de ce mois, le prince de Condé vint camper avec toute son armée aux environs de Corbel, qui est à sept lieues d'ici, sur la rivière, de sorte qu'il pourra couper les vivres à cette ville pendant qu'il sera maître de ce poste; mais le maréchal de Saint-André est dedans avec trois mille hommes d'infanterie et mille cavaliers. C'est pourquoi, y aiant un si grand nombre de troupes et pouvant en faire venir autant qu'on veut de l'autre coté du fleuve, l'on ne perd point courage, quoique la ville n'ait pas de murailles fortes ni beaucoup de quoi les réparer en de

(1) Le Roi de Navarre.

dans, parce qu'il n'y a pas de la terre pour faire des rem pars. On espère néanmoins de s'y pouvoir défendre, attendu que les ennemis n'ont que six pièces de canon et qu'on n'entend point encore dire qu'ils aient résolu de faire des batteries, et que d'autre part notre armée doit entrer bientôt en campagne. Cependant M. de Monpen, sier s'approche d'ici avec sept mille hommes d'infanterie, tant d'Espagnols que de Gascons, pendant que M. de Go. nor ne cesse d'aller et venir pour procurer la paix, dont la conclusion doit être bientôt faite, suivant le bruit qui s'en est répandu dans toute cette ville; mais je n'en ai point d'avis certain d'aucun endroit digne de consi dération:

Quelques-uns des principaux courtisans disent Sque la Reine doit avoir au premier jour une conférence avec le prince de Condé, qui voudroit qu'on lui donnât le gouvernement à la place du Roi de Navarre, son frère, et que le cardinal en fut exclus, à cause de sa prêtrise. On croit que, s'il obtient cela, toutes les autres conditions lui paroitront équitables, et la Reine ne semble pas être beau coup éloignée d'y consentir pour avoir la paix et le repos. Pour ce qui est des autres ministres d'état, ils s'y opposent vigoureusement, et les armées sont si près l'une de l'autre qu'il semble beaucoup plus nécessaire d'en venir aux mains que de parler ou d'écrire pour un ac commodement; c'est pourquoi je ne sçai point quelles en seront les suites.

Le Portugais est revenu d'Espagne, et je crois, suivant ce que j'ai vu des résolutions qu'il en aporte, que ç'à été un grand bonheur qu'il ait trouvé le Roi de Navarre mort, parce que, n'y aiant point de conclusion, mais au contraire l'ambassadeur de France qui réside en ce païslà aiant écrit qu'il ne pouvoit pas l'obtenir, je me figure

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