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JOURNAL D'UN BALEINIER.

Voyages en Océanie, par le Dr THIERCELIN. 2 vol. in-18. Paris, Hachette. 7 fr.

Quand on parle de baleine et de baleiniers, c'est généralement vers les mers du Nord que l'imagination regarde. Celles-là, depuis les Ross, les Parry, les Franklin, les Richardson, les Back, les Kane, les Bellot, les Mac-Clure, nous les connaissons presque aussi bien que notre Méditerranée et notre Océan ; mais nous avions besoin qu'on nous dépeigne un peu la vie maritime des régions du Sud, où il y a aussi des glaces, ce qu'on oublie volontiers. M. Thiercelin a passé quatre ans à Fernando Po, dans la mer Australe, sur les récifs de corail, dans la Nouvelle-Calédonie, à l'ile Chatam, dans la Nouvelle-Zélande, à Taïti. Que de souvenirs, que de peintures, que d'utiles délassements pour l'esprit de celui qui sait lire ces bons livres, des voyageurs instruits et courageux!

Celui-ci mérite d'être placé parmi les meilleurs. L'auteur est un médecin qui s'est embarqué pour faire l'expérience d'un nouveau procédé de pêche, le procédé du jet d'une balle empoisonnée d'acide prussique ; mais ce n'est pas là ce qui nous attache à ses récits. Leur prix est dans la sincérité, dans l'adresse des observations, dans la nouveauté des peintures, dans l'élévation vraiment philosophique de la pensée du voyageur. P. B.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

SOMMAIRE.

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Le Champ de Mars transformé en champ de paix. - L'Exposition et la Réforme militaire. Concours institués pour une Cantate de l'Exposition et un Hymne de la paix. - Secours des ouvriers de Londres à la grève des ouvriers bronziers de Paris. - Les problèmes économiques du gouvernement national de Hongrie. Progrès des voies de communication entre les États-Unis et la Chine, entre les ÉtatsUnis et la Russie. - Prémices de la civilisation européenne en Chine. - Splendide philanthropie d'un ami des États-Unis du Sud.

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Une activité de plus en plus febrile règne à l'Exposition dans l'intérieur des galeries comme dans les constructions annexes et les jardins qui les entourent. Dans un mois, ce Champ-de-Mars resté célèbre comme théâtre de la fête de la fédération des diverses parties de la France émancipée, sera l'emplacement du « congrès de la paix » selon l'expression du président de la République en 1849.

Il n'y a que trois quarts de siècle écoulés depuis l'époque que nous venons de rappeler. Qui eût pu prévoir alors, qui eût pu prévoir surtout vingt ans plus tard, quand l'Alexandre ou le César moderne bataillait d'un bout à l'autre de l'Europe, et mettait en ébullition les mauvais sentiments des peuples, qui eût pu prévoir qu'à deux générations

de là, le second prince de sa race convierait sur ce même emplacement toutes les nations de l'Europe à un concours pacifique par excellence, à une exposition universelle des produits de toutes les industries!

Mais pourquoi faut-il que pendant que de toutes parts l'agriculture, l'industrie et les arts font leurs derniers préparatifs pour venir figurer au grand congrès de la paix du Champ-de-Mars, la réforme militaire soit à l'ordre du jour dans la plupart des États, en Allemagne, en Russie, en Suède, et en France! En France où pendant que les portes de l'exposition s'ouvriront au public, les voûtes du Corps législatif retentiront du bruit de menaçantes paroles. C'est une bien malheureuse coïncidence. N'aurait-on pu ajourner ces tristes débats ? La France n'est point en danger.

Nonobstant, la Commission impériale ayant décrété que l'art de la musique serait représenté au triple point de vue de la composition, de l'exécution et de l'histoire, « les compositeurs français et étrangers seront appelés à concourir pour deux compositions musicales tendant à célébrer l'Exposition de 1867 et la paix qui en assure la réussite; — la première, dite Cantate de l'Exposition, avec orchestre et chœurs, sera d'autant mieux appropriée à sa destination, qu'elle sera plus courte;la seconde, dite Hymne de la Paix, ne devra comprendre qu'un trèspetit nombre de mesures.

Des comités spéciaux sont organisés en conséquence, jusques et y compris le comité des fanfares!

Le Comité de composition, composé de trois célébrités musicales (Auber, Berlioz, Félicien David) et de savants compositeurs, vient de décréter à son tour que a la cantate de l'Exposition devra être écrite pour soli et chœurs; l'hymne de la Paix ne devra pas contenir plus de quatre strophes de huit vers au plus chacune, toutes rhythmées de la même manière et finissant par une rime masculine. »>

Puisse cette hymne être bien sentie, et puisse le Dieu des armées s'y montrer sensible. Mais il y a bien à craindre que le chansonnier n'ait raison, et que le bon Dieu ne dise, en voyant notre planète

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Tourner dans un petit coin:

Si je comprends comment on s'y comporte,

Je veux bien, mes amis, que le diable m'emporte.

La pratique des grèves ouvrières tend à prendre un caractère international. Le Conseil des métiers de Londres veut donner son concours financier à une grève d'ouvriers français, à la grève des ouvriers en bronze. Nous ne pensons pas que ces derniers reçoivent un grand secours d'outre-Manche, mais le fait n'en est pas moins digne de remarque au point de vue moral. Les ouvriers bronziers ne dédaignent pas l'appui des enfants de la perfide Albion; et il fut naguère un

temps où on disait aux ouvriers de Paris qui le croyaient, que les libres-échangistes étaient les agents de la moderne Carthage.

Voici l'appel que le conseil des métiers (trades council), de Londres, vient d'adresser à toutes les sociétés ouvrières anglaises :

« Frères travailleurs !

Londres, 7 mars 1867.

« La présente est délivrée à l'effet de certifier qu'après examen complet de tous les faits et circonstances se rattachant à la grève des ouvriers bronziers de Paris,

Nous avons accordé à l'unanimité la lettre de créance nécessaire aux délégués pour présenter leur demande d'appui moral et matériel à toutes les sociétés ouvrières d'Angleterre.

« Nous désirons que cet appui leur soit largement accordé, d'autant plus que, dans des circonstances analogues, les ouvriers français se sont déclarés solidaires des intérêts des ouvriers anglais.

« Votre serviteur,

« G. ODGER, Secrétaire du Trades-Council.»

La lettre de créance ci-dessus a été accordée aux délégués à la suite de la proposition suivante :

<< Considérant que la proposition faite d'appuyer les ouvriers du bronze s'accorde avec les vues générales du conseil;

<< Que la question des salaires ne peut être résolue que par le concours mutuel des travailleurs; que, n'y eût-il en cause que l'intérêt spécial des ouvriers anglais, ils devraient encore appuyer les ouvriers bronziers de Paris;

« Le Conseil décide, à l'unanimité, qu'il faut saisir avec empressement l'occasion qui se présente de prouver que les ouvriers anglais comprennent et pratiquent la solidarité. »

Le trades-council fonctionnant comme cour suprême, c'est à lui que chaque cas spécial de grève est déféré en appel par les intéressés, et c'est seulement lorsqu'il a reconnu la moralité et l'opportunité de la demande qu'il délivre une lettre de créance (credential) qui assure aux demandeurs l'appui de toutes les sociétés ouvrières.

C'est alors que, munis de l'approvation du trades-council, les délégués de la société peuvent se présenter auprès des conseils exécutifs de chaque société ouvrière, certains d'obtenir un accueil favorable, et l'exécution du pacte de solidarité.

Les assurances données à la chambre des communes par le gouvernement et les nouvelles d'Irlande permettent de penser que le fénianisme qui vient de faire une tentative d'insurrection sans portée, touche à sa fin.

Le ministère des tories, justement préoccupé de la situation de ce pays, vient de présenter au parlement le bill destiné à améliorer les rapports entre les propriétaires et leurs fermiers, annoncé dans le discours de la couronne.

En vertu du nouveau système, les propriétaires feraient aux tenanciers des prêts d'argent, qui seraient employés aux progrès de la culture et qui auraient pour but d'amener la plus-value des fermes et du sol. Les tenanciers s'adresseraient, pour obtenir ces prêts, à l'administration des travaux publics, qui ferait auprès des propriétaires les démarches voulues, et surveillerait l'emploi et le remboursement des emprunts. On pense que cette manière de procéder produirait, dans la pratique, de bons résultats, et exercerait une influence salutaire sur la prospérité générale de l'île.

En vertu d'un décret impérial du 20 février, la Hongrie est maintenant en possession d'un gouvernement spécial, hongrois, constitutionnel. A ses hommes d'État à mieux faire que le gouvernement centraliste et fusionniste allemand.

-

Au point de vue économique, il n'est pas démontré que le gouvernement national spécial soit plus éclairé. Le parti national en est encore aux corporations, à la protection, à l'esprit de caste et de réglementation. Il faut espérer que le jeu des institutions constitutionnelles amènera aux affaires des hommes d'intelligence et de progrès, et contribuera à éclairer la nation.

Le premier sujet de discussion, pour lequel M. le comte Andrassy, chef du ministère, a demandé à la Diète la priorité et l'urgence est caractéristique; c'est un projet de loi sur les finances!

-Un fait important relatif au rapprochement des États-Unis et de la Chine vient de s'accomplir. La Compagnie de navigation à vapeur du Pacifique, dont le siége est à New-York, vient d'informer le public que le steamer Colorado, qui lui appartient, a effectué heureusement son premier voyage. Le trajet de New-York à Hong-kong s'est effectué en 50 jours seulement, malgré deux escales à San Francisco et à Yokohama (Japon), et malgré un très-gros temps contre lequel le navire a eu à lutter.

L'achèvement du chemin de fer du Honduras et de la ligne qui doit joindre l'Océan Atlantique, à la hauteur du Nicaragua, ne peut longtemps tarder, et ces deux lignes réduiront encore de deux à trois jours au moins le temps nécessaire au transport des malles entre New-York ou l'Europe et Hong-kong.

D'autre part, les travaux de la ligne télégraphique qui reliera l'Union Américaine à la Russie d'Europe, en traversant l'Amérique russe, la Sibérie et la Russie d'Asie, viennent d'atteindre les abords du détroit de

Behring. La Russie, de son côté, s'est vivement acquittée de la tâche qui lui incombait dans cette vaste entreprise; on espère qu'au commencement de l'automne prochain la ligne pourra entrer en opération sur la longueur entière de son parcours.

La fin de l'année 1866 aura été marquée par des mouvements d'une grande importance dans l'administration chinoise. Le gouvernement chinois semble avoir voulu se débarrasser de certains fonctionnaires pour en finir avec les résistances du parti hostile aux Européens, dont ces mandarins passaient pour être les chefs.

Le Tsong-li-yamen (?) vient d'adresser aux autorités des provinces une circulaire qui est tout un événement :

<«< Attendu, y est-il dit, qu'il devient indispensable que la Chine se mette au courant des sciences cultivées en Europe, mathématiques, chimie, physique, médecine, astronomie, etc., etc., le Tsong-li-yamen cherche actuellement des hommes intelligents qui soient prêts à entreprendre l'étude de ces sciences.

<< En tout temps, les études sérieuses ont été honorées dans notre pays. Nous voulons fonder aujourd'hui un collége dans lequel nous admettrons le plus grand nombre d'élèves possible; nous espérons que beaucoup se présenteront.

« Déjà, dans la première année de Tongtje, nous avons établi dans notre Yamen une école pour les langues étrangères. Trois professeurs de nationalité différente y ont enseigné les langues française, anglaise et russe à de jeunes élèves pris parmi les enfants des Tartares des huit bannières, et âgés en général de 14 à 16 ans. Cinq années se sont écoulées, et ces jeunes gens ont acquis quelques notions des langues de l'Europe; mais leurs études de la littérature chinoise ont été retardées, malgré les soins que nous avons voulu qu'on donnât à cette importante partie de leur éducation. Ces travaux demandent déjà beaucoup de travail de la part des élèves, et vouloir en outre les lancer dans les études scientifiques serait peut-être trop exiger d'eux.

« L'habileté des Européens à construire des machines à vapeur, des ponts, des vaisseaux, etc., vient de leur connaissance approfondie des sciences dont nous avons parlé plus haut. A Sang-haï et dans le Tchékiang, des Chinois ont pu acquérir quelques notions pratiques de ces choses, mais ils ne seront véritablement des gens habiles qu'avec la connaissance complète de la théorie, qui est la base de tout. Pour ces raisons, il a été décidé qu'un collége serait établi pour l'enseignement des sciences. Des jeunes gens, Tartares ou Chinois, âgés de vingt ans, ayant passé leurs examens littéraires chinois, et pourvus de diplômes de docteurs en lettres, pourront y être admis. Ils seront présentés par les mandarins supérieurs de leur localité, s'ils sont Chinois, ou par le chef de leur bannière, s'ils sont Mandchoux. Ils subiront avant leur admission un examen de capacité devant les membres de notre Yamen.

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