Images de page
PDF
ePub

propos des airs de Cimarosa : « Quelle folie de s'indigner, « de blâmer, de se rendre haïssant, de s'occuper de ces «< grands intérêts de politique qui ne nous intéressent << point!

Amiamo or quando

« Esser si puote riamato amando. »

Ou du moins s'il ne parle pas ainsi à l'heure des grands périls et des crises nationales, il aura soif d'ordre, de liberté, de sécurité; et, la chose publique une fois à l'abri d'un coup de main, laissant à d'autres plus empressés les soins d'une surveillance attentive et les tracas obscurs du ménage politique, il se rejettera bien avant dans sa solitude et son silence; il en reviendra aux choses de l'âme, et à cette éternelle nature, si antique et chaque matin si nouvelle, si paisible à jamais et si peu muette; il se mêlera tout entier à elle, et s'y oubliera par moments; puis ramené à soi, se ressouvenant d'avoir senti, et voulant s'en ressouvenir toujours, il traduira tous ces bruits, toutes ces voix, en langage humain, et s'enchantera de ses propres chants. Et comme il y a des heures dans la vie où la contemplation accable, où la voix se refuse au chant, où une tristesse froide et grise passe sur l'âme sans la féconder, l'artiste alors, pour échapper à cet ennui stérile et désolé, cherchera une distraction ingénieuse dans les questions d'art pur, les séparant, autant qu'il le pourra, des querelles littéraires, toujours si aigres et si harcelantes; il se complaira aux détails techniques, aux rapports finement saisis, aux analyses du style et de la forme; il préparera de longue main à l'inspiration des ressources et des secrets dont elle s'aidera au besoin et qui la feront à son insu plus puissante et plus libre; il y gagnera pour le moment de combler un vide dans sa vie; et par degrés, à propos de la manière d'exprimer les choses, il se sentira bientôt rendu au sentiment des choses exprimées. Pour moi, qui écris ces lignes, ç'a toujours été mon

vœu le plus cher qu'une destinée pareille. S'il m'avait été donné d'organiser ma vie à mon plaisir, j'aurais voulu qu'elle pút avoir pour devise : L'art dans la réverie et la rêverie dans l'art.

FIN DE JOSEPH DELORME.

Nous rappelant, en notre qualité de critique, qu'on aime souvent à rechercher plus tard comment les ouvrages ont été appréciés au moment de leur apparition, nous nous permettrons d'indiquer ici les articles de M. Magnin sur Joseph Delorme dans le Globe (26 mars et 11 avril 1829); ils ont été recueillis dans les volumes de Causeries et Méditations publiés par M. Maguin en 1843. - Nous noterons encore, tandis que nous y sommes, l'article de M. Duvergier de Hauranne, dans le Globe aussi, sur les Consolations (7 mai 1830), et même l'annonce par M. Dubois, du 15 mars précédent; puis les appréciations, non moins essentielles à mon sens, de M. Vinet, dans le Semeur (3 et 10 janvier 1838), sur les Pensées d'Aout; et enfin, comme contre-poids à tous ces témoignages indulgents, il nous suffira, je pense (et tous ceux qui prendront la peine d'y recourir en seront convaincus), de signaler le jugement porté, dans le National du 28 mars 1830, sur les Consolations, par M. L. Peisse.

POÉSIES DIVERSES.

On a cru possible de jeter à la suite de Joseph Delorme quelques pièces qui en rappellent plus ou moins le ton, et qui ne pouvaient trouver place que là.

A MADAME ***

QUI AVAIT LU AVEC ATTENDRISSEMENT LES POÉSIES D'UN JEUNE AUTEUR QU'ELLE CROYAIT MORT.

Et c'est lui, c'est bien lui dont vous avez parlé :
Si vous l'aviez connu, vous l'auriez consolé!
Vous me l'avez écrit; n'est-il pas vrai, Madame?
Et depuis bien des nuits ce mot me trouble l'âme,
Et je me dis souvent qu'il aurait été doux
Pour lui, d'être compris et consolé par vous.

Mais, saviez-vous, hélas! compatissante et belle, En écrivant ce mot à son ami fidèle, Saviez-vous ce que fut celui que nous pleurons? Saviez-vous ses ennuis, tous ses secrets affronts, Tout ce qu'il épanchait de bile amère et lente; Que ce marais stagnant avait l'onde brûlante; Que cet ombrage obscur et plus noir qu'un cyprès Donnait un lourd vertige à qui dormait trop près ?.... Savez-vous de quels soins, de quelle molle adresse Vous auriez dù nourrir et bercer sa tendresse ;

Que même entre deux bras croisés contre son cœur,

[ocr errors]

Il eût aimé peut-être à troubler son bonheur,
Et ce qu'il eût fallu de baisers et de larmes?....
Et savez-vous aussi, vous, brillante de charmes,
Que ce jeune homme, objet de vos tardifs aveux,
N'était point un amant aux longs et noirs cheveux,
Au noble front rêveur, à la marche assurée,
Qu'il n'avait ni cils blonds, ni prunelle azurée,
Ni l'accent qui séduit, ni l'œil demi-voilé ?....
Pourtant vous avez dit : Je l'aurais consolé!

Le dites-vous encor? car si vous l'osez dire, Si, le connaissant mieux, la pitié qu'il inspire Résiste en vous, Madame, au mépris, à l'effroi, Si vous me répétez : Que ne vint-il à moi?

Ah! qui sait? de la tombe, où son humeur sauvage

Et son besoin d'aimer l'ont conduit avant l'âge,

Qui sait? certain d'avoir enfin à qui s'unir,

Ce mot puissant pourrait le faire revenir.

Au fond de votre parc, dans la plus sombre allée.,
Vous le verriez, un soir, de dessous la feuillée
Sortir, et, s'avançant au milieu du chemin,

Se nommer, vous nommer et vous prendre la main;
Et l'un l'autre d'abord croyant vous reconnaître,
Comme deux âmes sœurs qu'un même astre a vu naître,
Vous parleriez longtemps; il vous dirait son mal,
Vous lui diriez le vôtre, et vos ennuis au bal,
Vos vingt-cinq ans, le vide où leur fuite vous laisse,
Comment aux vœux légers succède la tristesse,

Et ce qui fit qu'un jour votre gaîté changea;
Puis vos loisirs, vos vers, tout ce qu'il sait déjà ;

[ocr errors]

Il irait au-devant des phrases commencées,

Et vous l'écouteriez achever vos pensées.

Lui, sûr d'être compris pour la première fois,
Lisant dans vos regards, ému de votre voix,

Se sentirait moins prompt à rompre un noeud qu'il aime,
A refermer sa tombe, à se clore en lui-même;
Il oublierait qu'il n'est qu'un fantôme incertain,
L'ombre de ce qu'il fut à son riant matin;

Il vivrait, retrouvant un reste de jeune âge :

Les cieux sont plus brillants le soir d'un jour d'orage!

Il rouvrirait son toit aux songes amoureux,

Et redeviendrait bon, fidèle et presque heureux.

SONNET.

Des laves du Vésuve une goutte enflammée,
Durcie en pierre sombre où l'Onyx est scellé,
Luit dans l'or sur sa gorge, à son sein étoilé :
Un guerrier s'y figure en antique camée.

Et tandis qu'elle parle, et que, de grâce armée,
Elle glisse et fait fuir, autre part appelé,
Le regard qu'attachait l'éblouissante clé,
Toujours il y revient, à l'idole fermée.

O Vous qu'on aime à l'ombre, et selon vous trop tard,
Qu'on désire avec pleurs, qu'on implore sans art,
Oh! quand il nage encor dans sa neige si belle,

Oh! qu'à ce sein je puisse, avant mon soir aussi,
Mieux qu'antique camée ou lave au flot durci,
Clouer mon front brûlant, toute une heure.... éternelle !

Mitia poma.
VIRGILE.

Sous les derniers soleils de l'automne avancée,

Dans les derniers rayons des plus pâles beaux jours,
Il est une douceur plus tendre à la pensée,
Et belle encor d'effets et de riches retours.

Dans le déclin aussi de la beauté qu'on aime,
Dans ses yeux, dans ses trails et sur son sein pâli,

« PrécédentContinuer »