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et qu'ils garderont selon leur pouvoir les droits de ladite chantrerie de Paris.

« 3° Item. Ils promettent et jurent que fidellement ils exerceront l'office qui leur est commis: c'est à sçavoir, qu'ils instruiront les enfans qu'ils auront, en bonnes mœurs, exemples et sciences, et pour cet effet ils feront le catechisme deux fois la semaine, sçavoir : le mercredy et le samedy.

a 40 Item. Tous les maistres et maistresses entretiendront la paix et concorde les uns envers les autres; et en cas qu'aucun discors survienne entre eux sur le fait desdites écoles, il ne se pourvoieront que pardevant mondit sieur le chantre, sur peine de privation desdites écoles, et de l'amende.

5° Item. Aucun maistre et maistresse ne diffamera, et ne dira aucune injure l'un à l'autre, sous peine de privation desdites écoles. « 60 Item. Nul maistre n'aura aucun submoniteur qui ait été ou demeuré avec autre maistre, s'il n'y a distance de deux ou trois écoles de celles dont il est sorti, à celle où il est entré, sous peine au maistre qui le prendra, de privation desdites écoles.

«7° Item. Nul maistre ny maistresse ne recevra en ses écoles les enfans qui seront sortis d'autres écoles, s'il luy est signifié de paroles verbales, que le salaire est dû au maistre de chez qui ils sont sortis, sous peine de l'amende ordinaire, et de payer ce qui sera dû audit maistre ou maistresse.

« 80 Item. Nul ne soustraira ou demandera les enfants qui vont ès autres écoles et ne les attirera chez luy en quelque manière que ce soit, sous peine de l'amende et de parjure.

« 9° Item. Il est défendu à tous maistres de tenir des filles en leurs écoles et aux maistresses de tenir des garçons, sous quelque prétexte que ce soit, à peine de privation desdites écoles.

« 10° Item. Défenses très-expresses sont faites à tous maistres et maistresses de joindre leurs écoles, et d'avoir compagnon pour être en profit commun: mais bien sera permis d'avoir submoniteur ou aide convenable, par licence de mondit sieur le chantre, et non autrement. 11° Item. Nul prêtre, ou clerc tenant bénéfice en sainte église, ne pourra tenir école en la collation de mondit sieur le chantre, sans dispense de luy.

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120 Item. Nul ne tiendra école en cette ville, fauxbourgs, et banlieue d'icelle, sans avoir lettres de mondit sieur le chantre, à peine de l'amende portée par les arrests.

a13° Item. Tous et chacuns maistres et maistresses doivent rapporter leurs lettres la veille et le jour de saint Nicolas d'été, entre les mains de mondit sieur le chantre, ou de son vice gérant, pour en prendre de nouvelles, si bon semble à mondit sieur le chantre.

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14° Item. Il est expressément défendu à tous maistres, de tenir ni loger chez eux aucune diffamée, ou personnes suspectes, sous peine de privation desdites écoles.

«15° Item. Il est très-expressément défendu à tous maistres et maistresses, de mener, ou faire mener leurs enfans par la ville, à cheval, ou autrement, en habits dissolus, tambours, trompettes, ny instrumens, en quelque sorte et manière que ce soit, à peine de cent sols parisis d'amende, applicable moitié à la confrérie, et l'autre moitié aux pauvres.

16° Item. Enjoint et commande mondit sieur le chantre, à tous maistres et maistresses, sous peine de l'amende, qu'ils aient à mettre tableaux à leurs portes et fenêtres, pour plus facilement les trouver.

«17° Item. Nul ne changera de domicile pour aller en un autre, sans en avertir le promoteur de mondit sieur le chantre sous peine de privation desdites écoles.

18° Item. Nuls maîtres et maîtresses ne s'approcheront les uns des autres pour tenir écoles plus près de vingt maisons pour les quartiers non peuplés, et de dix pour ceux qui sont peuplez, sous peine de privation desdites écoles.

19° Item. Tous lesdits maîtres et maîtresses doivent, et leur est enjoint de se trouver tous ensemble les jours de saint Nicolas d'hyver et été, aux premières vespres; et lesdits jours à la grande messe, et aux s3condes vespres, et de payer leur confræirie, comme ils ont accoutumé, et le lendemain d'assister au service des trépassez, et des bienfaiteurs de la Confrérie.

«20° Item. Il est enjoint à tous maîtres et maîtresses, suivant leur serment, s'ils sçavent quelques-uns qui tiennent écoles sans le congé de mondit sieur le chantre, d'en avertir mondit sieur le chantre ou son promoteur pour y être pourvû.

21° Item. Tous maîtres et maîtresses doivent assister aux messes et services, obsèques et funérailles qui se font pour les maîtres ou maftresses quand ils en seront avertis.

<22° Item. Tous les maîtres et maîtresses, au sortir du synode, doivent aller en l'église Notre-Dame, dire trois fois Pater et Ave, afin que NotreSeigneur Jésus-Christ, par l'intercession de la glorieuse Vierge Marie, et de saint Nicolas leur patron, leur donne la grâce de pouvoir bien et duement gouverner et instruire les enfants qui leur sont et seront commis, et grâce et volonté ausdits enfans d'y obéir, au plaisir et contentement de leurs parens et amis, et au salut de leurs âmes. Desquelles choses nous prions le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui est béni dans les siècles. Ainsi soit-il.

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«Tous ceux et celles qui observeront ces statuts et règlements, jouiront de la paix, et Dieu leur fera miséricorde. » (Saint Paul aux Gates, chap. vi, v. 16.)

Ces règlements sont curieux, mais plutôt par leur antiquité même et ensuite pour ce qu'ils apprennent des conditions d'existence de la confrérie des maîtres et maîtresses d'écoles et de la juridiction du grand chantre, que pour les renseignements fournis au sujet de l'enseignement.

La juridiction, le pouvoir du grand Chantre était reconnu par le parlement de Paris dès l'année 1396. On comptait alors dans la ville et banlieue 41 maîtres et 22 maîtresses d'écoles. Outre ces établissements, en 1423, le chancelier de Notre-Dame institua des écoles générales placées sous sa juridiction.

A partir de ce moment on voit de fréquentes discussions s'élever entre le grand chantre et le chancelier. Les curés des paroisses s'en mêlent; l'Université et le Parlement y prennent une part. Les curés étaient en effet restés en droit d'attacher à leur église une école de charité qui représentait les plus anciennes fondations de l'enseignement religieux.

Au milieu de ces débats, l'autorité du grand chantre devint ou passa bientôt pour tyrannique et inconciliable avec les intérêts des maîtres et surtout de la population; mais le respect des traditions était telle et la suprématie de l'Eglise si bien établie, qu'il était impossible au Prévôt des marchands, tuteur de la Cité, d'intervenir dans la querelle. Le Parlement seul se crut capable de réprimer les abus qui lui étaient dénoncés; mais, en dépit de ses arrêts, le grand chantre demeura maître de ses priviléges et de ses règlements, et cela jusqu'au milieu du siècle le plus polí de notre histoire. Ce ne fut pas toutefois sans qu'à la fin il eût de la peine à résister aux tentatives faites de tous côtés pour accommoder l'enseignement public aux besoins des âges nouveaux et aux progrès de tous genres que la diffusion des livres imprimés permettait de faire à l'esprit humain. On en a la preuve dans ce passage de Claude Joly : « La grandeur de la ville de Paris fait que quantité de gens viennent y chercher un emploi, les uns pour se tirer hors de la nécessité, et les autres pour tâcher d'y faire fortune, et comme tous ne peuvent pas obtenir la permission d'enseigner du grand Chantre de l'Église de Notre-Dame, qui a seul le droit de la donner hors des colléges, parce qu'il ne peut et qu'il ne doit pas l'accorder à tous venants, ils s'étudient de trouver des moyens et des expédients pour parvenir à leurs intentions et à se rendre indépendants de sa juridiction.»

Claude Joly, qui était grand chantre (c'est l'oncle de Guy Joly, connu dans l'histoire de la Fronde), continuait en 1678 sa guerre défensive contre les individus, le Parlement, l'Université, notamment la Faculté des Arts, les curés de Paris, les ordres religieux, les maîtres d'écriture, héritiers des anciens calligraphes et miniaturistes; mais, dès 1661, la communauté des Écrivains-jurés de l'Université (c'était justement la corporation des Calligraphes) avait ouvert des écoles où l'on enseignait

l'écriture, l'orthographe et l'arithmétique; et, de leur côté, les « permissionnaires » ou maîtres de pension multipliaient les externats.

Parmi les curés qui, depuis les temps démocratiques de la Ligue, avaient doté la capitale de petites écoles charitables, nous pouvons nommer les curés de Joyeuse, Lestocq, Martin, Rousse, Ollier, Gros, comme autant de bienfaiteurs dignes de reconnaissance.

Ainsi le grand chantre voyait échapper bien des lieux d'enseignement à sa juridiction. Néanmoins, en 1672, dans les 43 paroisses de Paris, il y avait 167 écoles qui ne dépendaient que de lui. Le gouvernement ne s'occupait pas de l'enseignement. Dans les diverses tenues d'États généraux il s'était bien élevé des plaintes et formé des vœux, mais, à part quelques ordonnances toutes de détail ou restées sans effet, lorsqu'elles avaient un caractère de généralité, il n'y a, pour ainsi dire, pas de trace, même sous Louis XIV, de l'action du pouvoir royal sur cette grande œuvre de l'éducation populaire.

Ce fut un simple prêtre, l'abbé de Lasalle, qui ouvrit l'ère véritablement moderne de l'enseignement. Le 24 février 1688, sur l'invitation de l'abbé Barmontière, curé de Saint-Sulpice, il avait pris la direction d'une petite école paroissiale instituée rue Princesse pour les enfants pauvres, et où l'on enseignait le cathéchisme, la lecture, l'écriture, l'orthographe et l'arithmétique. Entre les heures des classes les enfants s'occupaient à quelque travail manuel, comme la confection de bonneterie de laine. En 1690 et 1692 l'instituteur ouvrit trois autres écoles du même genre, rue du Bac, rue Saint-Placide et rue Saint-Hippolyte. En 1698, le succès de ses écoles, leur renommée même était devenue assez grande pour qu'il y eût lieu de songer à des fondations plus nombreuses, étendues au delà non-seulemeut de la paroisse Saint-Sulpice, mais du diocèse de Paris, et on organisa d'abord une sorte d'école normale pour les maîtres sous le nom d'Institut des Frères de Saint-Yon ou de la Doctrine chrétienne. C'est là la première pépinière de ces modestes maîtres d'école du peuple qui ont rendu de si grands services et que tous les gouvernements ont respectés, bien que quelquefois, à des époques difficiles, la passion politique les ait confondus avec les prêtres de la Compagnie de Jésus. Ceux-là ne s'occupaient jamais de l'enseignement des classes populaires. Leur intérêt ne leur demandait que d'enseigner les humanités, dans des colléges, aux enfants des dignitaires de l'Etat qui, un jour, devaient eux-mêmes être des personnages.

A côté des Frères de la Doctrine, que le nom de « frères ignorantins » n'a jamais pu blesser, on compta bientôt jusqu'à huit congrégations religieuses qui, sans dépendre en rien du grand chantre, s'occupèrent, dans Paris et hors de Paris, de l'éducation des filles pauvres.

La date de l'expulsion des Jésuites de France est mémorable dans l'histoire de l'enseignement, parce que c'est alors que pour la première

fois le pouvoir civil, représenté par le Parlement, eut l'occasion de s'occuper en grand de toutes les questions qu'un quart de siècle plus tard la Révolution allait étudier à son tour et trancher dans sa toute-puissance démocratique. Indépendamment des écoles soumises au grand chantre, Paris comptait alors 88 écoles de garçons et 11 écoles de filles que soutenaient non-seulement le secours des Congrégations, mais des legs déjà suffisants pour assurer leur avenir. N'oublions pas les écoles des maîtres écrivains de l'Université qui vivaient sur le territoire classique à l'abri de la protection et sous la surveillance du lieutenant de police et les écoles populaires fondées sur un autre territoire privilégié, dans le faubourg Saint-Antoine, par MM. de Barville, de Fays, Suchet, Clément, Tabourin.

Nous sommes aujourd'hui passionnés pour la cause de l'instruction primaire, et ce n'est pas par vertu peut-être, c'est par raison, par absolue nécessité depuis que le suffrage universel existe en France. Au milieu du siècle dernier régnait déjà quelque chose de notre enthousiasme. Les intelligences d'élite sentaient que les temps étaient proches où la société allait changer de forme, et, pour assurer le succès même d'une révolution, ils auraient voulu que le peuple reçût avec plus de libéralité une éducation dont les classes riches jouissaient depuis longtemps déjà avec une sorte de faste dans les colléges universitaires et dans les grandes institutions religieuses.

Mais l'état de la législation et de l'administration s'opposait comme une barrière insurmontable à la réalisation immédiate de vœux si légitimes.

L'enquête faite par le Parlement et le rapport du président Rolland d'Erceville sont les sources où il faut puiser pour se faire une idée des difficultés de l'époque, si heureusement disparues depuis.

Tout avait été proposé, même la gratuité de l'éducation, procurée par une contribution spéciale imposée aux biens de l'Église, même l'obligation d'envoyer les enfants aux écoles, sanctionnée par des amendes, mais rien n'avait été fait. Seul, l'Institut de Frères de la Doctrine continuait son œuvre, et avec un si grand zèle que le président Rolland se plaint de les voir à peu près maîtres d'un monopole. Ce monopole, qui ne coûtait rien à personne et qui servait à tous, était, du moins, fait pour être excusé.

Voilà à peu près tout ce que l'on sait sur les anciennes écoles primaires. On ne pourrait rien trouver de plus, soit dans les archives de l'Assistance publique, soit à la maison principale des Frères de la Doctrine, soit aux Archives impériales. Quant aux archives de la ville ellemême, outre qu'elles contiennent très-peu de documents antérieurs à 1789, il n'y a rien à y chercher, puisque l'administration municipale n'avait pas l'enseignement dans ses attributions.

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