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sent plus subsister d'argument en faveur du système protectionniste. La cause est entendue.

Il suffira de jeter un instant les yeux sur la publication due aux soins de l'administration des douanes et ayant pour titre: Tableau général du commerce de la France avec ses colonies et les puissances étrangères pendant l'année 1864, pour reconnaître que, depuis l'abolition des prohibitions et la réduction des droits prohibitifs, le commerce et l'industrie de la France ont vu, chaque jour, s'ouvrir devant eux, de nouvelles et fécondes perspectives.

En effet, la valeur des marchandises exportées de notre marché intérieur (commerce spécial) n'a pas cessé, depuis le traité avec l'Angleterre et malgré le trouble profond causé par la guerre intestine des ÉtatsUnis d'Amérique, de s'accroître, d'année en année, dans des proportions toujours plus favorables. Elle vient d'atteindre en 1864, 2,924 millions, tandis qu'en 1863, elle s'arrêtait à 2,643 millions. L'augmentation pour 1864 est donc, en nombre rond, de 281 millions, qui se composent de 67 millions sur les produits naturels du soljet de 214 millions sur les objets manufacturés.

L'Angleterre, dont les marchandises devaient, au dire des protectionistes, inonder le marché français et causer la ruine de notre industrie nationale, a versé dans la consommation de la France en 1864, pour une valeur de 567 millions de francs, inférieure dans la proportion de 4 0/0 aux importations de 1863, tandis que dans la même période la France. fournissait à l'Angleterre, tant en produits de son sol qu'en objets manufacturés, pour une valeur de 891 millions, supérieure dans la proportion de 11 0/0 à l'exportation de 1863. Les autres pays manufacturiers qui nous avoisinent, tels que la Belgique, le royaume d'Italie, la Suisse et l'Association commerciale allemande présentent des résultats aussi satisfaisants. Ainsi, la France a vu, en 1864, ses exportations (commerce spécial) s'accroître, comparativement à 1863, de 16 0/0 pour le royaume d'Italie, de 17 0/0 pour la Suisse, de 9 0/0 pour la Belgique et de 6 0/0 pour l'Association allemande.

Si de cet aperçu général des conséquences du système de liberté commerciale inaugurée par le traité avec l'Angleterre, nous passons à l'examen de la nature des produits de notre industrie constituant notre exportation, en 1864, chez ces diverses nations et que nous les comparions à nos importations d'objets similaires, nous obtenons les résultats ci-après :

Commerce comparé de la France et de l'Angleterre, en 1864, relativement à : 10 La valeur des tissus de laine de toutes sortes :

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Excédant de l'exportation sur l'importation. . . . 72,456,435

20 La valeur des tissus de soie de toutes sortes :

Exportés en Angleterre.. 205,656,786

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3o La valeur des tissus de coton de toutes sortes :

Exportés en Angleterre..
Importés d'Angleterre..

Excédant de l'exportation sur l'importation.

4o La valeur des tissus de lin et de chanvre de toute

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12,671,323 7,592,328

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5,077,995

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Excédant de l'importation sur l'exportation. . . . 12,835,147

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Excédant de l'exportation sur l'importation. . . . 4,709,143

Tels sont les résultats que présente, pendant l'année 1864, le commerce spécial entre la France et l'Angleterre, en ce qui concerne les principaux objets manufacturés dans ces deux grands pays industriels. Les conséquences à tirer des faits qui précèdent sont :

1° Que l'industrie du tissage en France a une supériorité marquée qui la met désormais à l'abri de la concurrence étrangère, quelle que soit la réduction nouvelle qu'on fasse subir aux droits d'entrée-sur les tissus étrangers.

2o Que si l'Angleterre a conservé quelque supériorité pour la filature proprement dite, les filés qu'on peut considérer, jusqu'à un certain

point, comme la matière première des tissus, ne sont importés en France que par suite de notre supériorité dans le tissage dont ils deviennent l'aliment, laissant ainsi à notre industrie le bénéfice important de cette main d'œuvre.

3° Que quant à l'importation des fers, fontes et aciers, qui avait donné lieu à tant de semblants d'inquiétudes chez nos maîtres de forges, elle se réduit à une somme iusignifiante, malgré la réduction de taxe effectuée, en 1864, aux termes du traité du 23 janvier 1860, et plus que compensée, d'ailleurs, par la valeur des outils et ouvrages en métaux exportés de France en Angleterre.

Commerce comparé de la France et de la Belgique, en 1864, en ce qui

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Excédant de l'exportation sur l'importation. . . . 4,916,118

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Excédant de l'importation sur l'exportation. .

3e SÉRIE. T. V. — 15 février 1867.

...

6,176,621

16

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Le tableau qui précède démontre que le traité de commerce de la France avec la Belgique présente des résultats aussi avantageux que le traité conclu antérieurement entre la France et l'Angleterre. Les mêmes faits se reproduisent pour affirmer la supériorité de notre industrie du tissage de la laine, de la soie et du coton. La Belgique ne l'emporte que pour les tissus de lin et de chanvre, et encore lui fournissons-nous une partie des filés de lin ou de chanvre qu'elle met en œuvre, tandis qu'elle nous fournit une certaine quantité de filés de coton, exemple remarquable de la diversité des conditions de fabrication, comme de la spécialité des aptitudes naturelles de chaque peuple.

Enfin, la France a importé pour la valeur assurément fort minime de 1,072,006 fr. de fer, fonte et acier contre une exportation nulle d'objets similaires en Belgique, ce qui confirme l'opinion des partisans du traité sur l'exagération des craintes manifestées par nos maîtres de forges.

Il ressort donc avec évidence de ces tableaux comparatifs de notre commerce international avec les deux pays voisins les plus avancés dans les arts industriels, que nous n'avons qu'à gagner à la liberté des échanges avec eux.

Nous n'écraserons nullement leurs industries et ce serait fort à regretter; pas plus qu'ils n'anéantiront les nôtres. Ajoutons que, même dans la production d'objets similaires aucun ne sera ruiné. Mais il se passera, en Europe, à mesure que la liberté du commerce exercera son heureuse influence, le fait économique qui s'est produit en France lorsque les barrières de douane qui séparaient les diverses provinces se sont abaissées. La fabrication s'est spécialisée, en se perfectionnant dans le plus grand intérêt de tous et par suite de circonstances locales impossibles à énumérer ici. Ainsi, de même qu'en France, Cholet est parvenu, en concentrant tous ses efforts sur un seul genre de fabrication, les mouchoirs de coton, à faire mieux et à meilleur marché que partout ailleurs; Laval, les toiles de lin; Rouen, l'article rouennerie; Mulhouse, les toiles de coton imprimées; Sedan, les draps fins; l'Hérault et Vienne la grosse draperie; de même les diverses nations de l'Europe spécialiseront, s'il nous était permis d'inventer ce mot, leurs fabrications dans un intérêt réciproque, et le fait signalé plus haut de l'échange des filés de coton belges contre les tissus de coton français, des filés de lin français contre des tissus de lin belges ira en se généralisant. L'un fera mieux que son voisin certains filés; l'autre

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fera mieux certains tissus; chacun développera son industrie dans le sens de sa supériorité naturelle. Le consommateur y gagnera le bon marché du produit par suite de la division du travail, et les peuples trouveront, dans la dépendance réciproque de leurs intérêts, le gage de paix le plus fort qu'ils puissent se donner. Il y a loin de ces idées, disons-le, aux doctrines économiques professées avant Napoléon III et au nom desquelles on s'efforçait d'affranchir, par de nombreuses prohibitions à l'entrée, l'industrie française de prétendus tributs payés par elle à l'étranger, doctrine antisociale, sapant à sa base la solidarité des peuples, en brisant le faisceau d'intérêts communs qui, seul, peut éloigner les chances de guerre entre les nations.

Les faits qui précèdent témoignent hautement des succès de la réforme économique de notre système industriel et commercial; ils ne laissent même aucun doute sur l'opportunité de pénétrer plus avant dans cette voie, en abaissant progressivement d'année en année les droits d'entrée qui protégent encore plusieurs fabrications afin d'arriver, dans un temps donné, à effacer de nos tarifs de douane toute trace de droits ayant un caractère de protection, pour y substituer des taxes purement fiscales, car la Douane française, proclamons-le hautement, doit désormais jouer le rôle d'un octroi autour de la France, en apportant une large part à ses ressources financières.

Les Anglais ont évidemment conservé ce caractère à leur système douanier, et l'expression de libre échange n'a d'autre signification à leurs yeux que la faculté de tout importer et exporter, sous la seule condition du payement des droits fiscaux exigés par les besoins financiers du pays.

Aussi les droits perçus par la Douane anglaise constituent-ils l'une des sources les plus importantes des revenus de la Grande-Bretagne. Il suffira de rappeler qu'en 1863, la Douane anglaise a rapporté 23 millions 232,000 livres sterling, soit 580,800,000 francs, et en 1864, 22 millions 572,000 livres sterling, soit 564,300,000 francs, ce qui, en tenant compte du chiffre de la population, tant en France qu'en Angleterre, établit du fait de l'impôt de douane une capitation de 3 francs en France et de 19 francs en Angleterre; toutefois, nous n'ignorons pas que dans les revenus de la Douane anglaise, se trouvent compris des impôts qui, en France, sont tout à fait distincts de nos droits d'importation tels sont l'impôt du tabac, ainsi qu'une partie de la taxe sur les boissons, perçue en France par l'administration des contributions indirectes; mais, en évaluant à 60 millions de francs la taxe supportée par le tabac en Angleterre, et à 100 millions la part des droits de mouvement, d'entrée de ville et de vente au détail, qu'on peut regarder comme comprise dans la taxe d'importation des vins et spiritueux;

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