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dont M. Alphand se montre un peu trop prodigue dans les squares de la capitale.

De quelle manière avons-nous entendu l'internationalité du concours? Est-ce pratiquer l'hospitalité d'une manière digne d'uu peuple qui ne redoute pas les comparaisons, que de faire la portion congrue à ses hôtes, à ce point qu'ils sont obligés de se construire hàtivement des hangars pour suppléer au défaut d'espace ou à la mauvaise disposition des locaux qui leur avaient été assignés ?

Que de critiques nous pourrions accumuler ici si nous avions un autre but que de prouver la fausseté du point de départ : la nécessité de faire de l'argent et par suite de s'adresser à un public de flâneurs, en stimulant sa curiosité par l'attrait de mille petits spectacles.

Ce n'est point ainsi qu'il eût fallu comprendre les choses, et nous n'aurions pas à déplorer le petit esprit qui a présidé à l'exécution d'une œuvre internationale.

Un État n'a pas de bénéfices matériels à tirer d'une entreprise de cette nature; il doit même prévoir et accepter des sacrifices compensés pour lui par les progrès généraux. Représentant d'un être considéré comme immortel, la nation, l'avenir entre tout autant que le présent dans ses préoccupations. Si l'Exposition universelle est réellement utile, si elle a pour effet d'amener dans l'outillage général de l'industrie, dans le perfectionnement des méthodes agricoles et industrielles, dans l'expression esthétique des idées et des sentiments un mouvement ascensionnel incontestable; les millions qui y auront été consacrés seront très-rapidement et très-largement récupérés. L'espèce d'économie représentée par la combinaison adoptée peut être justement caractérisée par l'expression triviale d'économie de bouts de chandelles, et les mille inventions spéculatives qui appauvrissent l'idée du concours universel sont de celles dont une loi présentée d'urgence au Corps législatif devrait faire justice pour le plus grand profit du progrès et de la dignité nationale.

Grâce à l'affluence des étrangers dans les murs de la capitale, à l'impulsion donnée au mouvement des affaires et par suite de la plus-value des droits d'octroi et autres, la ville réalisera en 1867, sur l'ensemble de ses recettes, d'assez beaux bénéfices pour prendre sans sourciller à sa charge une partie des dépenses. Quant à l'État, nous avons vu que ses visées sont d'un tout autre ordre et qu'il doit aux étrangers qu'il a convoqués, aux nationaux qui veulent se rendre compte du rang que la France occupe en Europe au point de vue esthétique et industriel, de donner une publicité sans restriction à cette manifestation internationale qu'on appelle l'Exposition universelle.

ÉDOUARD HERVÉ.

DE QUELQUES FAITS QUI RESSORTENT

DU

DÉNOMBREMENT DE 1866 (4)

Le ralentissement du progrès de la population française préocupe à juste titre les publicistes, et beaucoup se sont efforcés d'en découvrir les causes. Cherchons de notre côté celles que la statistique pourra nous indiquer; une fois les causes bien établies, il sera peut-être plus facile d'en combattre les fâcheux effets.

Constatons d'abord que le ralentissement ne s'est pas arrêté. Le rapport officiel nous dit, il est vrai, que l'accroissement de la population est à peu près le même de 1861 à 1866 que de 1856 à 1861, mais il ne parle que des chiffres absolus. Or, lorsque 105 individus ont autant d'enfants que 100, par exemple 5, il y a, dans le premier cas, 1 enfant sur 21, et dans le dernier cas 1 enfant sur 20 individus. Le taux de l'accroissement a donc diminué. Ce point est trop évident pour que nous ayons à nous y arrêter.

D'un autre côté, les progrès de la population n'ont jamais été bien rapides en France, car en remontant de trente ans en arrière, nous trouvons les taux d'augmentation que voici :

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Ces oscillations peuvent en partie s'expliquer par les effets d'une révolution, par des guerres, des épidémies, et dans un sens opposé, par de bonnes récoltes, par un mouvement industriel et commercial plus actif; il reste néanmoins un fait qui domine les circonstances accidentelles,

(1) Le Journal des Économistes ayant publié, pag. 326, les résultats numériques du dénombrement, nous les supposons connus.

c'est que la moyenne annuelle de l'accroissement pendant trente ans est de 0.43 0/0 seulement, proportion inférieure à celle de la plupart des États de l'Europe.

Il n'est pas possible de dire exactement de combien le taux de l'accroissement est inférieur en France, car l'accroissement n'est pas plus uniforme ailleurs que chez nous. La seule chose certaine, c'est que nous progressons plus lentement que la plupart des autres pays; cela ressort clairement du tableau qui suit:

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Les causes qui retiennent la France aux degrés inférieurs de cette échelle peuvent provenir du climat, du territoire, du mode d'alimentation, et d'autres circonstances naturelles (2); elles peuvent aussi avoir pour origine des mœurs, des lois, une organisation sociale plus ou moins vicieuse. De là deux catégories de causes : 1° causes physiques, et 2o causes sociales.

Nous croyons pouvoir faire abstraction ici des causes physiques. On sait que notre climat et notre territoire sont aussi salubres que les plus favorisés en Europe, et l'on n'a rien signalé dans notre alimentation, notre organisation sanitaire, même dans la constitution de la race qui soit de nature à comprimer l'essor de la population. D'ailleurs si nous

(1) Nous n'avons pu calculer que l'accroissement de quelques-unes des provinces actuelles du royaume.

(2) Le mode d'alimentation dépend en partie de circonstances sociales; néanmoins, puisqu'une population nombreuse vit plus particulièrement des aliments qui se produisent dans le pays, nous maintenons la classification ci-dessus.

comparons les différents pays d'après leur mortalité, nous devons donner à la France le rang avantageux que voici: 1. Norvège (1 décès sur 58.42); 2. Suède, 47.67; 3. Angleterre, 47.66; 4. Danemark, 46.64; 5. Belgique, 44.27; 6. Hanovre, 44.15; 7. France, 43.14; 8. Pays-Bas, 40.46; 9. Prusse, 38.19; 10. Autriche, 36.34; 11. Espagne, 36.24; 12. Saxe royale, 36.02; 13. Bavière, 35.54; 14. Russie, 1 décès sur ? (27 hab., 30 hab., 33 habitants, selon les périodes). C'est à M. Quetelet (Statistique internationale) que nous empruntons les treize premiers renseignements; quant à la Russie, M. Schnitzler donne d'abondants détails; seulement, comme les résultats varient considérablement selon les périodes, nous nous abstenons d'adopter un chiffre. Il suffit qu'on sache que la mortalité y est plus forte que dans les treize autres pays. Du reste, même dans ces pays, les chiffres ne sont qu'approximatifs, car ils varient également d'une période à l'autre, seulement les oscillations ne s'écartent pas assez de la moyenne pour infirmer la règle. Somme toute, le taux de la mortalité, en France, n'est pas loin de la moyenne des pays les plus favorisés.

Dans tous les cas, les chiffres ci-dessus montrent que ce n'est pas l'excès des décès qui empêche la France d'accroître sa population aussi rapidement que les autres États; ce ne peut donc être que l'infériorité du nombre des naissances. Nous allons voir qu'il en est ainsi; mais auparavant i importe de combattre un préjugé. On a dit souvent que la vie moyenne augmente en Europe, et surtout en France, mais il n'y a aucune preuve en faveur de cette assertion. L'erreur vient de ce qu'on s'est longtemps contenté, pour établir la vie moyenne, de diviser le chiffre de la population par celui des naissances. Comme les naissances diminuent en France, le quotient- qui est censé représenter la vie moyenne a dû s'accroître. Il n'entre pas dans notre cadre d'expliquer comment il faut calculer la vie moyenne pour qu'elle soit conforme à la réalité (1), mais nous devons montrer que le nombre des naissances diminue.

Le tableau suivant indique le nombre moyen des enfants par mariage (il est bien entendu que les calculs ne s'appliquent qu'aux enfants légitimes):

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(1) Le calcul basé sur l'âge moyen des décédés, s'il est mathématiquement exact, peut encore induire en erreur, car, dans les pays où le nombre des naissances est considérable, la moyenne paraîtra basse à cause des nombreux décès d'enfants.

Dans les premières cinq ou six années du siècle, il y a eu plus de 4 enfants par mariage, et entre 1856 et 1860, il fut une année où la moyenne de 3 n'a pas été atteinte.

Veut-on connaître maintenant le rapport entre le nombre total des naissances et le chiffre de la population dans les divers pays de l'Europe? Le voici. Il y a eu une naissance sur le nombre ci-après d'habitants (1) Saxe, 25.98; Autriche, 26.18; Prusse, 26.50; Sardaigne, 27.82; Bavière, 29.22; Pays-Bas, 30.00; Angleterre, 30.06; Norévge, 31.64: Danemark, 32.28; Hanovre, 32.66; Suède, 32-39; Belgique, 34.35; France, 37.16. C'est donc à cause de ce petit nombre de naissances que nous figurons à la fin du tableau ci-après, que nous empruntons à la Statistique internationale de M. Quetelet. Il s'agit, pour chaque pays, du nombre de naissances correspondant à 100 décès :

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Il est maintenant de la dernière évidence pour tout le monde que si la mortalité n'est pas en France aussi favorable qu'elle pourrait l'être, ce n'est pas son excès qui ralentit notre accroissement, mais la diminution des naissances.

La diminution des naissances ne saurait être ramenée à des causes physiques, recherchons donc les causes sociales.

La plus puissante entre toutes est ce qu'on pourrait appeler la stérilité calculée. Beaucoup de familles limitent le nombre de leurs enfants pour ne pas trop diviser leur propriété. On voudrait assurer aux enfants une aisance au moins égale à celle dont on a joui, et pour ce but on s'impose des sacrifices de toute nature.

Certainement ce sentiment est louable, mais a-t-on bien choisi le meilleur moyen de le réaliser ? Nous en doutons. La limitation du nombre des enfants ne peut que les maintenir dans une certaine médiocrité, à leur préjudice et à celle du pays. Ces enfants ne sont pas toujours élevés à l'école du travail, leur fortune étant faite, plusieurs d'entre eux se complairont dans l'oisiveté; même sans avoir la particule, ils croiront déroger en cherchant une occupation utile, productive. Quelques-uns

(1) D'après Wappaeus, Bevolkerungs Statistick. (2) Pour une seule année.

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