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le sien.» L'illustre économiste Bastiat, en nous rappelant publiquement ces principes en 1847, à Marseille, ajoutait : «Je suis si loin de vouloir détruire les douanes, que je les regarde comme l'ancre de salut de nos finances; je les crois susceptibles de donner au Trésor des recettes im

menses. »

Par tous ces motifs, nous ne craignons pas de proclamer hautement que, tant que les sociétés n'auront pas trouvé le moyen de se passer de tout revenu public, l'impôt de douane devra être précieusement conservé et développé dans la mesure du possible, comme réunissant au plus haut degré les conditions pratiques et théoriques à rechercher dans l'assiette des revenus de l'État.

III

Ce point établi, il nous reste à exposer succinctement le système de taxes à adopter pour donner à l'impôt le caractère de fiscalité qu'il doit désormais revêtir.

Et, d'abord, le taux des taxes doit s'arrêter un peu en deçà du point où il risquerait de restreindre la consommation de l'objet taxé. Tel est le principe qu'il importe de ne pas perdre de vue dans la fixation de chacune. Il convient aussi de ne taxer à nouveau que les marchandises dont l'importation doit procurer un revenu d'une certaine importance et de se borner à maintenir les taxes actuellement en vigueur sur les articles ne donnant lieu qu'à des perceptions minimes.

On ne s'attend sans doute pas à ce que nous indiquions ici les taxes dont chaque article nous paraîtrait susceptible; ce serait faire un tarif, et une œuvre aussi capitale réclame le concours de commissions où chaque membre apportera son contingent de connaissances spéciales, et où seront discutées chaque taxe au point de vue fiscal, en même temps que dans ses conséquences commerciales et industrielles; car il importe, et ce but est possible à atteindre, que l'impôt ne porte pas atteinte au travail national.

Aussi, en indiquant les principales matières à frapper d'un droit à l'importation, entrerons-nous dans quelques explications sur les mesures à prendre pour sauvegarder ce précieux intérêt.

On se rappellera que les matières premières textiles: laine, soie, coton, chanvre, lin, jute, abaca, phormium tenax et autres filaments non dénommés au tarif, ont été affranchies de droits à l'entrée à l'occasion de la levée des prohibitions sur les tissus, et, en quelque sorte, à titre d'encouragement en faveur des fabricants français, plus ou moins sérieusement inquiets des conséquences de cette nouvelle mesure. Aujourd'hui qu'on est complétement rassuré par les éclatants succès obtenus qui leur assurent une incontestable supériorité sur les marchés étrangers, la franchise des droits d'entrée sur les matières textiles n'a pas plus de rai

son d'être que sur les denrées coloniales, par exemple, frappées de droits énormes, et la concession faite sous l'inspiration d'une crainte non réalisée peut être retirée sans danger. Nous n'hésiterons donc pas à proposer un droit de 10 francs par 100 kilogr. sur toutes les matières premières textiles dénommées plus haut. Objectera-t on qu'imposer un droit quelconque à l'importation des matières premières serait s'écarter des doctrines nouvelles proclamées par l'Angleterre où elles sont affranchies de toute taxe; mais sommes-nous donc condamnés à suivre pas à pas l'Angleterre dans les moindres détails de ses évolutions fiscales et n'avons-nous aucun compte à tenir du tempérament économique de la France? Chaque nation n'a-t-elle pas en soi ses éléments propres de richesse et de revenus publics, conséquences de son sol, de son climat, de ses aptitudes naturelles, etc.? Ainsi l'Angleterre, nation essentiellement industrielle et commerçante, trouve tout naturellement dans les nombreux articles de consommation qu'elle tire de l'étranger sa matière imposable à l'importation, et l'on a vu plus haut, par le chiffre élevé de ce revenu, qu'elle en use largement sous ce rapport; tandis que la France, dont le sol produit presque tous les objets de sa consommation, a besoin de trouver ailleurs sa matière imposable à l'importation, et elle ne saurait guère la rencontrer que dans les matières premières destinées à l'industrie, qu'elle ajoute aux produits similaires de son sol et qu'elle placera sur le pied de l'égalité des charges, en les frappant d'un léger droit d'importation.

On nous objectera, sans doute, qu'une pareille taxe grèverait nos exportations de tissus d'une charge qu'il leur serait impossible de supporter sur les marchés extérieurs, en présence de la concurrence étrangère. Nous en convenons sans peine. Aussi proposerions-nous, en même temps que la taxe d'entrée, le rétablissement du drawback sur les tissus à leur sortie; mais, nous avons hâte de le dire, il ne s'agirait plus de cette machine compliquée dont la mnltiplicité des rouages, l'attirail administratif, en un mot, avait tellement embarrassé la marche que, ne sachant comment y remédier, on a trouvé plus court de la supprimer, alors qu'il eût suffi de la ramener à sa simplicité élémentaire pour en faire disparaître jusqu'au moindre inconvénient. Qu'on se rappelle, en effet, que dans l'ancien système des primes à l'exportation, chaque nature de tissus jouissant d'une prime particulière, il fallait dresser des cartes d'échantillons prélevés contradictoirement, les joindre à l'appui d'états de liquidation compliqués, les soumettre trop souvent à un jury d'expertise, recourir à des analyses chimiques pour distinguer, dans les tissus mélangés, les matières animales des végétales; autant d'opérations donnant naissance à des discussions, à des réclamations interminables. Aussi s'écoulait-il plusieurs mois entre

l'exportation et le payement de cette prime, circonstance qui en paralysait en partie les avantages.

Dans le système que nous proposerions, toutes les matières textiles frappées d'un droit uniforme donneraient lieu à un seul et même drawback, quelle que fût la nature des tissus exportés. C'est, par conséquent, la balance du vérificateur des douanes qui déterminerait la somme à payer par le Trésor à l'exportateur, et, de même que cet agent a qualité pour vérifier les déclarations des redevables à l'importation et constater les droits dus au Trésor, de même il aurait qualité pour constater le droit à rembourser au commerce; les garanties du Trésor sont identiques dans les deux cas. De la constatation du poids des tissus à la balance, découlerait le payement du drawback par la Douane, sans exiger plus de temps que le recouvrement des droits d'entrée n'en demande, puisqu'il suffirait de liquider le drawback comme on avait liquidé le droit d'entrée et d'en faire autoriser le payement par le directeur ordonnateur des dépenses sur les lieux. Trois ou quatre jours au plus suffiraient donc pour le remboursement.

Il est une autre objection faite dans ces derniers temps au système du drawback; il jette, a-t-on dit, la perturbation dans l'économie du budget de l'Etat, parce qu'il est bien difficile de déterminer approximativement le montant de la dépense du drawback et, conséquemment, des crédits à ouvrir; que, d'un autre côté, il importe de dégager le budget des recettes qui, devenant fictives par l'obligation où l'on est de les rembourser, avaient l'inconvénient de grossir en apparence les recettes et les dépenses de l'État. A cela nous répondrons que, lorsqu'il s'agissait de 40 à 45 millions de francs à rembourser sur les sucres, l'argument ne laissait pas que d'être sérieux; mais que le montant total des divers drawbacks ne pouvant, à l'avenir, dépasser annuellement environ 5 millions, il a peu de poids.

Au surplus, tous les inconvénients signalés plus haut disparaissent devant une simple mesure de comptabilité. Il suffirait, en effet, d'ouvrir aux opérations de trésorerie un chapitre où figureraient, dans le cours de l'année, les recettes des taxes donnant lieu au drawback et d'en retrancher à la fin de l'exercice la dépense correspondante, pour ne faire figurer définitivement, au profit du Trésor, que la différence.

Ces difficultés résolues, et pour éclairer la question, nous allons appliquer les vues exposées plus haut aux matières textiles et aux tissus de toutes sortes qui ont fait l'objet des transactions commerciales constatées par les soins de l'Administration des Douanes, dans son tableau général du commerce extérieur de la France pendant l'année 1864.

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Sur les quantités ci-dessus, de matières premières importées en 1864, il en a été exporté pendant la même période, savoir :

.

16,007,040

199,306,600 37,596,200 161,710,400 16,171,040

164,000

Coton.

13,000,000

Soie.. Jute.

5,000,000

18,650,000, qui eussent sans doute suivi le ré

650,000

gime de l'Entrepôt fictif si la taxe d'entrée proposée eût existé. Il convient donc d'en distraire le droit d'entrée.

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On voit par le tableau qui précède que, si les matières textiles importées en 1864 avaient été assujetties à un droit, assurément fort modéré, de 10 fr. par 100 kilog., le Trésor eût perçu plus de 16 millions de fr. net, c'est-à-dire, déduction faite du drawback de sortie; et en admettant, ce qui est d'ailleurs probable, que la taxe d'entrée eût fait préférer le régime de l'entrepôt fictif aux importateurs de 13 millions de kilogr. de colon entrés et sortis, et qu'il en eût été de même pour les 5 millions de kilogr. de lin et les 650,000 kilogr. de jute entrés et sortis, ensemble environ 18 millions 650,000 kilog. de matières textiles exportées, et qui n'eussent pas acquitté le droit d'importation, il resterait encore plus de 14 millions à percevoir sur cette seule nature de marchandises.

De même que nous avons réuni pour les englober dans une seule et même taxe les matières textiles, nous réunirons sous les mêmes droits d'entrée tous les corps gras, huiles et graisses, qui ont des emplois similaires soit dans la savonnerie ou tout autre produit chimique, soit pour l'éclairage, afin d'avoir un seul et même drawback à payer à l'exportation.

(Voir le tableau à la page suivante.)

Il est, sans doute, d'autres matières premières qui peuvent supporter la taxe de 10 fr. par 100 kilogr., à la condition de jouir, pour les produits fabriqués, d'un drawback correspondant, toujours très-simple à établir et à restituer aux exportateurs, d'après les explications qui précèdent.

Telles sont, par exemple, les peaux brutes de toutes sortes.

Il en a été importé, en 1864.

Il en est sorti :

1o En peaux préparées qui auraient à recevoir un drawback qu'on estime égal à la taxe d'entrée, soit

10 fr. par 100 kil. . . .

2o En peaux brutes qui, importées sans doute sous le régime de l'entrepôt fictif, n'auraient pas donné lieu à la perception du droit à l'entrée. . . .

6,241,400 kil.

9,241,400

Différence.

44,288,000 kil.

15,259,100

29,028,900

dont le droit d'entrée, à raison de 10 fr. les 100 kil., eût produit 2,902,898 fr.

Il resterait donc acquis au Trésor public, défalcation faite du drawback sur :

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