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Enfin au lieu d'être le foyer de l'islamisme, l'Arabie centrale et occidentale, à l'exception du Nedjed où les Wahabites excercent leur domination fanatique, est le pays où le mahométisme a le moins de racines. Les bédouins sont polythéistes, les habitants sédentaires sont à peu près indifférents en matière religieuse. Même parmi les Wahabites, M. Palgrave a pu avouer qu'il était chrétien. C'est sa qualité d'Européen seulement qu'il a dû dissimuler avec soin, non que le sultan de Riad ait peur des puissances européennes, on suppose dans le Nedjed que la religion chrétienne est à peu près éteinte, et que les chrétiens qui restent sont réunis dans une seule ville, gouvernée par sept rois, vassaux du suitan de Constantinople, mais il craint les Turcs, les Persans et surtout les Égyptiens, qui sont tous à ses yeux des infidèles pires que les chrétiens. M. Palgrave donne de curieux détails sur cette secte des Wahabites qu'on a présentée comme une réforme libérale du mahométisme. C'est elle au contraire qui pousse aux dernières conséquences, le dogme fataliste du Coran. Par son puritanisme excessif et la proscription absolue de la soie, de l'or, de tous les objets de luxe et d'agrément, elle a porté un coup fatal au commerce des contrées qu'elle gouverne. Le plus grand crime à ses yeux est de fumer du tabac. L'assassinat, le vol, le pillage, peuvent être pardonnés; mais un homme qui fume va infailliblement en enfer.

Ces indications suffisent pour faire comprendre l'intérêt du voyage de M. Palgrave. Ajoutons que la traduction élégante et facile de M. Jouveaux, le talent avec lequel il a reproduit la narration pleine d'entrain de l'auteur, contribuent pour beaucoup à l'attrait que présente la lecture de ce livre. A. OTT.

LES ENGRAIS PERDUS DANS LES CAMPAGNES, par M. DELAGARDE, agriculteur. Chez l'auteur, aux Chevaliers, commune d'Usseau, par Châtelleraut (Vienne). Broch. in-18. 1866.

Voilà le titre un peu écourté pour qu'on sache tout de suite de quoi il s'agit. En le copiant tout entier, nous ferons l'analyse du livre lui-même. Le voici complet : « Agriculture.-Les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des cultivateurs, sans trop s'en douter, laissent annuellement perdre, en engrais, l'équivalent en moyenne de la moitié du prix de ferme de la propriété qu'ils exploitent. Les engrais perdus dans la campagne (deux milliards par an). Comment on les recueille et comment on les emploie. Procédés aussi simples qu'économiques à la portée des plus pauvres cultivateurs matières fécales, solides et liquides — animaux morts; chair, sang, os, cornes, poils, plumes de rebut; principes fertilisants volatiles des fumiers de ferme purins, urines, eaux de lavage des laines, du rouissage du chanvre, etc.; eaux de pluie, lavant les cours, les chemins, les terres; eaux des ruisseaux, etc.; les champignons non comestibles convertis en riche engrais; l'ajonc accapareur et réceptacle d'azote, etc.>> Les calculs de M. Delagarde fussent-ils un peu exagérés, on n'en devrait pas moins louer son livre et en recommander la lecture. S'il pou

vait se répandre un peu partout, la richesse générale du pays s'accroîtrait très-vite. Les moyens préconisés là sont à la portée de tous et par cela seul bien supérieurs aux procédés de cabinet et de physiologie amusante de M. Ville qui supprime tous les engrais naturels. Le moment est propice pour le petit volume dont nous venons de parler; c'est une L. D. des pièces de l'enquête qui commence.

LES EAUX.

Régénération de l'agriculture et de l'industrie française,

par S.-C. VALNY. Br. gr. in-8. 1866.

On doit à M. Valny un ouvrage plein d'intérêt sur l'émigration des campagnes. Il s'occupe aujourd'hui encore de la question agricole, et toujours en la prenant d'en haut. M. Paul Boiteau a rendu compte dans le Journal des Économistes, en 1864, d'un projet de fertilisation des Landes qui frappe par sa grandeur et dont l'auteur est M. Duponchel, ingénieur des ponts et chaussées à Montpellier. M. Valny sans entrer dans les détails pratiques, trace le plan d'une fertilisation générale de tout le territoire français, par le moyen des eaux, dont on a négligé jusqu'ici d'utiliser les forces régénératrices,

Toutes les études de ce genre sont assurées de piquer la curiosité du public.. L. D.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

SOMMAIRE. Symptômes de pacification générale. - Espérances que donne l'Exposition. - Déclaration de la Commission impériale au sujet de l'ouverture de cette solennité. Publication du traité de commerce et d'un traité de navigation entre la France et l'Autriche; et de diverses Conventions, entre les mêmes pays, relatives à la garantie réciproque de la propriété littéraire et artistique, aux droits des agents consulaires, au règlement des successions. Suppression des droits de Tonnage différentiels. Même mesure aux États-Unis à l'égard de la France.-L'économie politiquc enseignée à l'École commerciale. Publication du Cours de droit constitutionnel de Rossi et d'une nouvelle traduction de l'œuvre de Grotius.

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Les manifestations publiques à l'occasion de la réception des nouveaux ambassadeurs, de la nouvelle année et des rentrées parlementaires sont à la paix. Bien qu'il faille en général prendre toutes ces belles paroles dans un sens relatif, on y peut voir cependant un bon symptôme. Le sentiment qu'elles expriment et qui traduit le premier besoin des peuples semble devoir se fortifier progressivement de jour en jour, à mesure que nous avancerons vers la grande solennité de l'Exposition universelle, dont l'effet pourrait bien être de consolider la paix en neutralisant le développement des armements auquel pousse le militarisme, et en maîtrisant les mauvais instincts des bellomanes, à l'occasion du perfectionnement des armes de guerre et du recrutement des soldats

qu'ont mis à l'ordre du jour la dernière lutte entre la Prusse et l'Autriche, et, il faut bien le dire aussi, lesprojets du gouvernement français. Il y a, nous le croyons, lieu de compter beaucoup sur l'Expositi on, sous ce rapport. L'agriculture, l'industrie et le commerce y comptent généralement, mais sous le rapport plus direct de l'extension des affaires et de la neutralisation de la crise provenant de l'insécurité, laquelle provient à son tour des complications de la politique. Les financiers y comptent aussi pour les ressources publiques et pour les affaires privées.« Notre agriculture (dit M. le ministre des finances), en finissant son rapport annuel sur la situation, notre commerce et notre industrie, ces grands éléments de la fortune publique, recevront en 1867 une nouvelle impulsion de l'Exposition universelle, à laquelle Votre Majesté a convié toutes les nations. Sous cette heureuse influence, nos ressources, déjà si fécondes, continueront à se développer... » De toutes parts donc, on entend crier l'Exposition! l'Exposition! comme jadis les compagnons d'Enée criaient: Italiam! Italiam! Il n'y a pas besoin d'être prophète pour affirmer que toutes ces espérances ne seront pas satisfaites. Toutefois, nous le répétons, le résultat général ne peut qu'être excellent.

Mais toutes choses seront-elles prêtes au printemps, comme on l'a annoncé? Certainement, fait répondre la Commission impériale avec une assurance qui donne à penser que la jeunesse domine dans son sein. Voici l'avis qu'elle vient de faire insérer au Moniteur :

«Quelques journaux, dans des intentions qu'il est inutile de rechercher, s'efforcent de faire encore courir le bruit que l'Exposition universelle serait retardée. La Commission impériale ne se lassera pas d'affirmer la vérité tant que l'erreur continuera à se produire. La Commission impériale est strictement restée jusqu'à ce jour dans les délais qu'elle s'était assignés pour les différentes opérations de son œuvre. Elle ne faillira pas au dernier moment. L'Exposition sera prête le 28 mars, Elle sera ouverte le 1er avril 1867. »

- Les relations commerciales de la France et de l'Autriche viennent d'entrer dans une phase plus libérale par la mise à exécution du nouveau traité de commerce conclu le 11 décembre 1866. Un décret impérial du 19 décembre a prescrit la publication de ce traité, dont nous donnons plus haut (p. 130) l'historique et l'analyse, avec les chiffres qui résument la faible importance des relations actuelles des deux pays. Cinq autres décrets signés le même jour et publiés également dans le Moniteur du 21 décembre, sont relatifs à des conventions de même date complémentaires de ce traité, savoir le traité de navigation conclu à Vienne entre les deux pays; un protocole final relatif au traité de commerce et au traité de navigation, et contenant des clauses additionnelles et explicatives; une convention pour la garantie des œuvres

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d'esprit et d'art; une convention consulaire pour bien déterminer les « droits, priviléges et immunités » des agents consulaires; - une convention pour le règlement des successions laissées dans l'un des deux États par des sujets de l'autre pays.

Rendons grâce à la pensée qui a inspiré ces mesures et aux hommes des deux pays qui ont travaillé à y faire régner l'esprit de liberté et le respect de la propriété. Nous lisons, au bas de tous ces documents, pour la France, les noms de MM. de Grammont et Ed. Herbet; pour l'Autriche, ceux de MM. de Beust et Wüllerstorf; le premier (M. le duc de Grammont), ambassadeur de la France en Autriche; le deuxième (M.Herbet), conseiller d'État, directeur des consulats et des affaires commerciales au ministère des affaires étrangères; le troisième, M. le baron de Beust, ministre des affaires étrangères, passé de Saxe en Autriche après la guerre; le quatrième, M. le baron de Wüllerstorf et Urbair, ministre du commerce et de l'industrie à Vienne. - Ici, comme en bien des circonstances, il serait intéressant de connaître les auxiliaires.

- A la suite d'un rapport empreint d'un véritable libéralisme économique, M. A. Béhic, ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, a soumis à la signature du chef de l'Etat un décret qu amène un nouveau progrès dans notre régime maritime et nos rapports avec les puissances étrangères, en supprimant définitivement les entraves du tonnage différentiel et des compensations, maintenus exceptionnellement par la loi du 19 mai 1866, qui a supprimé le tonnage en principe dans les ports de la France. Nous donnerons, dans notre prochain bulletin, les détails de cette excellente mesure qui se trouve complétée par une décision correspondante du président des États-Unis.

- Un Cours d'économie politique, confié à notre savant et zélé collaborateur M. Horn, vient d'être créé à l'École commerciale (v. p. 149). JOSEPH GARNIER. Paris, le 14 janvier 1867.

La librairie Guillaumin vient de mettre en vente deux importants ouvrages faisant partie, sous le format in-8, de la Collection des économistes et des publicistes contemporains, et, sous le format in-18, de la Bibliothèque des sciences morales et politiques: le Cours de droit constitutionnel, professé à la Faculté de droit de Paris par P. Rossi et entièrement inédit, en quatre volumes; — le Droit de la guerre et de la paix, de Grotius, nouvelle traduction de M. Pradier-Fodéré, en trois forts volumes.

PARIS.

Le Gérant, PAUL BRISSOT-THIVARS.

IMPRIMERIE A. PARENT, RUE MONSIEUR-LE-PRINCE, 31

DES

ÉCONOMISTES

LES ERREURS DE LA GUERRE

Chaque fois qu'une guerre a lieu, on peut être assuré que les peuples agissent sous l'empire de quelque erreur considérable. Il convient donc, lorsqu'on veut éviter le retour de ces conflits, de rechercher les erreurs d'où sont nés ceux dont on a soufferts, et de signaler celles qui peuvent causer de nouvelles perturbations de l'atelier industriel. Nous allons essayer une étude de ce genre sur la guerre qui vient de finir en Allemagne.

I

Cette guerre n'est point née d'un sentiment populaire; il est constant qu'en Prusse même, dans toute l'Allemagne et dans l'Europe en général, l'Italie exceptée, l'opinion publique y était opposée. La guerre a eu pour cause première l'ambition soutenue de la famille de Hohenzollern et du parti militaire prussien, et pour but la conquête de l'Allemagne par la Prusse.

Il n'y a dans cette ambition rien de nouveau ni de très-remarquable; mais ce qui est étrange et digne de toute attention, c'est la promptitude avec laquelle l'opinion de l'Allemagne et de toute l'Europe s'est retournée en quelques semaines et a donné son assentiment, ses éloges même, aux passions conquérantes qu'elle avait longtemps flétries. C'est ce revirement sur lequel comptait le gouvernement prussien, qui l'a encouragé d'abord à faire la guerre et ensuite à en tirer hardiment les conséquences.

Pour comprendre ces applaudissements accordés à ce qui est en 3 SÉRIE. T. V. 15 février 1867

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